C’était un combat de se préparer à un rendez-vous. Enfin, un rendez-vous avec un ami, mais un ami que l’on apprécie beaucoup…Quand j’ai reçu un message de Dongsoo qui proposait que l’on se voit ce soir, je n’ai pu m’empêcher de stresser. Pourquoi ? Parce que ça faisait un moment que je ne m’étais pas retrouvée seule avec lui. Parce que je savais pertinemment que mon coeur allait s’emballer. Et parce que Dongsoo.
Je m’étais arrangée pour quitter la boutique plus tôt, afin de rentrer dans mon petit studio dans le but de me préparer. Douche ok. Cheveux ok. Maquillage ok. Les vêtements. Pas ok. Qu’est-ce que je devais mettre ? Nous étions début octobre, et les températures étaient moins chaudes, alors un pantalon s’imposait, avec un pull manche longue bordeaux. Pourquoi pas. J’espérais juste que tout allait bien se passer. Je ne pouvais ne pas penser à ma soeur…Qui connaissait aussi Dongsoo. J’évince cette pensée, enfilant mes chaussures, bottines à lacets brunes avant de me regarder une dernière fois dans le miroir pour sortir de l’immeuble et me diriger vers le lieu de rendez-vous. Enfin, le lieu en lui même n’était pas le restaurant choisi, en fait il s’agissait d’un endroit bien particulier que seuls moi & Dongsoo connaissions. L’un des premiers endroits où je l’a côtoyé pour la première fois.

Le vent souffle un peu dans la ville de Jeju, mais ce n’est pas annonciateur de mauvais temps. Je me dépêche quand même de rejoindre la digue, près d’une plage protégée du vent et de m’asseoir sur un rocher, mes écouteurs dans les oreilles dans l’espoir de me calmer. Avoir un ami célèbre, enfin qui était sur la voie de la célébrité, ce n’était pas pareil et je dois dire que ça me rendait encore plus nerveuse. Je respire un bon coup l’air saline du large, fermant les yeux quelques secondes pour profiter des dernières minutes en solitaire avant que Dongsoo n’arrive.

Notre relation était particulière, comme miraculée. Il est d’une bonne famille très influente ici, et moi, je ne suis rien. Je ne suis qu’une étrangère, venue ici par défaut sans le sou, et avec beaucoup d’amertume. Même si nous n’étions pas destinés à nous rencontrer, le destin l’avait fait autrement, et je ne le regrettai pas du tout. Je rouvre les yeux, apercevant une silhouette que je connaissais que trop bien avant de me redresser et de lui faire signe au loin.

« Oppa ! »

Les semaines passaient, les jours s'écoulaient sans que je ne parvienne à les retenir. Et j’avais laissé le temps filer sans même chercher à le rattraper. Il courait sans jamais s’arrêter et c’est plongé dans mes pensées que j’avais réalisé. Le temps perdu pour une course folle, un objectif qui me tendait les bras et qui s’éloignait chaque fois que je le frôlais des doigts. J’en oubliais le quotidien, les amis… la vie tout simplement, jusqu’à ce que je ne fasse défiler les noms du répertoire de mon téléphone pour tomber sur le sien. Je fis courir mes doigts sur l’écran, des nouvelles données à la volée avant de la solliciter pour une soirée. Puis une réponse qui ne se fit pas attendre et qui eut pour effet d’étirer mes lèvres en une moue enjouée, presque soulagée. J’aurais sans doute dû m’en vouloir, de négliger ainsi les quelques âmes qui veillaient sur moi, les irréductibles sans qui je me serais noyé dans les affres d’une vie citadine que je découvrais encore malgré moi. N’étais-je pas risible ? L’héritier d’un empire hôtelier qui tentait d’apprendre à vivre comme le commun des mortels… si j’avais échappé à une vie d’opulence et de cupidité, je restais néanmoins le pur produit d’une société qui se voulait élitiste. Mais l’image qui me collait à la peau semblait dérisoire en sa compagnie, elle soufflait un vent de légèreté sur une vie faussement compliquée, et c’est toujours avec le sourire que je quittais les studios pour la rue calme et l’air frais de Jeju.
J’arpentais les rues d’un pas assuré, les doigts repliés sur l’appareil qui ne me quittait que rarement, et je capturais l’essence d’un moment dans ces espaces ouverts, la lumière qui tranchait l’obscurité et les mouvements de foule. Jusqu’à pointer l’objectif sur celle à qui j’avais donné rendez-vous pour enfin le ranger. Je ne pus retenir la grimace lorsqu’elle m’interpela.

« Je ne suis pas plus ton frère que la dernière fois ! » arguai-je. « Tu as faim ? »

Sans plus attendre je l’incitais à s’engouffrer dans le restaurant, comme la première fois, et je m’aventurais entre les tables pour rejoindre celle que nous avions déjà investie par le passé et y prendre place. Le tableau était le même, mais les protagonistes avaient quelque peu changé, et l’un d’eux en particulier. Gêné, presque honteux d’avoir négligé cette amitié.

« Alors… ça fait longtemps, qu’est-ce qu’il s’est passé de beau dans la vie de Tae Ah ? »

C’était comme si le temps s’était arrêté quand mes yeux se sont posés sur cet être qui était sûrement le seul qui m’intéressait le plus maintenant. Un aléa de la vie qui m’a posée sur son chemin, ou l’inverse, mais peu importe, j’étais heureuse de le voir. Je ricane doucement à sa remarque avant d’hocher la tête, signe que oui j’avais faim.

Après nous être assistés à notre place habituelle, malgré que nous ne venions plus souvent, je l’observe quelques secondes. Toujours aussi impeccable, pour ne pas dire parfait. Ses traits harmonieux semblent quand même fatigués, happés par le rythme effréné jusqu’à ses rêves. L’ambition et moi, ça faisait mille. Je me contentais juste de ce que j’avais et ça me suffisait amplement, si ce n’est que parfois, la suffisance n’était pas assez.

« Eh bien…Pas grand chose figure toi. Toujours la routine…J’essaye de suivre ton parcours quand je peux, mais je dois avouer que c’est difficile. » répondis-je à sa question banale.

Ma vie était remplie de mésaventures plutôt que d’aventures, et il le savait déjà. Je ne mentionne pas ma soeur qui rôdait sur la ville, sans quoi je ne donnais pas cher de sa peau si elle osait venir me voir. Laissant les affaires familiales, je m’empresse de commander le plat habituel que je prenais en venant ici: un plat épicé typique de la région.

« Oui ça fait longtemps… »

Mes yeux se perdent un peu dans le vide alors que je comptais silencieusement dans ma tête les jours passés sans que je me retrouve en face de lui. Trop longtemps.

« Et toi ? Tes objectifs se remplissent ? »

Je savais dans le moindre détail le présent objectif de Dong Soo et je respectais énormément son choix. J’avais néanmoins un peu peur que plus tard, son rêve ne soit la perte de notre amitié. La fragilité entre célébrité et banalité me faisait peur. Je croise mes bras avant de les poser sur la table pour plonger mon regard dans le sien.

« J’espère que tout se passe bien pour toi …»

La sincérité était l’un de mes atouts, surtout envers cet homme qui visait les étoiles. Je l’aidais quand je pouvais, mais j’étais piètre comédienne et le monde du cinéma et de la caméra était bien un terrain inconnu pour moi. Je le reconnaissais sans peine, mais si je pouvais vraiment aider Dongsoo alors c’était mon petit plaisir personnel. Ma vie paraissait bien fade lorsqu’il n’était pas dans le coin. J’avais mes propres fréquentations, certes, mais lui, c’était autre chose, une autre histoire dont je voulais écrire les pages un peu plus chaque jour. Une belle histoire je l’espérais.

« En fait, je ne me pose pas de question, ton dernier drama a eu beaucoup de succès alors…Je ne vois pas pourquoi ça se passerait mal. »

Je prenais, tout ce qui me permettait de changer, grandir au contact de ceux qui m’apportait ce dont je manquais cruellement. Et je me rendais compte que j’avais passé tellement de temps dans les studios, derrière les caméras que j’en avais presque oublié le monde extérieur. Je m’étais enfermé dans une routine éreintante, un quotidien fait de script et de répétitions. Je liais des amitiés au gré de mes projets, mais aucune ne semblait résister à la vie si rythmée qu’imposait ce métier. J’enviais les caméraman, les réalisateurs et producteurs, juste parce qu’ils pouvaient voir quand je me contentais de paraître. Par cette soirée, je renouais avec l’homme que j’étais, j’oubliais les personnalités que j’avais dû interpréter pour reprendre les commandes d’un être qui n’attendait qu’à être révélé.

« Tu me suis ? »

Le sourire mutin fit plisser mes traits face à son aveu. Je m’étais tellement éloigné, tellement isolé que le simple fait de savoir que j’avais son soutien était une bouffée d’oxygène. Je posais sur elle le même regard que j’avais eu la première fois, intrigué et curieux. Elle exhalait plus que les quelques mots qui franchissaient ses pulpeuses. J’observais, ses mains voguer pour ne pas savoir où se poser, son sourire se crisper pour se détendre avant de répondre, ses yeux papillonner pour finalement me sonder.

« On peut dire ça…. »

Je profitais d’un instant porté sur un sujet qui nous mettait à l’aise tous les deux pour m’avachir sur ma chaise. J’enroulais mes doigts sur le verre pour le porter à mes lèvres, l’air presque nonchalant, mais l’esprit toujours tourmenté par la culpabilité.

« Si tu me suis, tu devrais le savoir non ? » taquinai-je « Tout se passe bien, mais je suis encore loin de mon Graal ! »

Une vérité qui, étrangement, alourdissait mes épaules. L’idée avait germé, et je voulais l’exploiter, l’atteindre pour faire de mon quotidien une aventure bien plus riche que ces quelques rôles que l'on m'offrait. Mais elle semblait parfois me narguer et s’éloigner. Me taquiner pour m’abandonner en me laissant me débattre avec cette étiquette qui désormais faisait tourner les regards sur mon passage.

« Oh… donc tu l’as vu ? Et tu en penses quoi ? Est-ce que je dois me vanter et dire que j’ai fait toutes les cascades moi-même ? »

J’étais heureuse de constater qu’il n’avait pas réellement changé. Du moins qu’il n’avait pas pris la grosse tête…Enfin si ce n’était que ça. Je lève les yeux au plafond une micro seconde, comme amusée et exaspérée par son éloge.

« Oui oui…Evite juste de te briser la colonne vertébrale » ricanai-je en le regardant de nouveau.

Bien sûr que je suivais ses moindres gestes, ses actions, ses apparitions. J’étais un peu sa fan n°1, mais je ne le crierai jamais sur les toits. J’avais toujours cette sorte d’humilité face à lui, cette retenue qui m’empêchait parfois de me sentir comme une personne de sa teneur. Mais j’essayais chaque jour de le faire.

« Tu es sur la bonne voie…Je suis sûre qu’il faut juste un scénario qui te propulse vers le haut »

J’étais convaincue de son talent, mais le monde était dur pour ceux qui rêvaient la tête dans les étoiles pour se hisser en haut de l’affiche. Même pour des hommes comme lui, né avec une cuillère en argent.

« Ne relâche pas tes efforts ok ? Sinon je vais te mettre une sacrée rouste ! »

Le motiver était mon rôle, le conseiller aussi parfois si je le pouvais, mais je savais qu’un jour il n’aurait peut-être plus besoin de moi, alors c’était une question de profiter encore et encore, retardant ainsi son ascension vers les strass et les paillettes. Egoistement, je ne veux pas accepter cela, j’ai juste envie qu’il reste Dongsoo, le Dongsoo que je connais, et non une machine à embrayer de l’argent pour sa plasticité…Ma foi indéniable belle plasticité.

« Mh…Et donc, tu as rencontré des gens intéressants? Des gens qui pourraient te donner un coup de main ?»

Comme je n’avais aucune chose intéressante à lui raconter, autant lui demander des choses qui pourraient m’intéresser aussi. Alors que j’attendais la réponse de Dongsoo, je sentis un liquide tiède sur mes genoux. Je relevai la tête pour ainsi voir la stupeur sur le visage de la serveuse avec son plateau, puis l’assiette à terre qui avait avec son bouillon éparpillé sur le sol ainsi que mon corps qui devait être brûlé.

« O…Oh mon Dieu ! Vous allez bien ? Vous ne vous êtes pas brûlée ?! »
« Euh…non non ne vous en faîtes pas. »

Je prends des serviettes pour nettoyer ces tâches sur mon jean tout propre -quel calamité-. Je me lève et m’éclipse quelques secondes aux toilettes pour espérer nettoyer le plus gros.

C’était gratifiant, rassurant et plaisant de savoir qu’elle veillait sur moi. Peu importait qu’elle tente de se défaire de cet aveu, qu’elle me fuit du regard une fraction de seconde comme pour garder une certaine distance. Je n’y croyais pas, plus maintenant.

« Si je viens à me briser la colonne… je suis sûr que tu seras à mon chevet ! »

Elle était là, elle était toujours là, même quand je ne l’appelais pas, alors elle le serait toujours non ? C’était la seule option que je pouvais envisager, repoussant dans un coin cette idée qui me faisait frissonner. J’avais pu abandonner ma famille, comment pouvais-je réclamer autant de celle qui n’était qu’une amie ? Les encouragements glissèrent sur sa langue et m’enveloppèrent d’un doux parfum dans lequel je me plongeais avec plaisir. C’était cette complicité, cette facilité avec laquelle tous les problèmes de la terre s’envolaient lorsque nous discutions. Un moment partagé pour refaire le monde à notre image et braver tous les obstacles qui se dressaient sur notre chemin.

« Avec tes petits poings ? Je doute que tu parviennes à me faire ne serait-ce qu’un bleu ! » riai-je.

J’attrapais son bras pour le faire rouler entre mes doigts et lui exposer la triste vérité de ces muscles encore trop peu développés. La taquinant encore et toujours, c’était une habitude, un repère dans le fouillis de ma vie. Jongler entre une nouvelle carrière et la fuite en avant de cet empire… je m’en forgeais mes piliers.

« Oui et non. Disons que je rencontre tout le beau monde que je voulais rencontrer, mais que mon projet n’est pas encore pris au sérieux. »

J’en arrivais parfois à regretter avoir pris ce chemin détourné, pensant me servir de ce métier comme d’un tremplin. Mais dans l’univers du divertissement, chacun avait sa place, son rôle à jouer. Et malgré cette fameuse carrière prometteuse, ils restaient frileux, peu enclin à m’offrir la chance de tenir ce trophée. La conversation aurait pu continuer, mais le destin en avait décidé autrement. Une serveuse maladroite interrompait ces retrouvailles, et le contenu du bol en céramique s’échoua sur les jambes de Tae Ah, m’arrachant par la même occasion un regard paniqué. Le liquide fumant s’était échappé de son contenant et les yeux de la coupable faisaient le chemin entre celle qu’elle venait de brûler et moi. Néanmoins, ce ne fut pas tant l’air hagard de la serveuse qui m’interpela, mais le calme olympien avec lequel Tae Ah se levait pour rejoindre les toilettes.  

« Je… je suis désolée, je n’ai pas fait exprès… mais vous… »
« Ce n’est pas grave. » lâchais-je incertain de ce que j’avançais.
« Vous… »

J’évitais son regard lui offrant un sourire contrit en espérant pouvoir la dissuader de s’aventurer sur ce terrain pentu. Plus inquiet pour Tae Ah que pour mon identité que je ne cherchais pourtant pas à cacher, et sous l’impulsion, je me levais pour aller la retrouver. Mais je fus interrompu dans mon ascension par le personnel du restaurant qui voyait d’un mauvais œil mon petit voyage vers les sanitaires qui ne m’étaient pas destinés.

« Monsieur… ce sont les toilettes pour femme. »
« Ah… oui, je sais mais… quelqu’un s’est brûlé, je voudrais juste savoir si elle va bien. »
« Vous ne seriez pas Baek… »
« Dong Soo oui, maintenant si vous voulez bien… »
« … rejoindre votre petite amie ? »

Je n’étais pas rassuré par son air mutin et ses lèvres plissées en une moue qui m’annonçait déjà les ennuis à venir. Aussi riai-je de manière désinvolte à sa réflexion en espérant faire taire les potentielles rumeurs qui s'échapperaient du restaurant après notre passage.

« … ma sœur. C’est ma sœur en fait. Vous avez beaucoup d’imagination… »

Je me fichais de ma réputation, tentant seulement d’éviter à Tae Ah de subir ce que j’étais parvenu à éviter jusqu’à maintenant, l’obsession de quelques dérangés qui prenaient leurs rêves pour la réalité.

J’aurais sans doute dû me sentir soulagé de l’entendre jouer le jeu de l’autre côté de la porte, et pourtant… je me sentais misérable de devoir user de cette carte que j’estimais inutile. Jamais je n’avais eu à cacher mes relations, quelles qu’elles soient. Comme pris au piège, j’avais laissé le mensonge s’insinuer dans la réalité pour finalement remarquer le changement. Léger mais certain sur le visage du serveur qui m’avait interdit l’accès aux toilettes, je contemplais cette lueur quelque peu déçue qui vint assombrir ses onyx jusqu’à ce que ma fausse petite sœur ne nous rejoigne. Le surnom piquait ma conscience, et je retenais la grimace qui l’accompagnait souvent pour m’efforcer de conserver ce sourire crispé.

« … oui, oui bien sûr je t’en rachèterais un. »

Je n’eus aucun mal à la ramener à notre table, mais je sentais les regards des curieux qui n’avaient pas encore compris la situation se tourner vers nous. Je subissais les iris arrondis de ceux qui n’étaient plus désormais intéressés par leurs repas, et pour couronner le tout, la réflexion de Tae Ah m’arracha une nouvelle moue irritée.

« Tu voulais que je dise quoi ? Oh salut, c’est une amie avec qui je sors souvent manger. Tu peux être sûr que demain tu avais toute la Corée à ta porte. »

Je m’agaçais sans m’en rendre compte de la situation pour qu’elle n’annonce le verdict. Quitter les lieux pour être libérés des regards inquisiteurs et des questions qui bien vite remplaceraient la musique de fond pour enfler comme un mauvais présage. Peu importait que j’ai pu côtoyer les plus grands de ce pays, rien ne m’avait préparé à cette curiosité déplacée, et je refusais encore de m’y faire. Il nous fallut braver les perles sombres dardées sur nous, affronter les sourires désolés et intrigués des employés avant de pouvoir regagner la fraîcheur de la rue. Le vent vint fouetter mes joues en une brise salvatrice avant que mes yeux ne chutent sur ses jambes.

« Il faut soigner ça ! »

J’avais été plusieurs fois le témoin de quelques épisodes de ce genre, et chaque fois, je restais bouche bée devant son stoïcisme. Imperturbable, elle ne semblait pas se rendre compte du choc que son corps venait de subir, aussi lui attrapais-je la main pour l’entraîner vers une pharmacie. En quelques minutes seulement, je me munissais de tout ce qui pouvait composer la trousse de soin pour venir à bout de ses brûlures, et ne m’arrêtais pas là.

« Excusez-moi, vous auriez une arrière-boutique ? »

J’ignorais son regard interrogateur alors que le propriétaire des lieux me donnait son aval, et l’incitais à me suivre pour finalement lui tendre mes trouvailles.

« Si tu ne le fais pas, je m’en occuperais ! »

Je le regarde d’un air incrédule. Je ne comprenais pas trop le besoin réel d’intervenir, enfin vu que je ne ressentais pas non plus la douleur d’une manière prononcée. Je me laissais néanmoins faire en le suivant dans la pharmacie avant de le regarder d’un air presque outré à son geste. Pour que je me déshabille à moitié devant lui ? Et puis quoi encore ?

« Euh…Non je vais le faire, non merci. Reste là toi ! »

Le rouge aux joues, je prends la trousse pour pouvoir traiter cette brûlure qui me compliquait actuellement la vie à cause de la maladresse d’une autre. Je ferme la porte en m’assurant qu’elle ne s’ouvrirait pas. Quelle plaie. Je m’assois sur un tabouret pas loin avant de commencer à enlever le pantalon pour ensuite désinfecter la brûlure, passant le désinfectant puis j’appliquais ce qui semblait être une crème apaisante. Celle ci semblait faire effet, même si je n’avais pas mal. J’applique la compresse froide puis remonte mon jean et de sortir de l’arrière boutique.

« Voilà c’est fait. Je vais bien t’en fais pas. »

Je regarde autour de moi, les gens se retournant encore pour voir ce qui se tramait. Je remercie les pharmaciens avant de prendre le poignet de Dongsoo et de le traîner dehors, le vent frais fouettant mon visage.

« Aah, pourquoi tout ne se passe jamais comme prévu ? »

Je fis la moue encore une fois en regardant Dongsoo, lâchant son poignet. On aurait dit que le destin se liguait contre moi en l’espace d’une heure à peine. Bien sûr, ce n’était pas la faute de Dongsoo, sa popularité était naturelle, mais moi je traînais cette espèce de malchance qui faisait que j’avais l’habitude de me retrouver dans des situations ignobles.

« Je te propose qu’on aille chez moi, que je change de pantalon et…on commande à manger, ça sera le plus simple. »

Même si c’était petit, au moins on aura pas à se soucier de qui nous regarderaient. Je le regarde de nouveau avant de soupirer encore.

« Tu pourrais mettre une casquette ou des lunettes de soleil pour te couvrir un peu quand même ! Tu vas bientôt déclencher les foules. Et c’est pas moi qui aura la Corée à ma porte mais toi. »

Je lui tire la langue telle une gamine puis me dirige vers mon studio qui, fort heureusement était rangé.

Ne se rendait-elle vraiment pas compte ? J’étais le témoin récurrent de phénomènes dont elle ne semblait pas avoir conscience. Je voyais sa peau se marquer de stigmate et de quelques brulures qu’elle ignorait royalement, ou simplement dont elle ne ressentait aucune gêne. Alors je l’observais, je posais sur elle deux perles dubitatives et incrédules avant de la tirer vers la pharmacie. Je lui intimais de prendre soin d’elle, d’apaiser son épiderme malmené quitte à le faire moi-même et ce ne fut que lorsqu’elle s’enferma seule que je compris mon erreur. Depuis quand étais-je si insistant ? Depuis quand prenais-je seulement le temps de m’occuper des autres ? Loin d’être insensible, je n’étais juste pas né avec cette habitude, ce besoin de veiller sur les autres alors que je faisais l’objet de toutes les attentions. Et même avec le temps, je ne parvenais toujours pas à me faire à l’idée d’être celui sur qui les regards devaient se poser. Devant des mines curieuses, j’attendais qu’elle ne finisse et ce ne furent que quelques minutes seulement qui s’écoulèrent avant qu’elle ne ressorte du cagibi.

« Quelle rapidité…. »

Mais je n’eus pas le temps de finir ma phrase que ce fut son tour de m’entraîner dehors, loin des questions restées jusqu’ici silencieuses.

« Parce que si tout se passait comme prévu on s’ennuierait ? »

Je ne plaisantais qu’à moitié, me remémorant nos escapades depuis ces quelques années. Le calme était rarement synonyme de nos sorties et au fond, c’est sans doute ce que je préférais. Je partageais plus qu’un simple moment rythmé par la tranquillité, et je n’échangerais pour rien au monde ce qui restait dans nos mémoires. Ces instants douloureux ou humiliants se muaient en souvenirs accompagné de rires quand nous y repensions.

« C’est une bonne idée. »

Je lui emboitais le pas, ignorant inconsciemment que ma présence dans son appartement était sans doute une mauvaise idée. Mais la seule chose à laquelle je pouvais penser, était de profiter. D’oublier le temps d’une soirée les obligations et les rendez-vous qui m’incombaient, juste pour redevenir celui que j’étais avant d’être happé par la folie d’un monde dans lequel j’aspirais à retrouver l’ombre.

« Est-ce vraiment nécessaire ? »

Peu conscient de la popularité naissante dans laquelle je baignais, je me fichais de me cacher. Je n’arborais pas d’artifice et je me contentais parfaitement de marcher et de me laisser porter au gré de mes envies, sans prendre en compte les doigts pointés et les chuchotements ronflants. Je ne prêtais pas même attention à ceux qui croisaient notre route en remontant vers son appartement, pour finalement nous y engouffrer.

« Bon alors… que veux-tu manger, je t’invite… on va éviter la soupe par contre. »

Je la taquinais une nouvelle fois, volontairement avant de prendre place dans son canapé. C’était étrange, mais je m’y sentais déjà chez moi.