Autours de Youngsoo qui traînait des pieds, Jeju se réveillait lentement.  Le soleil divisant graduellement la noirceur du ciel alors que la brise matinal repoussait celle plus fraîche de la nuit.  La journée s’annonçait être fraîche, mais ensoleillée… en tout cas, elle s’annonçait définitivement mieux que lui.

Dire qu’il était entier et humain à cette heure-ci de la journée aurait été mentir.

À vrai dire… dire qu’il était entier et humain peu importe l’heure de la journée aurait été le plus grand blasphème qu’un croyant aurait pu évoqué en voyant Youngsoo.  Premièrement, il n’avait jamais l’air humain, à force d'accumuler des nuits blanches à perpétuité Youngsoo avait cette air de gars complètement hors de la réalité - cerné et pâle, on avait plutôt envie de le rouler en petite boule en lui caressant les cheveux pour le forcer à dormir, plutôt que de le laisser continuer à arpenter les rues comme il le faisait.  Deuxièmement, le policier venait tout juste de terminer un quart de travaille de 21h de travail et franchement, il ne tenait plus sur ses pieds.

C’était donc machinalement qu’il marchait - plus lent qu’un papy en marchette - vers son petit studio avec comme seul idée de s’y écraser lourdement pour les prochaines heures avant de retourner rapidement travailler.  Travailler autant avait au moins cet avantage… il était tellement épuisé que ça l’assomait littéralement comme une brique.

Pourtant, devant lui - fendant l’horizon - semblait se passer de l’action… et pas de l’action charmante d’un petit couple marchant main dans la main lui rappelant cruellement sa solitude.  Nah… plutôt le genre d’action qui lui fit froncer les sourcils pour mieux voir alors qu’il mettait devant lui sa main pour cacher le soleil à contre-jour.

What the hell?  Qu’est-ce qu’y s’passait!?

Six heures tapantes. Le soleil se levait lentement pour éclairer l’île des amoureux. Une appellation qui l’avait toujours fait rire, soit dit en passant. Chaque été, de nombreux mariages y étaient célébrés aux quatre coins de l’île, ce qui lui valait cette douce étiquette. Pour autant, elle ne s’imaginait pas se faire passer la bague au doigt avant un long moment… Ou même tout court.

Plus le temps passait, et plus elle s’imaginait passer le restant de sa vie auprès de ses parents, telle une vieille fille… ou presque. Il n’empêche qu’à vingt-quatre ans, Mijoo ne se sentait pas totalement en décalage avec son temps. Elle avait toujours été un peu à part. Jamais tout à fait dans la norme. Le fait de vivre sous le même toit que ses parents comportait de sérieux avantages. Pas de loyer ou de factures à régler tous les mois. Elle avait quotidiennement le droit à de bons petits plats qu’elle pouvait emmener au travail. Pourquoi s’embêterait-elle seule alors qu’elle connaissait l’amour d’un foyer ?

Levée aux aurores pour son footing quotidien, la jeune femme avait pris ce rythme depuis aussi longtemps qu’elle travaillait à la parfumerie. Comme elle ne prenait jamais avant neuf ou dix heures du matin, la belle pouvait s’octroyer le temps qu’elle voulait pour entretenir sa ligne, mais surtout sa santé.

Vêtue de son survêtement nike le plus basique, Mijoo s’élança dans son parcours habituel, direction le parc national de Jeju-Do. A cette heure matinale, elle n’y croisait presque jamais personne. Ce qui pouvait être un grand avantage, puisque n’aimant pas spécialement être dérangée lorsqu’elle courrait. Les écouteurs dans les oreilles, la jeune femme ne prêta nul autre attention qu’au rythme instauré par sa playlist… A cause de sa musique, elle ne put pressentir l’approche d’un type louche pour la rattraper au pas de course. Tout se passa extrêmement vite au moment où une paire de bras l’encerclèrent par la taille. Son cri fit écho dans le parc désert, mais dans la précipitation, la bouche de la blonde fut étouffée par la paume de son agresseur. Dans un mouvement instinctif d’auto-défense, la belle tâcha de se débattre de son emprise, sans succès. Elle voulut viser les parties qu’elle savait sensible, mais la force inégalable de son opposant la fit frémir d’angoisse… et de peur. Oui, à présent, elle ne savait absolument plus quoi faire pour tenter de lui échapper. Et les premières larmes roulèrent le long de ses joues.

Un cri sourd, fit écho dans le parc et le coeur de Youngsoo bondit dans sa cage thoracique.  Son corp, engourdit par le manque de sommeil se réveilla soudainement.  Maladroitement, comme s’il se réveillait d’un long sommeil carbonite, le policier s’élança au travers le parc alors qu’il pouvait déjà voir le mec shady disparaître de plus en plus loin de son champ de vision.  

Omg wtf.  Il n’était vraiment pas prêt à ça!

Arrivé là ou il avait cru voir l'interaction, le pauvre séoulien ne retrouva qu’une pair d’écouteur qu’il ramassa instinctivement, ses doigt raclant le sol dans une sensation qu’il aurait normalement trouver particulièrement désagréable.  Cherchant à gauche, à droite, son regard se fixa alors sur un pied disparaissant dans le petite forêt à la lisière du parc.  Grognant alors il se relança à la poursuite du “mec à qui il allait définitivement casser la gueule qu’il soit flic ou non”.  Putain dans quel monde ils vivaient - c’est ce qu’il se serait certainement dit si son cerveau n’avait pas été en mode panique alors qu’il s’enfonçait officiellement dans la petite forêt.  Les branches d’arbres lui fouettant le visage, alors qu’il se prenait les pied dans toutes les millions de racines, maudissant leur présence. Youngsoo réussi finalement à voir le dos du mec “qui n’allait définitivement pas survivre” à cet altercation.  À bout de souffle il gueula un “YAH CONNARD”, sans égard pour sa voix cassée par l’adrénaline, ou pour la pauvre fille qu’il n’osait même pas regarder tellement il en voulait au mec.

Agrippant le salopard par le hoodie, il le rejeta contre un mur d’une force qu’il ne se connaissait absolument pas et espérant qu’il soit suffisamment sonner, il se précipita vers la fille - ne portant pas attention au connard à hoodie qui n’en avait définitivement pas fini avec lui.

Premièrement: S'assuré que la victime est encore entière.

“Yo?  Yo ça va !?” lui demanda-t'il à bout de souffle en lui tendant la main, s'acroupissant vers elle.

Deuxièmement: Casser la gueule au connard....

Sauf que le connard avait pris de l'avance...

Elle voulait hurler de toute ses forces. De tout son être… Elle voulait le mordre. Le griffer. Se débattre autant que possible… Une faille ? Son agresseur ne semblait pas en avoir… Il était doté d’une force bien plus importante que la sienne. Mais surtout, il ne semblait pas à son premier coup d’essai. L’assurance et le petit rire qu’il déployait avaient suffit à lui glacer le sang dans les veines. Ce psychopathe savait très bien ce qu’il faisait et il semblait décidé à aller au bout de sa folie… Elle n’était finalement capable de rien d’autres hormis pleurer à chaudes larmes, et espérer un miracle pour s’en sortir. De plus en plus enfoncée dans la forêt, Mijoo perdit tout espoir d’y croiser âme qui vive… C’est alors qu’une voix masculine détonna dans les airs. Un autre homme, furieux, qu’elle ne reconnut pas de suite, et qui éjecta illico-presto son agresseur en arrière ! Encore trop choquée pour concrètement se réjouir et réaliser tout ce qui se passait, la jeune femme osa à peine regarder son sauveur. Le cœur lourd, suffocant, comme en manque d’oxygène, la belle eut tout juste le temps de relever les yeux qu’elle aperçu l’autre taré charger dans leurs dos ! « Oh non. Derrière-toi !! » Mais le coup de poing qui s’écrasa contre la mâchoire de son allié lui arracha un nouveau cri d’effroi.

Sans se laisser complètement submerger par la panique, Mi Joo profita de la nouvelle altercation entre les deux hommes pour prendre la fuite, et rechercher après un élément du décors, pouvant faire office d’arme. La présence de cette planche en bois recouvert sous d’épaisses feuilles, ferait amplement l’affaire ! Ni une ni deux, la jeune femme s’en saisi avec la ferme intention de riposter ! Veillant à ne pas blesser celui qui était de son côté, la belle l’averti au moment de foncer sur eux, le visage baignée de larmes. « Hé ! Baisse-toi ! » s’écria t-elle en écrasant la planche contre l’omoplate de son agresseur. Ce dernier perdit équilibre avant de tomber à genoux. Bien que sonnée par ce qu’elle venait de faire, Mijoo n’attendit pas qu’il se relève pour réagir. Sans reconnaître tout de suite Youngsoo, sa main vint à la rencontre de la sienne, le suppliant de déguerpir. « Allons nous-en. Vite ! » Et alors qu’elle tirait sur la manche de son vêtement pour l’inciter dans cette directive, un éclat traversa les pupilles de la demoiselle. Maintenant, elle se souvenait de lui.