La petite brise marine caressait la chevelure blonde de la jeune coréenne qui, assise sur sa chaise bien trop encombrante à son sens, contemplait les flots. Ses prunelles caressaient les petites vaguelettes qui, aussi petites qu’elles soient, entouraient l’île sur laquelle elle avait grandi. « Je ne la quitterais jamais. » se répétait-elle depuis tant d’années, incroyablement seule, incroyablement triste. Elle désirait tant voyager, quitter cette île temporairement pour se plonger dans de nouvelles cultures, pour découvrir de nouvelles choses. Mais tout l’en empêcher : quitter son lieu de naissance lui était pour le moment impossible puisqu’elle risquait fortement d’avoir le mal du pays, le manque d’argent, ses problèmes de motricité, la solitude. Et ce ne sont que les plus importants.

Écouteurs aux creux de ses oreilles, l’adolescente avait le cœur qui battait au rythme des basses. Le souffle court, la peau fraîche, ses pensées étaient loin d’elle. Sa tête n’était plus sur ses épaules, mais dans les étoiles qui peinaient à apparaître, le soleil se couchant à peine sur Jeju. C’était dans ces moments-là où elle pouvait se permettre de se détester, et de se reprocher un tat de choses aussi idiotes les unes que les autres. Et si seulement elle était une adolescente un peu plus facile à vivre ? Et si seulement elle était capable de se faire des amis qui eux, resteraient dans sa vie ? Si seulement elle n’était pas née avec ce fichu handicape qui la renferme tellement. Peut-être qu’elle serait entourée aujourd’hui ? Peut-être qu’elle serait plus aimée par sa mère. Celle qu’elle déteste tant, mais celle qui a toujours été aimé de façon inconditionnelle. Celle qui, envers Hana, n’a jamais montré le moindre intérêt.

Elle soupire, se frottant une joue qui, plus tôt, s’était fait caresser par une mèche de cheveux. Rien que ça, ça l’a fait sortir de ses pensées. Elle pourrait en mourir si elle restait trop enfermée dans celles-ci. Jamais elle n’a pensé à faire une bêtise qui lui coûterait la vie, mais, regarder ces vagues s’échouer sur les rochers non loin d’elle, ça pourrait être bien tentant. Les doigts d’une de ses mains tiennent la petite étoile accrochée à son collier : elle ignore toujours d’où il vient, qui lui a offert et surtout ; pour quoi. Tandis que les autres effleurent l’écran tactile de son téléphone à la recherche d’un nouveau son à écouter. Il y en a trop, et elle se surprend à n’apprécier que des musiques américaines. Ou du moins, à n’avoir que ça dans son cellulaire. Le mode Shuffle activé (c’était trop compliqué de faire un choix.) une toute nouvelle musique commence. Cela permet à ce petit bout de femme de se motiver et retirer les freins de sa chaise. Elle fait demi-tour avec un mouvement dont elle n’a plus aucun secret, et tombe nez à nez avec un jeune homme. Il est un peu plus âgé. Elle le regarde intensément, elle le dévisage peut-être un peu trop. Sans trop faire durer ce silence de plomb, Hana éclaircie sa voix avant de s’adresser à cet inconnu. « J’apprécie ton style. » dit-elle, dans le plus grand des calmes. La jeune coréenne a toujours été du genre timide et réservée, mais elle n’a jamais hésité à faire part de ses pensées, parfois les plus secrètes, à de pures inconnues. Elle lui sourit tendrement en penchant la tête d’un côté, amusée de sa réaction. « Je m’excuse si je t’ai gêné, en revanche, je ne m’excuse pas pour t’avoir fait part de mes impressions. » s’exprime-t-elle de sa voix naturellement grave et légèrement cassée. Ses roues grincent, elle passe à coté de lui et lui adresse un dernier regard quand celui-ci se trouve encore dans sa ligne de mire. Une fois qu'elle l'a dépassé, la jeune femme ne peut s’empêcher de brûler d’envie de se retourner, sentant une présence très agréable lorsqu’elle est proche de ce jeune homme, mais continue sa route doucement, sans trop savoir où réellement aller.

« J't'en prie. » elle a simplement soupiré, ignorant totalement s’il l’avait entendu ou si le vent, bien que peu fort, ait rendu ses mots silencieux aux oreilles de l’inconnu. Alors qu’elle s’éloigne, le cœur un peu lourd, de lui, Hana soupire en laissant ses écouteurs sur ses genoux. Lorsqu’elle entend les pas se rapprocher d’elle, à une allure quelque peu différente de celle d’une personne qui serait en bonne santé, elle s’arrête là et presse les freins avant que son poignet ne se fasse attraper par le jeune homme. Le souffle coupé, elle ne peut s’empêcher de le regarder, ou d’essayer du moins de le regarder dans les yeux. Malgré la noirceur de la nuit qui tombe, elle peut remarquer les quelques marques, les quelques balafres sur les joues, arcades et autres endroits du visage de celui qui la tient encore. Son vécu est inscrit sur son joli visage par ses vilaines traces qui n’effacent en aucun cas sa beauté. « High highs to low lows, oui. » Elle ne peut s’empêcher de le dévorer du regard, ça en deviendrait presque suspect. Elle s’en rend compte, et décide de fermer les yeux puis de secouer légèrement sa tête. « Tu connais aussi ? » elle n’a pas énormément de connaissance sur l’île (ailleurs non plus), mais elle se doute bien que cette musique ainsi que l’artiste qui l’a composée n’est pas énormément connue ici. « En plus de ça, tu sembles avoir de bons goûts musicaux. » elle sourit légèrement, avant de lancer dans un soupir. « À première vue, je pourrais te croire parfait si tu n’étais pas autant amoché. » elle lui désigne ses blessures du bout de son menton, se doutant bien que d’autres sont dissimulées sous ses vêtements. C'est peut-être l'une d'elles qui le ferait boiter. « J’suis personne pour juger de toute manière, ne le prends pas mal, ce ne sont que des constatations. » elle reprend rapidement avant qu’un mal entendu ne se crée. « Ça te donne du caractère de toute manière, et ça ne donne pas envie de t’faire quoi que ce soit, on pourrait prendre ça comme une manière de te protéger. » même si elle se doute bien que ça n’empêche pas d’autres personnes de lui faire du mal. « Wow, j’dois parler pour rien dire, j’suis désolée. » C’est rare d’elle en plus, d’être aussi pipelette avec quelqu’un qu’elle ne connaît pas. C’est qu’il doit vraiment lui inspirer quelque chose de différent. « J’te retiens peut-être, t’allais repartir tout à l’heure, non ? » Avant qu’elle ne se retourne, et qu’ils croisent le regard l’un de l’autre, c’est comme si elle avait senti sa présence avant même de l’apercevoir. « J’veux pas non plus être un fardeau pour toi. » Elle le regard, lui sourit naturellement et chaleureusement, comme s’il allait s’en aller de son coté, qu’elle aussi allait se barrer et qu’ils n’allaient plus jamais se revoir : elle voulait que ce soit cette image de lui qu’il garderait s’il venait à ne pas l’oublier.