Je n’avais pas l’habitude de ressentir cela, plus l’habitude d’être perdue, indécise. Le changement, avait fait naître en moi ce désir, ce besoin de me libérer de mes doutes, vaine bataille contre moi-même. Pourtant, en cette période de fête, je me sentais… Perdue. Je ne savais quoi désirer, ni où j’en étais réellement. Les souvenirs venaient assaillir mon esprit avec la violence de mille chimères et moi, en pauvre victime, je ne pouvais que me lamenter face à ces possibilités qui s’offraient à moi. Je me souvenais alors que de son vivant, lorsque les coups pleuvaient encore, lorsqu’elle colorait de ces mains mon corps aux couleurs de l’arc-en-ciel, jamais je n’aurais manqué une célébration, cette acclamation aux dieux qui n’existaient que dans certains songes. J’aurais dû me sentir d’autant plus concerné à présent, maintenant que mes rêves s'étaient transformés en cette espèce de vérité transformée, les remercier, mais j’étais une gamine égoïste, ou du moins, je me plaisais à le penser. Alors, recroquevillée sur cette chaise, dans la cuisine même où ce dernier souffle s’était enfuis de ces lèvres, je me plaisais à explorer la torture mentale.

Je ne savais si c’était à cause de mon énième soupir d’agonie, qu'il surgit, pourtant, lorsque je sentis une truffe fraîche titiller le creux de mes hanches, avant qu’une tête emplis de poil, dont les yeux d’ébènes gigantesques se mirent à me fixer avec ce trop-plein d’amour, je n’ai pu m’empêcher de sourire, envahie. Je n’ai pas résisté une seconde à le serrer dans mes bras, avant d'ébouriffer sa fourrure dont la douceur réconfortante eut vite fait de m'emplir de ce sentiment de contentement. Il ne fallut guère plus que quelques minutes, pour que je me retrouve assaillie de cette tendresse unique, bordé par l’amour et une joie cristalline. Un bouquet d’émotions pure résonnant sous la surface de cette carcasse qu’était là mienne.

C’était certainement cette allégresse, qui m’avait conduite jusque-là. Ce besoin timide de m’approcher de cette ode aux forces invisibles auxquelles personnes ne voulaient croire avec trop de force, sans pour autant me retrouver submergé par la foule, par le bruit, par les lumières. Je préférais à cela la contemplation de la nuit nouvelle, guidée par mes compagnons à fourrures. Mes cheveux libre dansant dans le vent à l’égale de serpentin de soie, je me laissais aller à la contemplation, j’emplissais mes oreilles de ce faux silence, je respirais ce semblant de tranquillité, submergé par ces émotions délicieusement contradictoire. Lorsque mon regard a rencontré le sien, je suis resté surprise, ne sachant vraiment comment réagir. J'étais comme figée, mon incertitude revenant sournoisement frapper ma nuque. Il était là le premier, c’était en quelque sorte son territoire et moi, je venais l’envahir, moi et la musique subtile de mes écouteurs immaculés.

Je l’ai salué d’un mouvement de tête discret et un rien timide, demande muette dont je n'ai pas attendue la réponse, alors que mes doigts se perdaient dans ma chevelure aux reflets d’émeraudes. Emplie de gêne. J’ai fini par m'installer dans les escaliers, suffisamment loin de lui pour ne pas le déranger, avant d’observer l’activité en contrebas. Mes chiens, abîmés par la vie, vinrent se coucher autour de moi, armée protectrice, mais calme, trois mousquetaires fidèles et aimant. J’ai enfoui ma tête au creux de mes bras noués autour de mes genoux, observatrice ordonnée. Mon regard finit néanmoins par glisser vers le ‘propriétaire’ des lieux, intriguée.

Il était assez rare que Glow communique, Glow, était le plus âgé, le plus silencieux, le vieux sage qui veillait sur les deux autres. Je fus étonnée d’entendre sa voix, perturbée qu’il agite la queue en direction de cet être qui se fondait avec cet environnement nocturne. C’était comme si l’avait appelé, car déjà, il avait anéanti la distance. J’ai senti Dan se tendre et j’ai posé une main apaisante sur le sommet de sa large tête, sentant immédiatement la tension quitter son corps massif. Il ne semblait pas avoir de mauvaises intentions, mais ça, comme pour tout ce qui régissait cette existence, restait à prouver et prouver était une lutte, un exercice qui n’avait aucune fin satisfaisante. J’ai néanmoins hoché doucement la tête à sa question, en dépit du fait qu’il semblait s’être déjà fait son idée en agissant de son propre chef. Je l’ai regardé sans rien dire, pesant le pour et le contre, intrigué. Je ne fus qu’à moitié surprise par le fait que Glow et Grimm l’entourent pour demander des caresses, mais lorsque Dan se décida finalement à l’approcher, j’ai penché la tête sur le côté, un doux sourire étirant mes lèvres pleines.

-”C’est bien la première fois qu’il s’approche ainsi d’un inconnu.”

Ma voix avait déchiré le silence d’elle-même et j’en fus presque surprise. Je repensais à ce qu’il m’avait dit et j’ai automatiquement regardé le ciel. L’étoile la plus brillante de sa constellation. Immédiatement, j’ai abaissé les yeux pour constater, que non, il ne brillait pas. Je m’attendais à quoi vraiment ?

-”Mun, c’est mon prénom…”

Les échos d’un feu d’artifice isolé me parvinrent et j’ai détourné mon attention, ramenant mes bras à moi, avant de lancer comme pour moi-même.

-”Pourquoi choisir un lieu aussi éloigné de la fête… Il paraît qu’observer ce genre de chose, n’équivaut qu’à participer à moitié.”

J’aurais pu lui exprimer clairement une question crue, mais au lieu de cela, n’attendant pas vraiment de réponse, j’ai laissé ces mots flotter dans les airs et mourir. Oui, c’était mieux ainsi.

Que faudrait-il pour être aussi beau qu’une étoile ? Une étoile pour ressortir parmi tant d’autre, se devait d’être plus perceptible, plus lumineuse, plus radieuse que les autres pour qu’on la distingue. Ainsi, si l’on ne savait pas où, ni quand regarder, il était possible que notre regard ne s'accroche qu’aux mêmes étoiles, parce qu’elles étaient plus attirantes certainement. J’ai donc hoché négativement la tête, avant de le regarder avec attention.

-”Tu es bien mieux qu’une étoile, toi au moins, je peux te regarder sans effort. Vega est unique, mais tu es bien le seul humain avec le nom d’étoile que je connaisse, alors quelque part, tu l’es peut-être d’autant plus. Qui sait.”

J’ai haussé les épaules avec désinvolture. Il n’y avait pas de flatterie dans ces mots, en réalité, ils n’étaient que des mots, que l’expression de mes pensées, sans filtre. Je l’ai regardé caresser mes fidèles compagnons à quatre pattes et je fus étonnée de constater que j’étais moins gênée que je l’eus cru. En temps normal, j'avais horreur qu’on les touche, pour moi, ils avaient eut à subir tant d’affres humaines, que je ne voulais plus jamais qu’ils aient à souffrir. Alors, je me méfiais lorsque des inconnus les touchaient, bien plus que les concernés eux-mêmes, dont le cœur pur, ne pouvait exprimer aucune haine, juste une profonde méfiance.

J’ai observé ses bracelets, avant de sourire et de montrer le mien, unique à mon poignet frêle. C’était une opposition curieuse, observable. Intriguée, je l’étais d’autant plus, il était si actif, que mon esprit analytique avait du mal à suivre. Il illumina mon regard à ces mots, le vétérinaire, son frère ? J’ai souri, hochant doucement la tête.

- “ J’aurais pu dire que le monde est petit, mais en réalité, c’est notre monde qui l’est… Cette île est notre monde en quelque sorte. En tout cas, je n’y manquerai pas, de le lui dire.”

Un sourire et puis, je détourne les yeux pour observer les alentours, c’est un silence agréable qui règne. Mon regard revient sur lui et les chiens.

- “Je ne te trouve pas bizarre…. Pas pour l’instant.”