un jour, courant 2016...

elle a fui ses problèmes en colombie pour s'en attirer ici. ce sont des soucis d'ordres totalement différents, mais, ils n'en sont pas moins pesant. karmen a le mal du pays. mine de rien elle lui manque, sa colombie. une nouvelle vie en asie, ça l'arrangeait. mais, sans points d'ancrage ni familiarités, elle y est complètement déboussolée.

rien n'est comme avant. l'hispanique ne retrouve aucune similitude avec l'amérique latine que ce soit au niveau de la langue, des coutumes ou tout simplement de la tête des gens. d'ailleurs, sur ce point là, la noiraude à remarqué une chose assez rapidement : au niveau des étrangers, il y a clairement plus tolérant que la corée. fuir un pays pour que la peine judiciaire lui soit évitée et atterrir dans un autre où les personnes dévisagent ses traits de manière déplacée ? génial. c'est un comble. elle n'aurait pas pu mieux tomber ? mais bon... au moins, elle garde les saveurs de la liberté et personne ne penserait à la chercher sur une petite île paumée rattachée à la corée. de toute manière, les affaires colombiennes sont toujours bien vite étouffées. d'ici quelques mois on la considérera morte ou on ira tout bonnement l'oublier. après tout... qui se soucierait d'une pauvre fille des bas quartiers qui a su se faire de la thune sur le dos de la prostitution et des trafics illicites ? tout le monde sera d'accord sur le fait que ce n'est et ne sera jamais une grosse perte pour l'humanité.

c'est dans un profond désir de boire pour oublier que l'étrangère passe la porte du premier bar qui vient à sa portée. enfin, "bar". avec des filles qui dansent et qui doivent sans doute retirer les maigres tissus qui les couvrent pour un ou deux bons pourboires. mais bon. qui est-elle pour juger ? à une époque, c'était elle qui se trémoussait pour de l'argent.

s'installant au comptoir, elle prend la carte et se ravise aussitôt. ah. c'est vrai. tout est écrit bizarrement, en corée. ça fait quoi ? deux semaines qu'elle est là ? elle ne sait ni parler ni lire cette langue. une véritable catastrophe qu'elle tente de combler en apprenant sur le tas, avec son vieux dictionnaire anglo-coréen. heureusement qu'elle a l'aide de cet étudiant(e) avec qui elle vit.

dans un profond soupir, elle abandonne l'idée de comprendre ce que la maison sert. elle demandera de vive voix lorsque le barman sera là. et, en parlant du loup, le voilà.

hi ! i guess you don't speak a word of spanish but i keep my fingers crossed and hope you're an english speaker. hélas, en voyant le sourire du jeune homme subitement se déconfire, l'hispanique comprend qu'il maîtrise aussi bien l'anglais qu'elle le coréen. ah... i see. well... nevermind. you don't have to speak to serve me a drink and i don't have to make full sentences to explain what i want, right ? en soit, karmen a conscience de se parler à elle-même, dans le cas où l'homme ne la comprend pas. mais bon, tant pis. 

alors qu'elle reçoit une notification sur son téléphone, un éclair de génie lui traverse l'esprit. pourquoi n'y a-t-elle pas pensé plus tôt ? empoignant son smartphone, elle se contente de l'approcher de ses lèvres et prononcer : ok google, what's the korean for : serve me the best whiskey you have, please. l'appareil prend un instant pour répondre à la requête avant d'afficher son résultat. tout le monde sait que google traduction est aussi fiable que les indications routières d'un enfant de 5 ans, mais... on fait avec ce qu'on a. elle pose ainsi son téléphone sur le bois du bar, le tournant en direction du tenancier pour lui faire lire la traduction obtenue.
네가 가진 최고의 위스키를 내게 대접해라. 제발.
karmen ne peut pas s'empêcher de se dire mentalement : tout ça pour une phrase si courte ?... c'est flippant.