tenue. // @Mishima Rei ※※※

Tenue impeccable et cheveux parfaitement disciplinés, Ha Ru attendait patiemment l'arrivée de son invité dans sa nouvelle demeure. Une villa, dont même les plus riches en seraient envieux tant la luxure s'en dégageait. La luxure mais aussi la singularité. Si le devant revêtait la parure la plus moderne et à la pointe de l'élégance avec ses grandes baies vitrés, ses espaces et ses hauts plafonds, la deuxième partie, bien plus privée et dont personne outre sa servante et lui-même n'avait accès, respirait l'ambiance japonaise, avec son petit jardin et l'étang qu'il vous fallait traverser par le ponton afin d'y parvenir.

Jamais Ha Ru n'avait été avare lorsqu'il était question d'argent. Il achetait ce qui lui plaisait, et bien sûr, vivait selon ses hautes finances. Le meuble Ikea n'avait pas sa place ici, mais bien le bois du grand Georges Nakashima ou d'autres effets existant en unique exemplaire. Il espérait donc que l'architecte d'intérieur qu'il avait convié saurait capter rapidement ses exigences et les satisfaire. Il ne savait d'où il venait, son meilleur ami lui avait juste filé son numéro de téléphone, un jour alors qu'il n'avait rien demandé, lui donnant pour seule information qu'il était japonais. Et même si jamais il ne le reconnaîtrait, Kim était assez content à l'idée qu'il pourrait de nouveau échanger dans sa langue natale. Enfin, natale. Tout était relatif.

L'invité se fit entendre à la porte, et Madame Yamada s'empressa d'aller lui ouvrir la porte et de l'amener jusqu'à l'un des salons de son employeur, pour ne pas dire maître de maison. Dès qu'il entra, l'ancien directeur se leva du canapé en tissu et cuir italien, et joie que d'avoir un japonais devant soi alors qu'ils n'avaient qu'à rester à une bonne distance de l'un de l'autre et se courber pour exprimer les salutations. Ha Ru ne se baissa que très légèrement, faisait rapidement comprendre à l'architecte qu'il comptait bien garder cette position de supériorité sans remords.

- Enchanté monsieur Mishima. Asseyez-vous je vous prie.

Et madame Yamada, cette domestique qui l'avait toujours servi depuis sa naissance, n'avait besoin d'un seul mot du jeune homme pour s'atteler à la préparation du thé.

tenue. // @"Kim Ha Ru" ※※※

Je suis sûr cette île pour des raisons familiale. Je ne suis pas sensé m’éterniser ici bien que j’ai pris un billet sans retour et que je n’imagine pas avoir terminé avant au moins un an tant le manoir tombe en ruine. Et puis je n’ai pas spécialement envie de rentrer trop vite au Japon. Alors qui sait ? Pourquoi ne pas essayer de faire ma vie ici ? C’est avec cet objectif en tête j’ai décidé d’ouvrir mon cabinet d’architecture d’intérieur. J’ai commencé par remplir les formalités administratives pour pouvoir exercer légalement mon activité, puis j’ai commencé à prospecter, en douceur d’abord pour ne pas me retrouver submerger de clients même si je doute que cela arrive avant un bon bout de temps. Après tout, je n’ai pas encore de véritable bureau et je compte dans un premier temps commencer par travailler au manoir, dont je dois suivre les travaux de rénovation…

Je ne pensais pas que le bouche à oreille ni même le peu de publicité que j’avais mis en place, déboucheraient déjà sur quelques rendez-vous dont l’un avec un fortuné jeune homme. Et il n’y a qu’à voir où il vit pour comprendre qu’il a les moyens de faire appel à mes services. Tout ce que j’espère, c’est ne pas tomber sur un gamin pourri gâté capricieux qui me mènera la vie dure. Les clients les plus riches sont souvent les plus compliqués pour ne pas dire difficiles mais j’imagine que j’ai signé pour ça en épousant cette profession.

C’est une femme qui m’ouvre, une employée que je salue poliment et que je suis jusqu’où salon où nous attend j’imagine le maitre de maison. Ce dernier se lève en m’apercevant et je m’incline poliment tout en le saluant respectueusement, notant au passage que sa courbette est bien plus légère que la mienne. Normal, il est le client et moi, je serais son prestataire de service… Même si je note un certain orgueil dans sa façon de faire. Mon dieu… un gosse de riche prétentieux… j’espère qu’il ne va pas me mener la vie dure sinon, je ne pourrais pas me retenir de l’envoyer balader.  

Je lui tends également ma carte de visite comme le veut la coutume. Elle est flambant neuve. Je viens à peine de les faire avec mes nouvelles coordonnées.
« Le plaisir est pour moi et permettez-moi de vous remercier d’avoir fait appel à moi. »
Je m’assois en face de lui après qu’il m’en ait donné l’autorisation puis commence à le détailler. J’ai l’impression que nous avons à peu près le même âge et en même temps j’ai le sentiment que nous n’avons pas grand-chose en commun mais je me trompe peut-être ? Je l’espère car nous pourrions sympathiser et je ne serais pas contre me faire des amis de mon âge.
« Dîtes moi en quoi puis-je vous être utile ? »
J’ai parcouru rapidement la maison des yeux. Elle est décorée avec goût bien qu’un peu trop luxueuse pour moi.

tenue. // @Mishima Rei ※※※

L'ancien directeur avait regardé la carte tendue sans amorcer ne serait-ce qu'un geste pour la lui prendre. Jamais il ne prendrait le risque que son épiderme en touche un autre, hostile au sien. De plus, il se voyait mal réagir violemment alors qu'il ne le connaissait point, surtout lorsqu'il s'agissait de professionnalisme. Ha Ru était chez lui, il ne voyait donc la nécessité de mettre sa peau en danger. Le jeune homme s'assoit et le sujet peut d'ors et déjà être attelé. Seulement, il lui fallait préciser une chose.

- Pour commencer, j'aimerais que nous soyons d'accord sur un point qui concernera chacune de nos entrevues. Pour certains soucis de santé personnelle, j'aimerais que vous déposiez votre carte de visite, mais également n'importe quel papier que vous souhaiteriez me faire parvenir. Une fois déposé, je pourrais alors venir m'en saisir. J'espère que vous pouvez comprendre.

D'un signe de tête suivi d'un simple sourire à la recourbure des lèvres maîtrisée, il espérait que le message soit clair et bien entré dans sa tête. C'était simple. Au moindre frôlement, Ha Ru serait capable de le renvoyer sur le champs, et il n'aurait la patience de répéter le même schéma pour enfin tomber sur un architecte aux manières non déplacées.

- Quant à votre travail, j'aimerais être clair avec vous. Je ne recherche pas un produit réalisé à la chaîne. Je cherche de la singularité qui saura respirer dans n'importe quel meuble, luminosité, ou même positionnement. Quelque chose encore jamais réalisé, qui vous fera comprendre que chez moi, ce n'est pas comme chez les autres. J'aime impressionner et je ne m'en cache pas. Aussi ne vous inquiéter pas, le budget ne vous sera pas limité.

Yamada san arriva avec le thé qu'elle déposa sur la table basse, prenant soin de le servir assez loin du maître de maison. Elle qui l'avait servi depuis sa naissance, elle avait toujours su s'acclimater à sa phobie, sans avoir besoin de plus d'ordre que "ne me touche plus" lorsque Ha Ru n'avait que 4 ans. Le changement avait été brusque, radical, pourtant jamais elle n'avait failli à cette ordre. Une des raisons au pourquoi Kim avait fait la demande auprès de sa famille pour la laisser le suivre. En faire une servante de Kim Haru, et seulement lui. Elle ne tarda point à quitter la pièce pour laisser les deux hommes parler. Ca aussi, elle le savait.

- Pour le moment, je souhaiterais vous voir travailler sur ma bibliothèque dans la partie invité avant de vous laisser toucher à quelque chose de peut-être plus personnel.

tenue. // @"Kim Ha Ru" ※※※

Je suis un peu perplexe. Non pas parce qu’il a refusé de prendre ma carte de visite mais plutôt à cause de cette étrange révélation. Pas de contacte physique ? Très bien. Cela me va et je prendrais garde à bien suivre les consignes. Elles sont de toute façon assez simples et il ne devrait y avoir aucun problème. D’ailleurs je préfère autant qu’il ait ce genre d’excentricité. En effet, j’ai connu un client qui aimait se balader nu même lorsque j’étais là. C’était j’avoue assez déstabilisant alors je pense que je pourrais me passer facilement d’une poignée de main et de tout autre contacte physique. D’ailleurs je pose ma carte de visite sur la table et la pousse vers lui pour l’éloigner un maximum de moi tout en étant vigilant à ne pas entrer dans ce qui pourrait être sa sphère personnelle. D’ailleurs j’imagine qu’elle doit être bien plus grande que la normale.

Pour le moment je garde le silence et écoute ses instructions, prenant même mon calepin pour prendre des notes et être certain ne pas m’égarer au moment de concevoir des plans. Je suis tellement passionné qu’il m’arrive parfois d’aller très loin mais puisqu’il m’assure que l’argent ne sera pas un problème, je vais concevoir pour lui ce qu’il y a de meilleur.
« Très bien. Avant de voir la pièce, j’ai une demande qui peut vous paraitre atypique mais c’est ma façon de travailler alors s’il vous plait, je vous demande de vous prêter au jeu. »
Il a l’air surpris mais il le sera encore plus lorsque nous aurons commencé.
« J’aimerais que vous me parliez de cette pièce sur laquelle je dois travailler. Je veux la connaitre dans le moindre détail. Décrivez la moi car je dois m’en faire une image mentale avant de la voir de mes propres yeux. Si possible j’aime faire ça dans la pénombre mais si tirer les rideaux vous met mal à l’aise alors je me contenterais de fermer les yeux en vous écoutant. »
Je veux savoir ce qu’elle lui inspire. Ce qu’il ressent ou pas pour cette bibliothèque. Ce qu’elle contient, ce qu’elle ne contient. Qui sont ces invités… Autant de détail qui me feront la cerner elle mais également lui. Et c’est primordial à mes yeux.

tenue. // @Mishima Rei ※※※
La demande semblait avoir été comprise puisque l'architecte déposa sa carte de visite sur la table basse avant de la glisser jusqu'à lui pour ensuite revenir à sa position initiale. Bien. Yagami marquait un bon point ainsi, aux yeux de l'ancien directeur. Bonnes manières et professionnalisme. Peut-être qu'il n'aurait pas à chercher longtemps la personne avec qui il pourrait travailler sur l'intérieur de sa villa.

Sa requête l'étonna, mais Ha Ru l'accepta facilement, satisfait de voir que le japonais trempait aussi dans la singularité. Il l'espérait en tout cas, afin que sa bibliothèque respire et offre le même air. Lentement, dans un geste trahissant la délicatesse de son éducation, Ha Ru porta sa tasse de thé jusqu'à sa bouche, trempant tout d'abord ses lèvres en finesse pour jauger la température avant d'en boire une première gorgée et de la redéposer dans un même geste contrôlé. Comme à chaque fois, sa servante ne trahissait jamais la perfection de ses services.

- Comme vous le voyez, je n'ai pas de rideaux dans cette pièce, puisque les murs sont mes fenêtres en eux-mêmes.

Sans rappeler les services de Yamada san, Kim se leva en embarquant sa tasse, tout en conseillant au jeune architecte de faire la même s'il avait soif.

- Si vous souhaitez une pièce plongée dans la pénombre, nous pouvons monter à l'étage. J'y ai plusieurs chambres d'invités mais il y a des rideaux. Nous devrions trouver chaussure à votre pied pour vous sentir convenablement préparé.

Et sans même lui laisse le choix finalement, il le conduisit à l'étage, passant par les escaliers à la pointe de la modernité et de luxure. Sans trop aller bien loin, il entra dans l'une des premières chambres toujours aussi impeccablement préparées en cas d'imprévu comme la dernière fois et vint s'asseoir dans le petit fauteuil de cuir brun. D'un geste, il lui proposa de tirer les rideaux ainsi que faire de même sur le deuxième fauteuil. Il déposa sa tasse ainsi que sa sous tasse sur la petite table entre eux.

- Cette pièce est grande, et comme au salon, deux de ses murs sont entièrement vitrés. Le plafond est tout aussi haut. Elle est éclairée et je tiens à ce qu'elle le reste. Ce qu'elle me dit. Hum. De la grâce. De l'émerveillement aussi. Je veux néanmoins qu'elle donne envie à la personne de s'épanouir, tant par la lecture que par la musique. Aussi vous ne seriez étonnés si je vous demandais d'y installer un piano. Un de collection si possible, unique. Si besoin utilisez mon nom et l'adresse de l'île, ils devraient comprendre pour qui cela il s'agit. Je ne cherche pas un cocon confortable par contre.

tenue. // @"Kim Ha Ru" ※※※

J’étais loin de me douter qu’il accéderait à ma requête et pourtant il contourne le problème des rideaux en m’invitant à l’étage, dans l’une de ses nombreuses chambres d’ami. Je le suis en silence, en emportant avec moi ma tasse et mon dessous de tasse. Je note également mentalement que c’est un homme qui aime avoir le contrôle et décider par lui-même. Il n’a pas l’air non plus d’aimer faire les choses à moitié. Voilà pourquoi il me laisse découvrir un peu plus son intérieur, en m’emmenant dans un lieu qui répondra davantage à mes exigences. Je trouve ça amusant et je me dis que ça correspond bien au personnage.

Il me fait signe de fermer les rideaux. J’attends d’abord d’avoir les mains libres pour ça mais je préfère qu’il pose en premier sa tasse et qu’il soit installé dans son fauteuil avant de me pencher vers la table. Il n’aime pas les contactes physiques alors je veille à ne pas créer de situation à risque. Après tout si je veux travailler pour lui, je dois gagner sa confiance. C’est important dans mon métier. Il faut aussi que je pense à ma réputation. Je suis nouveau ici et je me dois de construire un carnet d’adresse et des liens avec les gens qui ont les moyens de s’offrir mes services.

Une fois les mains libres, je ferme lentement les rideaux, profitant de l’occasion pour jeter un rapide coup d’œil dehors. Être curieux est important dans ma profession. Une fois la pénombre installée, je prends place en face de lui et l’écoute attentivement.

J’esquisse un sourire lorsqu’il me parle de la bibliothèque. Elle est éclairée et il souhaite qu’elle le reste… Premier hic et pas des moindres. Je ne dis rien, inutile de le froisser pour le moment. Il semble savoir ce qu’il veut et a des idées bien arrêtées. J’ai déjà eu à faire à ce genre de client alors je sais les prendre en douceur sans les fâcher. Et puis lumière et bibliothèque ne sont pas toujours incompatibles. Il suffit de faire preuve d’imagination mais c’est pour cette raison que je suis payé.
« Vous le savez peut-être déjà mais lumière du soleil est incompatible avec les pièces de collection, qu’il s’agisse de livres ou d’instrument de musique. Si les vitres sont identiques à celles du salon, il va me falloir passer 24h dans votre bibliothèque pour trouver une solution ainsi que le meilleur compromis. »
Et qu’on ne me parle surtout pas de simple filtre UV. Si c’était si simple, tout serait réglé.
« Dîtes-moi quand je pourrais passer mes 24h là bas, je découvrirais la pièce seulement à ce moment là. »