Cette journée aurait dû se dérouler sous le signe de le plénitude, de la sérénité, du calme. Hyun Jae s'était même dirigé vers le parc national de DaeJung, aimant, de temps en temps s'y promener, s'y ressourcer.  Réfléchir sur lui-même, effacer ses pensées noires, suicidaires. Le moindre bruit le faisant paniquer,  le calme de Daejung lui faisait un bien fou. Et pourtant...

Il est là depuis moins d'une heure et soudainement, le sol se met à bouger, à vaciller sous ses pieds. Hyun Jae croit d'abord à un tremblement de terre, passager et bref. Mais... tout s'intensifie rapidement, le cœur de l'homme palpitant à une vitesse folle. La faune s'agite, l'humain chute.

Une crainte vivace prend rapidement naissance dans ses entrailles, lui retournant l'estomac, comme si c'était le moment pour ses peurs de prendre le dessus... la situation s'y prête pourtant, si proche de la mort. Tel un enfant, il pleure, il crie, il est seul, et pour son image, c'est surement mieux ainsi.

La force des secousses déracine les arbres, l'un d'eux s'écrasant si proche de l'homme, l'immobilisant au sol. Voila le bras de Hyun Jae pris en tenaille entre le sol et le tronc d'un arbre. La vive douleur lui arrache un nouveau cris, ravalant les suivants, il lui faut trouver un moyen de se libérer s'il ne veut pas mourir là... quoi que la mort pourrait résoudre bien des choses.

« Reprends-toi... Hyun Jae! » Qu'il murmure pour lui-même. Non, il n'a pas le droit de sombrer. Rapidement, il pense à MeeJoo. Est-ce qu'elle va bien? Est-ce qu'elle est seule? A-t-elle peur? S'en sort-elle mieux que lui? Hyun Jae sert les dents, de sa main libre, il essaie alors de repousser le tronc, de le soulever, même un peu, mais rien n'y fait. « Quelle merde! »

Lui qui avait passé ses premières semaines en centre ville avait eu envie de se couper un peu plus du monde, comme si passer de Seoul à la petite capitale de l'île n'avait pas suffit. Il n'avait pas prit son téléphone avec lui, juste un sac à dos qui comportait le strict nécessaire pour quelqu'un de peu aventurier comme lui.
Kihyun découvrait le village lorsque l'ambiance de celui ci changeait. A l'aide d'une simple carte en papier il cherchait son chemin. Pas très dégourdi il tournait souvent en rond, atteignait aussi la limite du village pour arriver vers les champs. Et puis une odeur venait chatouiller son nez. Un barbecue? Non, plus le temps s'écoulait plus l'odeur devenait forte et l'atmosphère se réchauffait.. Et puis il le voyait, au loin. Ce feu qui s'étalait et ravageait tout sur son passage.

Il courait, aussi vite qu'il le pouvait pour échapper aux flammes et aux quelques animaux qui eux aussi tentaient de sauver leur vie. Dans les rues, les gens commençaient à s'affoler, ce qui n'arrangeait en rien son état. Où aller? Comment fuir?  Il n'en savait rien, il n'avait pas la moindre idée d'où il était et sa carte  avait été abandonnée sur la route avant qu'il se mette à courir. Il mordait sa lèvre et puis son regard fut attiré par quelqu'un. Tandis que de nombreuses personnes couraient pour rentrer chez elles, une silhouette était allongée sur le sol. Et Kihyun reconnu la personne très rapidement. « Dean ! » Il courait, trébuchait et tombait de tout son long, son front heurtant le sol. Il avait mal, sa vue se troublait mais il n'avait rien de grave. Il reprenait sa course et s'agenouillait près du jeune homme, « Tu m'entends? » Le fleuriste semblait inconscient, et s'il n'avait pas de grandes connaissances en médecine, Kihyun savait au moins qu'il ne fallait pas toucher quelqu'un sans savoir le mal dont il souffrait. Plaçant sa main près de ses lèvres et de son nez, il soupira de soulagement en réalisant qu'il respirait. « Réveille toi, s'il te plaît, il faut qu'on parte... » Il regardait nerveusement autour de lui, les gens ne leur prêtaient pas attention.. Tant pis il ne pouvait pas rester là. Il le souleva et marchait, doucement, jusqu'à ce qu'il entende des gens dans le parc. Quelqu'un avait besoin d'aide. Son manque de confiance en lui mit de côté, il s'y dirigea et reposa délicatement Dean à terre en voyant une jeune femme tenter d'aider quelqu'un.
« Je vais vous aider. » Il lançait un regard furtif vers le fleuriste qui ne bougeait toujours pas puis se plaçait au dessus du tronc. « Je vais essayer de le soulever, je ne suis pas très fort donc je ne pense pas tenir plus de quelques secondes, il faudra écarter son bras dès que possible. » Il s'accroupissait, puis compta jusqu'à trois. Dieu merci ce n'était pas un chêne centenaire, il avait une chance de réussir.

Pour en savoir plus sur les fleurs, leurs langages et leurs significations, mais aussi – et surtout – pour parvenir à les différencier, le patron de Dean l'avait embarqué avec lui ici. La boutique était exceptionnellement fermée pendant quelques temps ; deux jours théoriquement, mais le séjour pouvait un peu s'étaler selon les mots de son patron. Dean avait emporté un simple sac à dos, rien de plus, rien de moins. Il n'était pas du genre à emmener beaucoup de choses, il voyageait léger.
Ce petit voyage l'éloignait de la ville, du bruit, du monde. Cela l'emportait vers un paysage un peu plus vert et plus coloré. Il y était habitué, sans totalement l'être. Avant, il vivait dans la grande ville. Celle active jour et nuit. Celle qui ne dormait pas. Celle qui était tout le temps éveillé, tout le temps en mouvements. Celle qui brillait, grandement, chaudement, glissant des rayons vers le ciel alors que des silhouettes, des ombres, venaient s'y ajoutaient, courant, dansant, parlant, jouant, attendant. Il y avait toujours quelqu'un qui traînait dans la rue, toujours quelqu'un qui s'activait ici ou là. Dean se souvenait de son quartier, là où il avait grandi. Quand lui se réveillait, les autres l'étaient déjà aussi. Et quand lui se couchait, certains restaient debout. A chaque coin de rue, de la vie. Tout bougeait. Sans interruption.
Dans la ville, la vue était toujours la même. Des bâtiments, grands, hauts. Ici, tout était clair, dégagé. Un paysage qui lui était familier tout en lui donnant cette impression de jamais vu ailleurs. C'était reposant, en un sens... même s'il n'était pas là pour profiter de la vue, à la base.
Les fleurs. Il était là pour ça. Enfin, pour le moment, il traînait. Son patron discutait de choses sérieuses avec son ami, des choses qu'il n'avait pas besoin de savoir et dont il ne se souciait pas vraiment. Alors il se promenait. Il visitait. Il observait. Il avait appris quelques petites choses hier, et il aurait encore le temps d'en apprendre plus tard – à condition qu'il s'en souvienne – ça avait été terrible de faire Dean se concentrer sur ce qu'on lui expliquait alors qu'un adorable chiot allait et venait. Lui et Dean avaient le même niveau de concentration qu'on aurait presque pu les prendre pour des jumeaux.

Et sa concentration fut détournée de son chemin, ses prunelles fixant avec étonnement et inquiétude cet épais nuage noir qui s'élevait. Comme les quelques personnes qu'il croisait, il tenta de s'en éloigner. Il ne comprenait rien à ce qui se passait. Il sentit la terre trembler, il entendit les gens s'affoler. L'angoisse grimpa, l'envie d'aider aussi et ce besoin de réponses à des questions qui mouraient dans l'air.
Puis plus rien. Le noir complet. Comme si quelqu'un avait éteint la lumière. Il se retrouvait allongé sur le sol, comme si la vie l'avait soudainement assommé. Les yeux clos, il entendait sans entendre ce qu'il se passait. Il entendait qu'on l'appelait. ; c'était pas Ki Hyun d'ailleurs ? Il sentait qu'on le déplaçait. Mais c'était comme si ce n'était pas lui, en fait. Il flottait. Quelque part. Il errait, et il faisait tellement sombre que c'en était effrayant. Il ne tentait même pas de comprendre. Il se laissait juste aller. Les réponses finiraient par arriver... non ?

Il a beau essayer, il manque de force, il n'est pas gaucher, et la position dans laquelle il se trouve n'aide pas réellement. Il reste désespérément bloqué sous ce tronc qui lui broie de plus en plus le bras. Autour de lui, tous s'affolent et rapidement, une odeur de brûlée s’immisce dans l'air, des particules noirs épaississant l'air au fur et à mesure. La situation n'est guère meilleur ailleurs, sans doute même ne s'en tire-t-il pas trop mal...

Des plats clopinant, puis une voix féminine.  Il n'a pas le temps de lever les yeux que la jeune femme, blessée elle aussi, s'écroule près de lui. Il n'est plus seul, et d'une certaine manière, ça le rassure, même s'il n'est pas pour autant tiré d'affaire. Mais rapidement, Hyun Jae est à nouveau rejoint, cette fois par un homme. Il y a de l'espoir. Du moins, il faut l'espérer.  « Quelques secondes... ça devrait suffire... » Souffle-t-il, grimaçant alors qu'il ravale un gémissement. Putain, ce que c'est douloureux, tout de même. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, Hyun Jae trouve un côté positif à tout ça. Avec une telle douleur, impossible pour lui de tomber dans les pommes, ça va le tenir éveillé un bon moment. Le garçon lance alors un compte à rebours et lorsque Hyun Jae sent le poids sur son bras s'amoindrir, il retire aussitôt son membre sans, cette fois, retenir un gémissement, à la fois de douleur et de satisfaction. « Merci... » Qu'il souffle, portant sa main valide contre son bras blessé tout en se redressant.

Hyun Jae constate alors l’ampleur des dégâts tout autour de lui...
A nouveau, la crainte lui retourne les tripes... lui embrouille l'esprit, foutue malédiction.
« Reste lucide! » Murmure-t-il à nouveau pour lui-même. « Ne crains rien. » Cette blague, plus facile à dire qu'à faire.

« Il a pas l'air bien... » Dit-il, posant les yeux sur le garçon, allongé là, un peu plus loin -Dean-. Comme si, se soucier des autres lui feraient oublié toutes ses peurs. Au moins, il essaye, une partie de son esprits restant toutefois perturbée. Hyun Jae approche alors de l'inconscient, posant alors son index et son majeur contre son cou, près de la jugulaire et... au bout de quelques secondes, la panique reprend le dessus. « Je ne sens pas son pouls! »

Soulever un tronc d'arbre. Si un jour on lui avait dit qu'il ferait ça, qui plus est lors d'un incendie, Kihyun n'y aurait jamais cru. Il n'était pas téméraire, courageux non plus. Toute sa vie il s'était laissé vivre et se contentait de faire ce qu'on attendait de lui. Ce genre de choses n'étaient pas écrites dans son avenir, du moins pas jusqu'à ce qu'il prenne la décision de venir vivre à Jeju. Il finissait par réunir toutes ces forces et durant ces quelques secondes le jeune homme réussit à dégager son bras, avec l'aide de la seule présence féminine à leurs côtés. A la seconde où il était sûr qu'il s'était dégagé, Kihyun laissa retomber l'arbre, le visage rougit par l'effort. Le sport n'avait jamais été son point fort, élève très moyen durant toute sa scolarité dans cette discipline, il n'avait pas cherché à continuer à en pratiquer en dehors. Il se redressait, mains sur les hanches et inspirait profondément. Erreur fatale. Enfin, presque. L'odeur de brûlé emplissait ses poumons et il se mit à tousser.
Une idée le frappa soudainement ensuite. Il retirait sa veste et l'enroulait sur elle même avant de s'approcher du jeune inconnu blessé au bras. « Je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, mais ça pourra te servir d’atèle le temps qu'on sorte du village. » Il attrapait délicatement son bras, grimaçant de peur de lui faire mal et le laissait reposer sur le tissus dont il noua les manches. Ainsi cela permettrait à Hyun Jae d'utiliser son bras encore valide par la suite.

Une sorte d'instinct naissait en Kihyun, entrepreneur. Lui qui ne l'était jamais, qui manquait de confiance en lui et n'aimait pas attirer le regard des autres. Mais étant la seule personne valide du groupe, il se devait de soutenir les autres, plus encore dans un moment comme celui ci. Il se tournait vers Amy, inquiet. « Ça va aller? Il faut qu'on trouve quelque chose qui puisse te servir de béquille... » Dans un parc ça devrait être possible non ? Une grosse branche à la limite..
Ses pensées étaient interrompue par Hyun Jae. Immédiatement il se tournait vers lui, écarquillant les yeux à ses mots. « C-comment? » Il courait et s'agenouillait près de son ami inconscient, vérifiant à son tour son pouls. Il disait vrai... « Merde merde merde … Dean non, réveille toi. » Il paniquait, clairement. Sans trop savoir comment s'y prendre, il pressait la paume de ses mains sur son torse et entamait un massage cardiaque. Et puis... il réalisait. Le massage ne suffisait pas. Immédiatement son visage virait au rouge. Il devait ignorer sa pudeur, la vie de son ami était en jeu. Et surtout il ne devait pas perdre de temps. Il pinçait délicatement le nez de Dean avant de se pencher pour lui faire du bouche à bouche. Après quelques instants il reprenait le massage cardiaque, priant silencieusement pour qu'il se réveille.

L'inconscience, drôle de mot. Et pourtant, elle est perdue dans un autre monde. Une partie d'une des maisons du village lui est tombé dessus, sans qu'elle comprenne vraiment ce qui se passait. Inconsciente, les yeux fermés. L'air lui manque, une masse sur sa cage thoracique. Autour d'elle, Na Bae entend du bruit, des gens qui hurlent, qui panique. Mais elle est autre part, entre deux monde. Elle a beau tournée sur elle-même, nul lumière lui indiquant le tunnel pour se rendre dans l'au-delà. Et personne ne sait qu'elle est présente dans le village. Car c'est ça, Na Bae, souhaitait du calme, oublier que sa vie part en morceau sans qu'elle ne puisse dire un mot. Et là, elle risque de mourir, loin de ses amis, de ceux qu'elle aime. Et elle n'avait rien vu venir, le nez sur son téléphone, attendant un message. Comme si il allait lui envoyer un message, alors qu'ils s'évitent encore et toujours à cause des journalistes. Allongée sous les décombres, nul ne remarquera qu'elle s'y trouve. Sauf que son téléphone se met à sonner. Juste pour lui rappeler qu'il est l'heure de prendre sa pillulle. Peut être que quelqu'un entendra et remarquera que l'actrice montante de la ville, risque de mourir si personne ne l'aide pas.