Encore une après-midi à chercher des articles sur l’au-delà et toutes ses infinités. Il ne se lasserait jamais de chercher un moyen de comprendre comment diable un fantôme pouvait-il rester coincé sur terre et pourquoi. Les malédictions de l’île n’avaient plus aucuns secrets pour lui après tant d’assiduité à les étudier, non pas que ça le passionnait : il voulait juste comprendre. Comprendre pour enrichir l’espoir qu’il trouvera un jour une solution. Rangeant le journal qu’il avait emprunté pour lire dans la petite pièce mise à disposition au fond de la librairie il se stoppa au bureau de la libraire en sortant. Si on pouvait ça appeler une libraire. Une petite bonne femme toujours le nez dans un bouquin qui avait le don de le fasciner. Il se planta devant elle jusqu’à ce qu’elle relève le bout de son nez en sa direction. La fixant de son air détaché il finit par ouvrir la bouche lorsqu’il captiva enfin ses prunelles. « La librairie ferme dans un quart d’heure. Je t’invite à manger une glace après. » Il n’y va pas par quatre chemins et tant pis si ça la déroute, Joe ne parle pas pour rien dire.
Accroupi dans le recoin renfoncé près de la boutique il fume sa troisième clope du paquet qu’il est allé s’acheter en attendant que l’échoppe ne ferme et que la petite blonde en sorte. « eh » il se redresse et s'avance vers elle.  « quoi? j'étais sérieux. » qu'il déclare penaud face à la tête qu'elle tire.
@ran hisaé

fin de journée bercée par les mots d’un recueil d’haïku, hisa tourne les pages avec lenteur, comme pour ralentir les minutes qui séparaient cet instant précis et celui où elle allait devoir rentrer, faire face à ses responsabilités. elle adorait la librairie, la sérénité que ça lui procurait, le calme plat, à peine altéré par le bruissement des feuilles et des chuchotements étouffés entre les rangées. assise sur son siège à l’entrée, bien droite bien rangée, imperturbable et l’air assurée, elle balance son crâne avec précaution au rythme des versets. mais y’a des pas qui s’avancent vers elle, elle les voit du coin d’l’oeil et ne peut pas s’empêcher de lever ses prunelles vers celui à qui ils appartiennent. prise sur le fait, trop tard pour faire marche arrière, elle se contente de le fixer, insouciante, alors qu’il s’arrête à sa hauteur. « La librairie ferme dans un quart d’heure. Je t’invite à manger une glace après. » et il s’en va aussi vite qu’il est arrivé, sans attendre sa réponse, sans même sembler la vouloir. presque aussitôt les affres de son esprit se mettent en route, angoisse excessive qui fiche en l’air tout discernement, impossible de lire un mot de plus tant les lettres se brouillent, elle abandonne et glisse le livre dans l’fond de son sac en tentant de retrouver sa lucidité. alors que les dernières minutes derrière la porte filent comme des heures, elle finit finalement par pousser cette dernière en fermant soigneusement à clé. il est t’jours là, elle le reconnaît avec son odeur de clope brûlée qu’il traîne partout. de nouveau elle le regarde, mystérieux garçon qu’elle surprend à lire des bouquins sur les légendes de jeju, lui qui semble si assuré, serait-il effrayé par un fantôme égaré ? ça l’amuse d’y penser, mais elle se contente d’hausser un sourcil en sa direction, en tentant de le sonder. « pourquoi ? » elle interroge, le plus simplement du monde, avec la ferme intention de comprendre pourquoi lui voudrait aller où que ce soit avec  elle.

Eil l’attend sans vraiment se poser la question du pourquoi. Il a juste envie de la voir en dehors de ce contexte de librairie. Elle a capté son attention et il ne lui en faut pas plus pour se lancer sans trop réflechir. Joe il n’attend rien de cette glace, il s’en fou un peu d’ailleurs. Mais ça lui fera passer le temps, ça lui évitera de rentrer à l’appartement. Il sait pas trop pourquoi mais il n’a pas envie d’y retourner. Il a beau les aimer plus que de raison, il apprécie son temps tout seul. Alors forcément lorsque la petite blonde lui demande pourquoi il ne sait pas quoi répondre. Il hausse les épaules, n’étant pas décidé à s’interroger sur le sujet. « parce que j’ai envie. » qu’il annonce penaud en confrontant ses prunelles. « t’as besoin d’une raison précise ? » calme, il garde ce même ton platonique bien que la réponse l’intéresse. Jetant le mégot sous son pied, il lui lâche un sourire sans même se préoccuper de son potentiel malaise. « C’est parti. » il était prêt. Prêt à abandonner ses fidèles marlboro le temps de cinq minutes. Juste pour elle.
@ran hisaé