Tranquillement installé à la caisse de la boutique, l'un de ses coudes vaquant posément sur le morceau, son menton soutenu par sa paume, ses doigts libres faisaient mollement tourner les pages d'un magazine qui traînait par là. Ses prunelles s'arrêtaient ici ou là, lisant les mots qui semblaient intéressants pour finalement décortiquer pendant de longues secondes un dessin qui trônait sur le haut de la plage. Ses iris se perdaient dans ses traits, sur ses courbes, tournant et retournant, inventant l'univers qu'il pouvait en tirer. Puis il tournait la page, s'attardant sans vraiment le faire sur les mots qui passaient par là. S'il ne tournait pas les pages de temps à autre, on pourrait presque croire qu'il était une statue – ou une plante verte, au choix. On l'entendait à peine respirer et c'était à peine si l'on remarquait sa présence tant Dean avait cette fâcheuse tendance à se faire oublier. Il se fondait dans le décor, dans la masse, dans le foule, pour ne pas trop attirer l'attention, pour ne pas trop avoir à répondre à des questions. Trop timide, il ne voulait pas non plus que trop de regards soient posés sur lui. Il préférait rester à l'arrière et se faire totalement oublier. Un bâillement fit cependant bouger son visage, le contorsionnant dans une petite grimace improvisée alors qu'il se redressait avec lenteur. Ses doigts vinrent s'égarer sur son visage avant de glisser dans sa tignasse, ses cheveux glissant entre ses phalanges dans une action un peu trop douce. L'une de ses mains partit explorer sa nuque, la malaxant maladroitement. Le regard perdu devant lui, il délaissa le magazine pour se concentrer sur toutes ces fleurs qui décoraient le magasin. Elles étaient belles. Majestueuses et pourtant si petites. Somptueuses et pourtant si lourdes de sens. Elles avaient les traits fins, les courbes agréablement esquissées. Elles étaient charismatiques, sans trop en faire, sans trop en imposer. Elles possédaient un langage à elles seules. Un langage unique, codé, discret, plein de sous-entendus mais jamais de mots fortement prononcés. Elles étaient la douceur, la poésie mais aussi la musique et un parfum de qualité. Il les aimait bien les fleurs, Dean. Même s'il n'en connaissait pas la moitié, même s'il ne parlait pas leur langue. Elles étaient une bonne compagnie. Silencieuses, elles savaient néanmoins se faire voir. Elles dégageaient quelque chose. Quelque chose d'unique. C'était apaisant de travailler ici. Il avait parfois l'impression que le décor devant lui était issu d'un grand tableau. Tableau qu'il prenait toujours beaucoup de plaisir à décortiquer même s'il n'en comprenait pas le sens. C'était une sorte d'art. Art qu'il préférait observer sans rien dire plutôt que de le comprendre.
Peut-être que si son père avait été là, il aurait pu lui expliquer. Son père savait tant de choses qu'il n'aurait pas été étonné qu'il connaisse le langage des fleurs. Il voudrait l'entendre parler de cette rose pendant des heures. Il voudrait l'entendre parler pendant des heures tout court... Un autre bâillement vint casser son tendre visage et il se frotta les yeux dans une petite moue embêtée. Comme d'habitude, il s'était couché tard pour éviter les cauchemars. Comme d'habitude, cela n'avait pas fonctionné.

« Bonjour », lâcha-t-il soudainement en redressant le visage comme un chien que l'on venait d'appeler en entendant la porte s'ouvrir, « Bienv... ah c'est toi », il rit quelque peu en voyant le nouveau client. « Tu es venu chercher des roses ? », l'interrogea-t-il dans une esquisse amusée en lui désignant des tulipes. Volontairement. Il était ignare mais pas à ce point. « Tu vas bien ? », qu'il l'interrogea dans un sourire délicat.

La sueur tombait de son front, ses muscles tendus, il devait faire encore de l’effort avant que son entrainement ne se termine. Aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres et son entrainement était de plus en plus difficile avec son coach personnel. Le jeune homme était fatigué, mais avec les jours qu’il avait passé à refaire le même entrainement, il avait fini par s’habituer et son corps devenait de plus en plus endurant ce qui était le principe de cet entrainement. Il devait jouer durant plusieurs heures, alors il devait avoir la forme et ne pas se fatiguer comme les autres joueurs. Il ne devait pas se fatiguer en milieu du match, surtout qu’il était quelqu’un d’important pour l’équipe. En tout cas il travaillait dur sur lui-même pour marcher sur les pas des grands joueurs.

Au final, son entrainement c’était terminé et Seung était à sa limite. Il devait se reposer, mais surtout il devait prendre une bonne douche pour pouvoir relaxer ses muscles. Des sacs de glaçons sur ses genoux et chevilles, il se laissa reposer par la sensation froide que cela lui procurait. Le jeune homme en profita aussi pour regarder ses réseaux sociaux, lorsqu’il se rendit compte que sa sœur allait venir d’ici quelques jours et du coup il devait s’occuper de lui apporter des fleurs, parce qu’il savait que ce jour là, il ne sera pas là. C’était dommage, mais avec leur emploi de temps chargé, des fois cela ne coïncidait pas et du coup Seung ne pouvait pas revoir la frimousse de sa petite sœur, mais il lui envoya des fleurs pour lui dire qu’il pense à elle, qu’elle est toujours dans son cœur, même si la distance les séparait. Le jeune homme termina sa bouteille d’eau puis s’en va finalement vers les vestiaires pour qu’il puisse se changer. La douche l’avait relaxé, l’eau froide coulant sur son corps était un remède pour sa fatigue. Au final, il se change, mettant son jeans déchiré et un débardeur puis ses piercings qu’il avait enlevé juste avant son entrainement, comme à son habitude. Il porta son sac qu’il mit sur sa moto, puis se dirige vers le magasin de fleurs qu’il avait l’habitude de fréquenter lorsqu’il voulait ce genre de choses. Il connaissait déjà le vendeur, ils s’étaient vu plus jeune, mais surtout a force de le voir dans la boutique, ils étaient devenus amis.

Garant sa moto devant la boutique, il descendit, puis pu voir qu’il n’y avait pas une mouche. Le jeune homme haussa les sourcils aux paroles du jeune homme « Ah moi ? Comment ça  ah c’est moi ? », il eut un sourire, joueur « Je ne suis pas assez bien pour mr ? », dit-il en le taquinant. Mais au final, il se dirige vers lui lorsqu’il lui pointe des tulipes au lieu des roses « Je vois que t’es toujours aussi subtile niveau fleurs... », dit-il en soupirant. Au final il hausse les épaules « Non cette fois-ci je ne viens pas pour des roses, malheureusement pour toi... Je viens pour autre chose », il lui sourit gentiment, puis fini par hocher simplement la tête lorsqu’il lui demande s’il va bien « Et toi alors ? Tu ne m’as pas l’air dans ton assiette on dirait que t’as vu un fantôme », il plisse un peu les yeux, en le fixant, détaillant son visage « T’as mal dormi ? ».

Le jeune homme regarda un peu ce qu’il y avait comme fleurs, puis ne savait pas vraiment quoi choisir « Si tu pouvais m’aider ça serait sympa », il se retourne vers lui « Ma sœur arrive dans quelques jours et je voulais lui offrir un bouquet, pas des roses pour changer... Mais je pense qu’elle a des préférences », il essaie de se souvenir du nom de la fleur, puis dit celle-ci à Dean en espérant qu’il allait savoir ce que c’était et s’il y en avait de toute façon dans le magasin.  

Ah les cauchemars... une longue histoire. Un long récit qui racontait les mêmes images. Un long récit qui décrivait les mêmes visions, qui elles-mêmes expliquaient un même et unique souvenir. Toujours le même. Ce souvenir tournait en boucle dans son esprit jusqu'à lui faire perdre la tête. Jusqu'à se presser tellement fort contre son esprit qu'il se réveillait en sursaut, perturbé, paralysé par une peur nouvelle, un mal de tête naissant, et avec lui, cette envie plus qu'assourdissante de pleurer, mais surtout de crier. Crier sa peine, sa frustration, son incompréhension. Hurler au monde son désir de le revoir. Non. Son besoin de le revoir et de le ravoir auprès de lui. S'en déchirer les poumons en expliquant à quel point il lui manquait, à quel point son absence était de plus en plus lourde au fil du temps, que le manque de sa présence était de moins en moins supportable, que tout ça était de plus en plus brisant. Mais il ne criait pas, Dean. Il hurlait en silence, ses lèvres s'écartant dans un cri muet, sa gorge brûlant malgré tout, sa respiration déraillant bien qu'il n'ait absolument rien fait. Il ne criait pas, Dean. Il restait silencieux, muré dans son mutisme. Il était parfois plus ému que d'habitude quand ses grands-parents en parlaient. Il était parfois totalement perdu et désaxé du monde quand sa mère évoquait un doux souvenir avec son défunt mari. Il se remémorait les bons moments, lui aussi. Il ne pourrait jamais oublier ces beaux instants passés avec son géniteur, ils étaient bien trop précieux.

« Ah c'est toi », qu'il répéta doucement, une petite esquisse amusée au bord des lèvres, le visage quelque peu penché sur le côté dans un air songeur. « C'est une question piège ? », ses épaules vibrèrent dans un rire silencieux, « T'en fais pas, tu es assez bien », il articula lentement, secouant doucement son visage en même temps pour confirmer ses propos. Un rire se bouscula dans sa gorge, ce rire si particulier qu'il avait. « Je fais des progrès », qu'il déclara dans une légère mine boudeuse. Des progrès à peine visibles mais des progrès quand même. Au moins il savait différencier les roses du reste, et c'était déjà pas mal. Il savait reconnaître, les tulipes aussi... normalement. « Pour autre chose ? », demanda-t-il, intéressé, penché quelque peu vers lui pour entendre au mieux sa demande mais surtout pour s'y investir totalement et répondre le plus parfaitement possible à sa demande. Qu'il ne vienne pas avec une demande improbable cela dit, il risquerait de perdre Dean au milieu des pétales. « Un fantôme ? Non, j'en ai pas vu », il secoua négativement la tête, se mordant brièvement la lèvre en même temps, ses épaules bougeant dans une sorte de posture embêtée et quelque peu défensive. Ses prunelles se posèrent ailleurs que sur Seungjae et il ouvrit à nouveau la bouche : « Je vais bien. Fatigué, mais ça va », il haussa les épaules. Il ne pouvait pas dire qu'il était épuisé à cause du travail... il était avachi sur le comptoir il y a de ça encore quelques minutes, on ne pouvait pas dire qu'il se tuait à la tâche non plus. « Je dors souvent mal », qu'il avoua dans un ton calme, posé, mais sincère, en déposant à nouveau ses prunelles sur son ami. « Ton entraînement ne te fatigue pas trop au moins ? », moyen bancal de changer de sujet de conversation, il ne niait pas mais au moins il essayait.

Ses lèvres se pincèrent faiblement et il haussa un sourcil de manière peu visible. « Je suis là pour ça. En quoi puis-je te venir en aide ? », très professionnel, le Dean. Il craignait surtout sa demande, en fait. S'il devait composer un bouquet... Non, il ne préférait même pas y penser. Il hocha lentement le visage dans une mine compréhensive et songeuse, les sourcils quelque peu froncés et quitta enfin l'arrière du comptoir pour rejoindre son client, se plaçant près de lui. Il observa les fleurs tout autour d'eux. Une frimousse hésitante borda son visage tandis que ses iris se perdaient de plus en plus sur toutes ces couleurs décorant la pièce. « On en a », confirma-t-il, avant de se mordre la lèvre. « Normalement, on en a. Enfin je suppose », il fit une petite grimace. Il s'agissait de quelle fleur, au juste ? « Par élimination », ça commençait bien cette histoire, « C'est celle-là ou celle-ci », qu'il dit en désignant deux fleurs dans un coin de la pièce. « Techniquement je dirais la blanche mais j'ai comme un doute... », et il se tourna vers Seungjae comme si ce dernier détenait la réponse. Il fronça les sourcils et en désigna finalement une autre dans un « C'est peut-être celle-là en fait » chuchoté. Il espérait que Seungjae ne soit pas pressé. « Sinon on a des orchidées », et il pointa la dite fleur du doigt avec une assurance hors norme... pour finalement décaler son doigt vers la droite. « Tu veux pas lui ramener une orchidée ? », tenta-t-il dans une petite moue enfantine. Dean, meilleur vendeur de l'année.

Seung continua de le regarder avec le même sourire afficher sur les lèvres. Alala, mais qu’est ce qu’il pouvait être con des fois. Le jeune homme se dirigea vers le vendeur, qui répétait de nouveau ses mots. Il finit par rire lorsqu’il lui demande si ce n’était pas une question piège, levant les mains comme s’il était innocent. Mais ce n’est que lorsqu’il répond à son commentaire que le footballeur fut choqué « Assez bien ? C’est tout ? Olala je suis déçu », dit-il faisant une mine faussement attristé par la nouvelle. Au moins ça changeait les idées ce genre d’argument, et puis il ne ressentait déjà plus la fatigue dû à son entrainement. Le jeune homme sourit lorsque Dean lui dit qu’il faisait du progrès en matière de fleurs, surtout qu’il ne savait s’il devait le croire ou pas. Mais en tout cas, Seung savait aussi que ce n’était pas son domaine, mais qu’il se débrouillait quand même depuis un bon bout de temps maintenant, et si le proprio ne l’avait pas encore mis a la porte, c’était qu’il ne se débrouillait pas aussi mal que ça. Ou alors c’était autre chose ? Qui sait. Le jeune homme hocha tout simplement la tête, approuvant ses paroles. Cette fois-ci, il n’était pas venu pour quelque de faciles comme des roses ou autre, mais il avait quelque chose d’autre en tête, quelque chose de spécifique, même s’il ne savait pas vraiment a quoi ressemblait cette spécificité. Mais ils allaient bien trouver non ? Surtout avec mr l’expert qui était devant lui. Ou pas.

Le footballeur avait quand même remarqué la mine du garçon, chose qu’il ne pouvait pas vraiment laisser passer. Il était attentif à son entourage, surtout aux personnes qu’il appréciait bien. C’était dans sa nature, et puis, il pouvait bien voir qu’il y avait quelque chose qui clochait. Peut-être la fatigue ou autre ? Mais ça Seung n’en savait rien. Il ne connaissait que ce qu’il lui montrait et non pas ce qu’il cachait. Chose que tout le monde fait au final. Le garçon l’écouta simplement, lorsqu’il lui dit qu’il était fatigué, mais qu’il allait bien. Un léger sourire se fit voir sur les lèvres du garçon, même s’il pouvait voir qu’il y avait autre chose. Ah ! C’était donc bien ça. Lui non plus ne dormait pas bien le soir ? Dis-donc, c’était une nouvelle « Oh, toi aussi alors ? », il eut un léger sourire, timide cette fois-ci, se frottant l’arrière de son cou. Des fois, ça le tuait, qu’il ne pouvait pas fermer l’œil de la nuit, qu’il repense a son visage qui le hantait des fois même dans ses nuits. Ce n’est pas que c’était des fois désagréable...Mais la plupart n’était pas réellement de bons rêves. C’était peut-être sa conscience qui lui faisait mal, même si on lui avait répété un nombre incalculable de fois que ce n’était pas de sa faute, qu’elle avait vécu les plus belles journées de sa vie aux cotés du jeune homme. Le regardant, il pouvait voir qu’il ne le regardait plus comme avant. Que quelque chose clochait. Peut-être que lui aussi cachait quelque chose au final « Je ne dors plus aussi bien que ça depuis un bout de temps maintenant, mais essaie quand même de faire une boisson chaude avant de dormir. Ça peu apaiser », lui dit-il souciant tout simplement « Les tisanes font du bien aussi ». Lorsqu’il le questionne sur son entrainement, Seung soupira doucement, levant les épaules un moment « Ça va, on ne peut le qualifier que de fatiguant. Je viens de finir et je me surprends aussi de rester debout sur mes jambes », dit-il finalement avec un léger rire nerveux « Mais ça va je me plains pas, je suis content de ce que je fais, c’est l’essentiel ».

Il finit par lui dire ce qu’il voulait comme fleurs, puis il le suit, ne sachant pas vraiment à quoi ça pourrait ressembler, mais on dirait qu’ils en ont dans la boutique et cela fit sourire le jeune homme. Mais c’est lorsque Dean ne savait pas vraiment où commencer, quoi prendre, que Seung passa sa main dans ses cheveux et se grata la tête. Il n’était pas un expert en fleur lui non plus, mais a deux ils pourraient bien trouver non ? « Euuuh... Je ne sais pas vraiment », il le suit de nouveau, puis il lui montre des orchidées, faisant une petite moue comme s’il allait le faire céder à choisir des orchidées. Il pose ses mains devant ses yeux « Me regarde pas avec cette bouille », il finit par lui poke le bout du nez « Malheureusement les fleurs ne sont pas à moi, et puis c’est pas moi qui travaille dans cette boutique non ? Aller du nerf et plus vite que ça ! », dit-il en posant ses mains sur ses hanches « Si tu veux me prouver que tu t’en sors mieux, montre le moi ! » dit-il toujours aussi taquin. Mais c’est vrai qu’il voulait voir à quoi pouvait ressembler ces fleurs.

C’est alors que son attention se porta sur une fleur en particulier, qu’il n’avait jamais vu « Oooh c’est quoi cette fleur ? », ses couleurs étaient bien mises en valeur, on dirait qu’elle était unique de son genre et qu’elle était encore toute fraiche « Elle est jolie quand même »

Mais peu importait à quel point le souvenir était beau, il était tâché, et douloureux. Chaque souvenir lui pinçait le cœur, comme un avertissement. Chaque souvenir venait lui couper le souffle, lui arracher une respiration lente et brûlante. Chaque souvenait venait lui pincer la peau, dans un mal silencieux, presque invisible. Chaque souvenir torturait un peu plus son âme, pimentant ses cauchemars d'un nouveau chagrin. A chaque fois qu'il se remémorait un bon moment, c'était comme si on venait lui dire qu'il ne connaîtrait plus ça. Comme si on lui remuait cette vérité en plein visage, ouvrant un peu plus ses plaies, pesant un peu plus sur son existence, appuyant un peu plus sur sa culpabilité, rongeant un peu plus ses idées lucides et réalistes. Ce n'était pas pour rien, d'ailleurs, qu'il ne touchait plus un ballon de basket. Ce n'était pas pour rien, non plus, qu'il ne laissait plus ses pieds traîner sur un terrain de ce sport-là. Cela lui rappelait trop de choses – des bonnes comme des mauvaises, où les deux s'entremêlaient un peu trop violemment et se bousculaient pour tenter de gagner une bataille qui n'avait même pas lieu d'être. « C'était donc une question piège », fit-il, le visage quelque peu penché, « Sois pas déçu », qu'il rajouta doucement. Il n'allait pas non plus faire un exposé de la perfection de son ami. Ce serait bizarre, puis ce n'était pas vraiment son genre de déclarer ces choses-là. Il le trouvait beau, plus que bien, mais ce n'était même pas la peine d'envisager qu'il puisse dire ça à voix haute. Puis il n'était pas vraiment sûr que Seungjae apprécie ce genre de compliments venant d'un autre homme. Il pouvait le prendre avec le sourire cependant, mais Dean ne s'y risquerait pas. Et quelque part, cela avait un côté amusant de le voir avec cet air chagriné par ces mots.

Ses paupières clignèrent quelque peu aux paroles de son ami, ses lèvres se pinçant quelque peu. Oui, lui aussi. Cela le rassurait autant que ça l'inquiétait, parce que cela signifiait que Seungjae ne dormait pas comme il le devrait. Cela voulait dire que son sommeil était troublé, et cela devait se voir dans ses journées. Cela devait l'épuiser, l'alourdir. Plutôt qu'être compensateur, le sommeil devait rare, précieux et un peu cruel parfois. Il lui offrit simplement une esquisse désolée dans une petite mine abattue. Il écouta attentivement ses mots ensuite, le regardant sérieusement comme s'il lui délivrait une recette miracle. Un sourire revint se poser contre sa bouche alors qu'il parlait, « J'ai déjà essayé. Le verre de lait aussi », articula-t-il posément, riant quelque peu. « T'en fais pas pour moi », j'ai l'habitude, qu'il aurait voulu ajouter mais qu'il sous-entendait à cet instant par ce rapide geste de la main qu'il faisait, accompagné de ce haussement d'épaules quelque peu désinvolte. « Ne force pas trop, hein. C'est pas bon », le mit-il en garde, index levé comme s'il avait demandé à prendre la parole alors qu'il débitait simplement un petit conseil. « C'est l'essentiel oui. Mais fais quand même attention à toi, c'est important. Tout le monde a besoin que tu sois en forme, toi en premier », il renversa à peine son visage sur le côté, un sourire aux lèvres.

Ils auraient pu continuer de parler de petites astuces et d'autres choses, cependant, au vu de l'endroit, il était plus logique pour eux de parler de fleurs. Surtout que Seungjae ne venaient pas juste pour les admirer mais bien pour en acheter. Sauf que Dean n'avait aucune idée de quelle fleur il parlait... l'ironie pour un fleuriste, pas vrai ? Il lui montra des fleurs sans savoir s'il désignait la bonne, et apparemment son camarade ne savait pas non plus. Il pourrait lui donner la mauvaise qu'il n'en aurait même pas idée – hors ce n'était pas le genre de Dean. Ses épaules tremblèrent sous son rire. « Ca te ferait acheter une orchidée si je te continue de te regarder comme ça ? », lui demanda-t-il sincèrement. C'était une technique de vente à laquelle il n'avait jamais songé. Il se frotta brièvement le nez, les sourcils à peine froncés en observant son vis-à-vis. « Elles ne sont pas à moi non plus », ce n'était pas menti... par contre c'était bien lui qui bossait là-dedans. « Oui chef », fit-il, la voix amusée, son index tapotant son menton alors qu'il réfléchissait. Lui aussi voudrait bien montrer qu'il s'était amélioré mais cela semblait mal parti. « C'est une bonne question », il s'approcha de la fleur en question, la fixant. « C'est vrai qu'elle est belle », commenta-t-il dans un hochement de tête, « C'est pas celle-là qu'on cherche ? », il eut un petit air songeur, « Tu crois qu'elle plairait à ta sœur ? », l'interrogea-t-il en se tournant vers lui, un léger regard implorant, la lèvre inférieure quelque peu avancée, les joues faiblement gonflées – on comprenait sans doute mieux pourquoi les dames âgées craquaient et acheter des bouquets, même si ce n'était pas ceux pour quoi elles étaient venues. « Si on l'emballe ça peut être beau. Puis tu peux mettre une carte avec », il désigna les dites cartes vers le comptoir. Il resta silencieux un instant, les yeux fixés sur la fleur devant eux, la moue pensive. « Je peux aller chercher mon patron sinon, ça ira peut-être plus vite », lâcha-t-il après réflexion. Parce que s'ils suivaient les connaissances de Dean, ils seraient encore là demain matin sans avoir trouvé.