Romi n'est pas quelqu'un avec qui Haneul veut précipiter les choses. Il veut plus que le temps qu'on lui accorde, il veut l'impossible. Romi fuit son regard, n'ose pas le regarder alors qu'il le repousse, l'éloigne. L'enfant d'ordinaire lumineux perd de son éclat, il sent son palpitant qui bat un peu plus vite. Il n'a pas envie que Romi parte. Ce n'est même pas un caprice, juste un simple fait. Il voudrait que cette nuit soit éternelle, qu'il puisse le retrouver des milliers de fois. Rien n'est pourtant simple et Haneul le sait. Il lui demande de rester, juste un mot mais il veut pourtant dire beaucoup. Mais Romi refuse. Tête baissée, il ne plie pas. Il semble résolu à s'en aller, à terminer leurs retrouvailles trop brèves au goût de Haneul. Si Haneul a peur des sentiments, c'est bien parce qu'il sait le pouvoir qu'ils ont sur lui. Il a fui la possible douleur la première fois mais il a aussi fui le bonheur. Il n'est pas prêt à faire deux fois la même chose. Même si Romi se défait de sa prise, même si Romi continue à se rhabiller - Haneul réplique. Voix suppliante, sincérité troublante. Il ne demande qu'une nuit en sa compagnie, que son corps contre le sien ou même un peu loin. Tant qu'il entend son souffle, tant qu'il le sent à ses côtés. Haneul s'en contenterait. Mais il faut que Romi reste. Etau ferme de ses bras, le garçon qu'il empêche de partir. Haneul ne s'attend pas à cette voix-là, pas à Romi qui lui semble triste, presque désespéré d'une certaine manière. Me fais pas ça. Faire quoi ? Question qui résonne. Haneul qui met toujours du temps à comprendre. Lâche-moi. Est-ce que son contact est si détestable ? Nouvelle interrogation mais une réponse se dessine d'elle-même. Les mains de Romi remontent jusqu'à ses poignets. Haneul les sent qui s'agrippent à eux, ne tentent même pas de les déloger. Et les paroles qui lui sont offertes sont terribles. Difficiles à entendre, encore plus lorsque tant de désirs égoïstes vivent en lui. Si tu m’as un jour autant aimé que tu le prétends, alors laisse-moi partir. Tu sais que ça me fera du mal de rester. Comme une claque qui vient fouetter son visage, gifle invisible qui lui met en pleine face son propre égoïsme. Haneul, les sentiments flous mais certains - il n'a pas pensé à Romi. Il n'a pas pensé qu'il pouvait encore le blesser, il a juste voulu le chérir à sa manière. Stupide, il l'est. Et le doute s'éveille mais Haneul l'a réellement aimé (( l'aime encore )). Assez pour s'oublier, assez pour vouloir lui éviter une nouvelle peine. C'est à contre-cœur que ses bras se retirent, libèrent Romi. Il attrape toutefois sa main, caresse sa paume alors que sa voix s'élève à nouveau. « Je veux que tu saches que je suis sincère. Avant et maintenant aussi. » Il se sent presque embarrassé de lui dire ça mais Haneul voudrait que Romi comprenne, ne serait-ce que ses sentiments. Il l'aimait, plus que tout. « J'ai pas envie de te laisser partir mais je ne veux plus te faire de mal. » D'aucune manière, jamais. Silence qui pourrait durer mais que Haneul vient encore briser. « Ce soir, je serai pas égoïste mais je veux te revoir. » Il baisse les yeux, contemple leurs mains. Il veut le retrouver un autre soir, un autre jour. Il veut juste que Romi lui accorde du temps, que Romi lui permette d'être à ses côtés. « Tu pourras me détester, d'accord ? » Haneul, il redevient ce gamin aux joues rosées face à Romi. Il redevient cet adolescent éperdument amoureux, quitte à s'enfuir.

Sa faiblesse face au plus jeune est claire, exacerbée par les souvenirs d’un passé qui réussit encore à lui arracher quelques battements de cœur trop rapides, quelques soupirs trop nostalgique. Et quand il lui arrive parfois, après un verre de trop ou quelques rails de coke, à repenser tristement à leur relation et vouloir retourner à ce passé, ce n’est pas pour l’effacer, loin de là, mais pour faire s’accrocher Haneul un peu plus à lui. Comprendre pourquoi il le quittera, anticiper et préserver leur amour. Parce que malgré ses mots durs, son instinct était certain de la réalité de leur sentiment. Haneul l’aimait bien qu’il ne sache pas pourquoi il l’avait quitté, ils n’étaient que des adolescents qui découvrent le monde, c’est difficile de mentir à cet âge-là. Les yeux d’Haneul brillaient de cette tendre dévotion à chaque fois qu’ils croisaient les siens et le chant de ses lèvres contre les siennes était une ode à l’amour. Il ne sait pas ce qui a fini par ternie leur harmonie, ce qui a poussé le brun à prendre peur mais au fond, il n’a jamais douté de ses confessions. Seulement, son ego a été blessé et sa fierté ravagée. Et c’est ce qui parle. Sa rancœur est incapable de s’essouffler et plus que les bons moments, il se souvient du mal qu’on lui a fait. C’est à ça qu’il se rattache quand il se sent fléchir. Si Haneul est parti une fois, rien ne l’empêche de le faire encore. Et face à un second abandon, Romi doute de pouvoir se relever. Haneul l’a laissé au plus bas, il est déjà au fond du gouffre, incapable de trouver son chemin vers la surface. Ses doigts continuent à s’accrocher au jeune homme puisque tout son corps ne se languissait que de ce contact si familier dont on l’a sevré pendant des années, sans jamais pouvoir y trouver un réel substitut. Mais son esprit est lucide, Romi n’a pas honte de supplier son ancien amant de le délivrer. Plus de faux-semblant, il avoue sa vulnérabilité et prie seulement son cadet de respecter son souhait. Avant que tout self-control ne s’envole et qu’il tombe dans ses bras, plus lourdement qu’avant. Il ferme douloureusement les yeux suite à la caresse que le garçon abandonne sur sa main, vainc avec rage l’envie têtue de happer ses lèvres – ce serait si facile, si évident, il lui suffirait de se tourner. Mais il tient bon un peu plus. « Alors prouve-le. » Il ne veut que ça, que Haneul lui témoigne toute sa sincérité en actes. Le plus jeune finit par aller en son sens, les paroles sincères font doucement battre son organe vital et ses doigts se desserrent de leur prise alors que ses mains tombent contre ses genoux, les poings lâchement refermés. « Tu as fait le bon choix...pour nous. » Il est reconnaissant que Haneul ait mis de côté son égoïsme, ça n’aurait été qu’un soir et rien de plus, mais maintenant il soufflait un espoir nouveau à leur relation. Romi se dégage sans mal de l’étreinte du garçon et il se tourne en sa direction, cueille son regard penaud et ses joues rosées. En cet instant, plus que n’importe quel autre, Haneul ressemble tellement au gosse dont il était tombé amoureux. « Tu sais où me trouver. » murmure-t-il doucement pour simplement réponse, une dernière caresse contre l’arrondi de sa joue, complète d’un chaste baiser contre son front. Il pouvait enfin partir.