it's your sorrow ;

ft. minyeol

tenue ”  un, deux, trois, quatre... assise sur une grande caisse à outils, penchée en avant, la brunette compte du bout de l'index le nombre de bouteilles de bières vides posées devant elle. toutes lui appartiennent, à savoir que leurs contenus est maintenant dans son système, suffisamment pour la détendre, pas assez pour la rendre ivre. oh non. il en faudrait quand même un peu plus que... six ? ah. oui, six. en poussant long soupir, elle se redresse, lâchant les cadavres des yeux pour parcourir la pièce du regard, geste possédant un étrange air de déjà-vu. le garage réarrangé dans lequel se déroule la soirée est remplis, autant de personnes que de motos, exposées telles des trophées qu'haena ne peut s'empêcher d'admirer à nouveau. merveilles de technologie. elle n'aime peut-être pas beaucoup de choses, c'est vrai, mais ces bijoux ? elle leur voue un culte. peut-être est-ce la raison de sa présence ici, en ces lieux appartenant à une vieille connaissance avec laquelle elle a souvent partagé sa passion pour ces bolides, et avec qui elle fait plus ou moins "partie" du même "club" d'adorateurs. ce n'était pas vraiment un club à proprement parler, elle ne se considérait même pas membre, plus... des gens fervents de la même chose qui se retrouvent et partagent de temps à autre. pas de quoi appeler ça une secte, ni même un "club"...

cette réflexion arrache un rictus à la jeune femme, qui attrape sa bière entamée pour la porter à ses lèvres. la musique couvre presque la clameur des voix, faisant monter un bourdonnement qui deviendrait bientôt désagréable à ses oreilles, qui la fatigue et lui donne déjà envie de partir. il n'est pas très tard, pourtant, pas encore minuit... mais les activités sociales, ça devient vite un fardeau quand elles trainent en longueur. sa bouche s'étire en un bâillement sans grande classe, soulagement qui ne dure pas, et allume l'idée d'une décision de ne pas trainer ici encore trop longtemps, quand un groupe s'écarte de son champ de vision et laisse apparaitre l'autre bout de la pièce. facile, vraiment facile à reconnaître... il a même adopté une position similaire à la sienne, tout seul dans un coin, assit par terre, les bras sur ses genoux repliés vers lui et les yeux plantés sur son verre. haena aurait peut-être dû s'attendre à le voir ici, vu que c'est elle qui était à l'origine de son introduction auprès de la plupart des personnes présentes, mais en même temps, difficile de prétendre qu'elle s'en était vraiment inquiétée. viendra, viendra pas, et ? le verre froid de la bouteille s'écrase à nouveau contre sa bouche, les bulles venant pétiller contre le fond de sa gorge. son regard se porte sur son téléphone. encore une ou deux bières, et elle retourne à sa grotte. ça, c'est une bonne résolution.

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ft. haena

tenue ” Il était ailleurs. Tout ou plus physiquement présent de part son acte de présence. Le reste, lui échappait complètement. Il donnait sûrement l’impression d’être au bout de sa vie, tout seul, assis dans son coin, près des tessons de bières. S’entend qu’il en avait péter une deux après les avoir consommé, initialement pour se détendre et faire un peu comme tout le monde. Échanger, bavarder, rire de tout… de rien. Mais ce soir là, bien qu’il ne s’agisse que de malheureuses bières, Minyeol semblait avoir l’alcool mauvais. Sa camaraderie sans égale avait laissé place à un jeune homme lunatique, tantôt agressif, tantôt avenant. Une attitude plutôt inhabituelle venant de lui. Il était plutôt reconnu pour sa bonne humeur et sa grande ouverture d’esprit.... Et depuis cette dernière demi-heure, il avait vu défiler bon nombres d’habitués sous ses yeux. En amoureux de ces bolides, le jeune homme n'avait pas su refuser l’invitation. Surtout, il avait naïvement pensé que cela lui changerait les idées… Lui, à qui la vie n’était que jeux et amusements. Il ne prenait ô grand jamais rien au sérieux puisque des tracas, il n’en avait pas… Hormis les tensions constantes au sein de sa fratrie, cette rivalité entre le frère aîné demeurait depuis si longtemps qu’il en était presque arrivé jusqu’à penser que situation était tout à fait normale.

Tout le monde connaissait Minyeol. Ou tout du moins, les gens n’avaient qu’un bref aperçu de son personnage. Malgré les apparences et l’attitude qu’il se donnait, il n’avait rien du gars issu des bas quartiers… Il était bien à l’inverse, le petit bourgeois par excellence capable de s’offrir tous les bolides de ce garage, s’il y tenait ! Un ami de valeur pour certains… Un beau pigeon, pour d’autres. Mais Minyeol n’était pas aussi dupe, ni aussi stupide qu’il ne le laissait prétendre. Généralement, ceux qui recherchaient à l’utiliser se faisaient eux-même manipuler avant même qu’ils ne le réalisent… « Aish... Et merde. » grommela t-il en basculant légèrement sa tête en arrière, le goulot à porté de lèvres. Celle-ci s’était vidée de tout liquide pouvant le désaltérer. Une de plus, qu’il ne brisa cependant pas contre le mur, ou sous ses pieds. Cela l’avait bêtement amusé les fois précédentes, mais plus maintenant. Notamment depuis qu’il avait fini par faire fuir tous les autres... Il lui semblait bien qu’on l’évitait à présent comme la peste ? Rien d’étonnant en soi, puisque jamais personne ne l’avait déjà considéré comme l’un des leurs. On disait aussi de lui qu’il était le motard du dimanche… L’une des pires méchancetés qui pouvaient circuler entre eux.

Au moment où Minyeol se releva en titubant légèrement, son regard eut la décence de s’attarder et surtout de reconnaître une jeune femme qu’il ne pouvait en aucun cas oublier. Quand bien même l’aurait-il souhaité, il en serait tout bonnement incapable. Cette fille l’avait initié aux motos. Elle avait aussi été sa « première fois ». Cette noona, dont il gardait encore à ce jour un secret aussi étrange que phénoménal. Comment oublier une personne telle qu’elle ? Et pourtant, il s’était éloigné il y a quelques années… La vie en avait voulu ainsi, et les souvenirs ramenèrent un sourire tout aussi narquois sur ses lèvres. Vraiment, rien ne tournait rond chez lui ce soir… Le pire serait encore pour demain, s’il continuait… Ou peut-être qu’avoir une belle gueule de bois le dissuaderait de trop l’ouvrir pendant la commémoration ? Il ne tenait pas à se présenter aussi pitoyablement à un jour aussi important, mais d’un côté, il ne tenait pas à chialer comme toutes les années consécutives. C’était même inévitable et ça le tuait de conserver toute sa peine et toute sa tristesse pour l’exposer ouvertement en une seule et unique journée. Le 7 juillet, jour de décès de son adorée mère… Et puisqu’il n’avait aucune intention de se présenter aussi lamentablement à elle, Minyeol préféra se tourner en direction de la porte d’entrée… ou de sortie, dans son cas bien précis. Il ne prêta pas attention au grand baraqué qu’il venait à l'instant de bousculer et se fraya malhabilement un chemin entre les quelques invités. Plus tout à fait dans son élément, ni le bienvenu.

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ft. minyeol

tenue ” le chagrin est un désastre personnel que la vie nous force à affronter seul. les gens, autour, ceux qui compatissent ou ceux qui le partagent, peuvent apporter un réconfort subtile et temporaire, mais la peine est intérieure. la douleur n'est pas prêteuse. on reste continuellement orphelin, et on en devient presque martyr, si la seule inconnue dans l'équation est notre propre entité. difficile dans ces moments-là, donc, d'accepter l'extérieur, d'accepter autrui, difficile d'avaler le fait que le monde continue de tourner et que le temps, traitre, ne s'arrêtera pas de couler. que lorsque son propre monde vient de subir un cataclysme destructeur, certains n'en ont ressenti que quelques échos, d'autres pas même le murmure. la terre nous semble au bord du précipice, et on a du mal, on refuse de voir que, cruellement, le lendemain sera aussi similaire que l'hier. peut-être est-ce là la raison précise de l'autodestruction après un drame : le déni tenace d'endurer un quotidien qui n'aura pas changé d'un iota.

ce genre de chagrin, haena y a gouté. elle ne peut prétendre que sa propre vie n'a pas eut son lot de misères - décemment pas, mais une telle désolation ? les occasions ne se comptent que sur les doigts d'une main. elle sait donc, elle est parfaitement capable de comprendre pourquoi l'homme perdu dans son recoin tente par chaque bouteille brisées de détruire ne serait-ce qu'un peu de la peine qu'il retient en lui. d'autant plus que, dommage pour lui, la miss a une très bonne mémoire. si lui ne se souvient pas des confessions faites lorsqu'un lien plus solide les réunissait, elle, elle ne pourrait jamais oublier l'importance d'une date si cruciale aux yeux de l'accablé. le 7 juillet... oh, oui. cette échéance résonne sans problème dans son - génial, cerveau. dans ce cas, pourquoi reste-t-elle assise là, sans s'empresser d'aller cajoler l'animal blessé, mh ? eh bien, pour deux raisons, dont une très bonne, excellente même. d'abord, haena n'est pas du genre très affectueuse, et surtout pas tactile. il serait même plutôt juste de dire que le mot cajoler lui arracherait une grimace. ensuite, il est important de noter que la vérité n'est pas sortie de la bouche du concerné. à cette époque, il n'a fait que... mentionner, en quelques sortes, une douleur en lui à cause d'un évènement très marquant. il n'a pas fallu plus à son âme de hackeuse pour aller fouiner un peu, parce que même si la curiosité est un vilain défaut, elle vous répondrait qu'elle lui a sauvé la vie à maintes reprises. bien que pour le cas présent, difficile d'y voir une quelconque menace, mais enfin...

ce qui explique que même lorsqu'il se lève et trace sa route à travers les nombreux convives, elle ne réagit pas tout de suite. son regard ne fait que le suivre, indéchiffrable, bien qu'un instinct protecteur cherche à s'enquérir de sa démarche. ni trop bancale, ni trop directe... il n'est clairement pas saoul. il l'est sans doute suffisamment pour ne pas pouvoir conduire, cela dit. ça, ça a été le premier déclic. et puis, lorsque son épaule entre en collision avec celle d'un homme de trois fois sa carrure, et que le dit-homme se retourne et cherche à régler cet affront, est venue la deuxième raison qui l'amène maintenant à rejoindre la scène d'un pas assez rapide, voyant que le ton monte crescendo. à quelques mètres, maintenant, elle arrive à capter quelques mots crachés, tels que "excuses", "nabot", "politesse", rien qui ne sonne comme positif à ses oreilles. le gorille est même à deux doigts de lever le poing avant qu'elle ne le retienne, la main fermement serrée sur son biceps. « kangun. laisse tomber, c'est bon, je m'en occupe. » hésitant, l'homme jette un dernier coup d’œil sombre en direction du fuyard, puis repart vers son groupe d'amis en profanant quelques insultes dans sa barbe. haena le regarde s'éloigner quelques secondes, satisfaite intérieurement du respect durement acquit dont elle jouit envers ses compagnons de passion, et enfin, ses prunelles se posent sur la victime en devenir. elle ne laisse aucune émotion transparaitre pour le moment. « ça aurait été sûrement plus facile pour toi de sortir un "pardon", même factice... minyeol. » aucun jugement dans sa voix, cela-dit. juste une constatation. tout le monde savait ici que la brute épaisse avait un caractère difficile et aisément piqué.

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ft. haena

tenue ” Il était pas en état pour ça. Pas en état pour dialoguer, pour s’excuser, ni même quoi que ce soit. Très sincèrement, qu’est-ce qu’il avait bien à faire d’avoir bousculé ce type par mégarde ? Ce n’était pas comme si ce bloc de glace pouvait ressentir quelque chose face au poids plume qu’il constituait... Pour Minyeol, ce n’était que futilité et perte de temps. Il ne trouvait pas même le moindre intérêt de prêter une oreille attentive, ou même un franc regard au prénommé Kangun. Presque indifférent à l’altercation et aux propos qu’il se mangeait en pleine gueule. Tout glissait sur lui, sans qu’il n’éprouve le moindre état d’âme… Mais dans une de ces journées tout à fait habituelles, il aurait tiqué de suite, pas franchement amorphe ou dégonflé de nature. Quoique... il n’aurait jamais été assez stupide pour s’attaquer à plus gros que lui. Bien qu’en cet instant, le je-m’en-foutisme dont il faisait preuve s’interprétait tout aussi fortement ainsi. Tout ce qu’il voulait, c’était se tirer de cet endroit et sans faire d’histoire… A quoi bon le provoquer alors qu’il y avait des choses bien plus graves dans la vie ? S’il se mettait à l’ouvrir, Minyeol n’était pas persuadé d’utiliser les termes les plus corrects. A savoir, qu’il n’avait aucune envie de s’excuser, ni même pour faire genre… Ça lui demandait déjà un effort surhumain de se traîner sa carcasse. Aors il n’allait pas le faire pour formuler des excuses qu’il ne penserait même pas.

Les mains rustres de son opposant s’étaient alors bien vite saisi de son vulgaire vêtement, pour le soulever sans ménagement par le col. Une dernière tentative pour le faire réagir, sans doute… Sauf que Minyeol savait se montrer extrêmement buté. Résolu à ne pas le calculer plus que nécessaire, il ne releva pas non plus les yeux lorsqu’une présence féminine se fit ressentir pour le tirer de cette sombre affaire. Très vite repoussé dans un mouvement sec, le coréen oscilla de quelques pas en arrière, l’expression figée dans une désolation tout aussi pitoyable. Sans aucun doute, qu’il devait en faire marrer plus d’un ! Ça ne l’atteignait pas franchement non plus. A quoi bon, puisqu’il n’était entouré que de pâles crétins et ignorants… Quel intérêt aurait-il à le hurler à la terre entière, puisque tout le monde se fichait pas mal de son chagrin inconsolable, jusqu’à l’existence et la mort prématurée de sa mère, plusieurs années auparavant ? Cette situation commençait sévèrement à le gonfler, même s’il paraissait toujours aussi absent. Il ne prêta pas plus attention à Haena lorsque cette dernière s’adressa directement à lui. La réflexion eut cependant le mérite de lui arracher un rire, bien que silencieux, lorsqu’elle évoqua le pardon factice… « Oui bien sûr. T’as sûrement raison. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Un crétin restera toujours un crétin. » Il ironise ses propos, tant bien que mal, dans une auto-mutilation tout à fait mesurée puisque sur ce dernier point, il ne fit que répéter les mots que son propre père lui avait balancé une dizaine d’années auparavant…

Mais Minyeol ne recherche pas à faire le malin devant elle. Il n’en a pas la force. Il se rappelle en avoir un peu trop dit par le passé… Même s’il ne se souvenait plus exactement de quoi, le jeune homme s’était déjà à quelques occasions confié… Il fut un temps où ils avaient été suffisamment proches pour partager bien plus que des mots. Mais tout cela lui semble si loin maintenant, qu’il en rigole à contre coeur. Vraiment, il aurait mieux fait de rester chez lui… Qu’avait-il espéré, à part transmettre sa négativité ? Il n’était jamais bon à rien à l’approche de cette date fatidique… Et il devenait plus au moins exécrable les jours d’après. « Aish. C’est bon, j’ai pas besoin de ta pitié… Mais merci pour le mal que tu t’es donnée. » … pour le défendre. Il allait même jusqu’à penser qu’il ne l’avait pas mérité. Qu’il aurait mieux fait de se recevoir un joli œil au beurre noir. Au moins, il aurait ressenti quelque chose ! Même si dans le cas de Haena, plusieurs émotions se bousculaient, sans qu’il sache pourquoi…. Qu’importe ce qu’elle pouvait penser de lui ou de son discours, il ne tarda pas à ressortir du hangar pour se laisser retomber une fois à l’extérieur, le long du mur, dans un soupir agacé. Il fallait qu’il fasse le vide dans sa tête. Il n’irait jamais nul part dans cet état là… Sans chercher à le vouloir, Minyeol tournait en boucle les paroles sanglantes de son frère aîné pour lui rappeler qu’il n’était qu’un idiot et un raté… Ainsi que le visage méconnaissable de sa mère, la veille de sa mort. Un visage qui lui avait insufflé de la peur, du haut de ses neufs ans… Une vision qu’il avait fui, alors qu’aujourd’hui, il donnerait absolument tout pour revivre ce putain d’instant. Pourquoi avait-il fallu qu’elle parte si tôt ? Si vite… Et pourquoi était-ce toujours aussi dur ? Cette douleur cesserait-elle au moins un jour ? Et malgré son désarroi, Minyeol ne pleurait pas. Les pleurs ne seraient pas avant demain...