22 heures, le ciel est peint d’la même noirceur qui remplit le crâne d’hisaé, enfermée dans une douleur assourdissante, elle contemple ses pieds qui s’balancent du haut de son muret. quand les angoisses font trop de bruit entre les murs, elle préfère la calamité de son quartier, les tours illuminées, les coins où les touristes ne viennent jamais. ce gris monotone c’est pas son préféré, elle préférerait tout abandonner et quitter ce nuage morose pour l’ailleurs. elle a les yeux nostalgiques qui s’agrippent à chaque bout de malheur et qui les transforment en montagnes atrabilaires. aujourd’hui c’est une fichue sale note qui la met en rogne, chiffre médiocre, ratures écarlates synonymes de sa banalité, insignifiant pour certains, mais c’est comme ça ça s’contrôle pas pour hisa. elle va trop vite, elle se précipite dans ses émotions et s’y enferme, dépendante d’une nostalgie imaginaire, celle d’une vie qu’elle a jamais vécu, d’une adolescence qu’elle vivra jamais. elle frisonne un peu dans son pull en laine alors elle sort une clope de sa poche. elle a ses manches trois fois trop grandes qui couvrent ses doigts tremblants, tant qu’elle ne parvient pas à utiliser ce foutu briquet. cinq fois, dix fois, comme une gamine désorientée, incapable de se contrôler, elle finit par le jeter sur le bitume, le laissant se briser. bousillé le briquet.