Cette dernière heure de perm devenait interminable. Jeon Luka, jadis l’enfant modèle. Celui qui ramenait des « A » à chaque devoirs et dans n’importe quelle matière… Son implication dans la vie scolaire se suffisait dorénavant à une présence surtout physique. Il ne participait plus tellement… Il n’en avait plus envie. C’était toujours la même histoire qui se répétait inlassablement… Le même environnement, les mêmes gens. Cette pression constante d’appartenir au classement des meilleurs élèves. Il avait fini par se foutre de tout ça. Par fuir cette recherche de perfection, pour se plaire aux côtés de ses nouveaux amis. Ce trio de choc pour qui le terme « amitié » prenait tout son sens. Même si Luka avait toujours su bien s’entourer – pour ne pas dire, mieux s’entourer – c’était avec eux qu’il se sentait enfin vivre. C’était avec ces trois lascars qu’il se plaisait à envoyer valser ce foutu monde conformiste. Il restait toujours, la tête pensante et raisonnée de la bande. Celui qui savait dire stop lorsqu’ils allaient trop loin. Néanmoins, il était aussi celui pouvant se montrer particulièrement enthousiaste à l’idée d’expérimenter un truc. Il découvrait un peu le monde, avec eux. Il espérait les rattraper dans leurs débauches, aussi intimement se sentait-il capable de les sauver si l’un d’eux finissaient par mal tourner à cause leurs délires… D’un geste las, Luka se saisit de son téléphone pour pianoter un rapide message à Doan, ainsi qu’aux deux autres. Ils avaient tous été dispatchés à plusieurs endroits de la classe, sur le bon vouloir de leur surveillant. Se doutait-il qu’ils préparaient un mauvais coup ? Dans tous les cas, cela n’aurait aucun rapport avec le lycée... « C’est toujours ok pour ce soir, à l’endroit prévu ? » Message envoyé, en trois exemplaires. Plus que quelques minutes à tenir et les lions sortiront de leur cage.

La permanence... Un lieu qui pouvait permettre aux élèves d'accomplir toutes les bêtises de leurs adolescences. Đoàn, lui, était à l'autre bout de la salle. Affalé sur sa table, loin de ses amis. Les surveillants savaient que son groupe et lui-même pouvaient faire n'importe quelles âneries. Certains élèves étaient déjà rentrés, d'autres attendaient la sonnerie pour s'en aller et d'autres avaient oublié leur carnet de liaison et ne pouvaient pas rentrer à la maison. L'heure passait lentement, l'ennui était pesant. Dormir n'était que la seule solution possible pour notre jeune d'origine vietnamienne. A moins qu'il décide de prendre le risque de faire une connerie. Mais il ne pouvait rien faire, il était en territoire ennemi. Il essaye d'attirer l'attention de sa bande de pote qui se trouvait loin de lui, à croire qu'il est maudit. Monde pourri. Voilà ce qu'il pensait. Pourquoi les avoir séparés ? Une société digne de crever. Il ne faut jamais séparer une bande d'ami prêt à conquérir la planète. Telle une comète, il rentre en collision avec la planète bleue. Courageux, ils n'hésitent pas à braver les interdits. Ambitieux, ils peuvent remuer la queue dès que leur mission est accomplie. Chasseur de fantôme, une passion devenue une véritable obsession. Doan croit aux esprits et voulait à tout prix prouver que nous n'étions pas seul. Son téléphone portable vibre. Un message du petit Luka. Un acquiescement se fit ressentir dans le salle de permanence. Crier « oui », n'a fait que rire les élèves présents. Il fut dirigé dans le bureau des surveillants. Il attendait la sonnerie qui allait retentir dans quelques minutes. Sanction et punition pour notre asiatique. Il allait sortir après tous ses camarades dans la salle de torture. Enfin sorti du bureau, il a pu sortir du lycée. Il en profite pour sauter sur le dos de Luka pour l'embêter. « On prend de l'avance ? On ne va pas attendre les deux guignols. » Surnoms affectifs pour qualifier les deux autres membres de leur bande. Prendre de l’avance est la seule solution pour nos deux bûcherons

Il aurait du s’y attendre. C’était gros comme le nez au milieu de la figure ! La réponse de son complice prononcé à voix portante ne manqua pas de lui arracher un rire. Bien que jaune, sur la fin. Le surveillant ne parut pas trouver la situation amusante et Luka s’était vu ressentir un sentiment d’angoisse à l’idée que son poto finisse coincé entre ces quatre murs… Ce n’était pas le moment idéal pour une stupide sanction. Pour autant, il allait s’en tenir au plan initial et le regard qu’il jeta aux deux autres eurent pour but de les conforter dans la suite du programme. C’était ce soir où jamais. Et les voir tous les quatre en dehors de l’école signifiait bien souvent qu’ils préparaient un mauvais coup… Le mieux était encore de faire profil bas. Leur activité en tant que chasseur de fantôme n’avait rien de très légal en soi. Les plus anciens de l’île avaient plutôt tendance à les insulter, dans la crainte qu’ils attisent la colère des esprits ! Pour Luka, il ne s’agissait rien de plus que d’enquêtes et d’expéditions pouvant se donner la frousse.

A la sonnerie libératrice, les élèves se ruèrent à tour de rôle jusqu’à la sortie et le jeune homme ne fit pas exception à la règle. Il avait à peine eut le temps de s’inquiéter pour Doan qu’il sentit un poids lui retomber lourdement sur le dos ! « Tu lis dans mes pensées ! Suis-moi. » fit-il en passant rapidement un bras autour de ses épaules, le forçant à se pencher. Des trois paumés, celui-là était peut-être son préféré. « J’ai planqué les bombes derrière le gymnase. » Le bâtiment se trouvait à quelques mètres du complexe scolaire. Ils ne mirent pas bien longtemps avant de recouvrir l’endroit et le fameux sac qu’il avait laissé derrière un conteneur. Il y avait à l’intérieur tout les aérosols nécessaires pour s’adonner à des graffitis de professionnels. Pour ce qui était du matos pour communiquer avec les esprits, les deux autres s'en occupaient. « Mec, tu payes le bus ? » Petite boutade, parce que ça c’était gratuit. Leur véritable destination était donc, le temple sincheon situé à Seongsan.

Pratiquer le métier de « chasseur de fantôme » lorsqu'une personne n'est qu'un petit lycéen est très risqué pour lui, mais également pour autrui. L'innocence est le fruit de l'inconscience. A l'inverse des adultes, ils ne sont que de simples enfants voulant jouer avec le feu. Ils veulent prouver qu'ils ne sont pas peureux. Pourquoi mettre en scène ce cinéma, alors qu'a la fin, l'un d'entre eux sera au plus bas ? Aime-t-il se mettre en danger ? Ils vont attiser la colère des personnes qui sont censés les protéger. Doan, lui, croyait réellement aux esprits. En faisant des enquêtes, il essaye de collecter un maximum de preuve pour montrer aux peuples qu'il n'est pas qu'un simple ouistiti. Au fond de lui-même, il essayait de se convaincre que la personne décédée de son entourage était en paix. Il n'arrivait pas à se pardonner de l'avoir laissé. Dans sa petite tête, il l'avait abandonné. Garçon fragile et sensible. Il n'arrivait plus à se faire d'amis car les autres pensaient qu'il avait un grain de folie. Être différent des autres, est-ce là le défaut de notre adolescent ?
Choqué en sentant le bras de Luka autour de ses épaules, il ne peut que soupirer lorsqu'il entend celui-ci lui dire que les bombes étaient cachés derrière le gymnase. « Sale naze ! » Quelle idée de les laisser derrière un endroit fréquenté. Seulement qu'il n'avait aucune solution à part celle-ci. Ils ont mis moins d'une minute pour récupérer le matériel pour commettre de petits délits. Puis ils se mirent en route vers le temple sincheon. Pour lui faire plaisir, Doan lui paye le bus afin de rejoindre leur destination en toute sérénité. Installé à côté de Luka, il ne peut s'empêcher de lui ébouriffer les cheveux. Arrivé quelques minutes plus tard sur le lieu sacré. Il attrape le bras de son ami pour lui demander si c'est une bonne idée. Un mauvais pressentiment, mais ils ne pouvaient plus faire marche arrière. Il pouvait sentir une mésaventure à cause d’un petit murmure. Sans doute son subconscient qui venait de lui dire d’arrêter. « Tu as un masque ? Histoire qu’on ne soit pas intoxiqué. » Une fois prêt et une fois lancé, on ne pouvait plus les aider.

Ça ne semblait pas bien malin comme cachette et pourtant, jamais personne ne se serait donné la peine de pousser le conteneur pour y retrouver le graal. N’aurait-il pas été plus suspect à se trimbaler l’attirail durant toute une journée au bahut ? Luka était toujours extrêmement confiant en présence de ces drôles de loustiques… même s’il ne devrait pas. Une fois rendu à l’intérieur du bus, l’adolescent ne s’était pas attendu à l’attaque sournoise de son compère, rendant sa tignasse ingérable même après quelques vaines tentatives pour tout remettre en place. C’était dire comme ses amis et ses propres cheveux lui manquaient cruellement de respect ! Et pourtant, il ne changerait rien, même pour tout l’or du monde. « On y est. » prononça t-il en gagnant leur destination. Une espèce de nœud lui comprima littéralement l’estomac face au bâtiment. Environnement sacré, aux décors traditionnels. Tout était extrêmement propre, jusqu’aux moindres gravures… Mais ça ne le resterait pas.

Il était trop tard pour faire marche arrière. Et pendant un instant, il crut bien que Doan allait l’abandonner lorsqu’il évoqua son mauvais pressentiment… C’était plutôt rare qu’il en vienne à le retenir par le bras. D’ordinaire, c’était davantage son genre ! Chose que Luka prit à la légère, plus pour masquer sa propre appréhension et se donner du courage pour deux. Quant aux masques, cette pertinente interrogation le poussa sur un mélodieux rire alors qu’il soulevait le sac avec les bombes, de sa main droite. « Évidemment, tu crois quoi ? » Plus pour le chambrer qu’autre chose, il lui ébouriffa également la tignasse et firent le tour du sanctuaire, en quête d’un endroit tranquille pour commencer leur premier délit. Puisqu’il faisait encore jour, le risque était nettement plus élevé. Il s’y trouvait encore quelques visiteurs indésirables pour se mettre à l’œuvre… Qui plus est, les deux autres ne donnaient toujours pas signe de vie. « Ils oseraient pas nous lâcher, si ? » lui demanda t-il en se laissant retomber le long d’un mur, dans un soupir ennuyé.