(outfits)L'appel de la mode; il suffisait d'une jolie pièce estampillée d'une broderie de rose pour que Subin s’engouffrer dans les méandres d'une boutique de prêt-à-porter. Comme éprise par un incassable piège à loup, sa cheville, enfin plutôt son porte-monnaie, était mordu jusqu'au sang par les dents métalliques de cette souricière à billets.  C'était un t-shirt dans un panier, suivi d'une blouse, et puis d'un pantalon, et ainsi de suite jusqu'à en remplir un sac entier de vêtements neufs, et qui, malheureusement, ne seront probablement jamais portés. Bien qu'elle avait déjà une armoire remplie de pièces en tout genre, Subin était ici plongée dans son élément, et elle se sentait comme poussée par une quelconque force naturel à s'enfoncer davantage dans la végétation de rayons. Aah, la mode. Aah, le luxe. S'habiller était pour elle semblable à un moyen d'expression. Il suffisait de l'apercevoir dans la rue, et de juger sa tenue, pour en déterminer son humeur du jour. Subin n'était certainement pas dotée d'une incroyable éloquence, mais elle avait le mérite de savoir traduire sa personnalité au travers de morceaux de tissu.

Satisfaite de ses choix, l'ex-idole qui se croyait encore parfois au sommet de sa gloire, déposa avec condescendance le fruit de ses futurs achats sur le comptoir-caisse. Bonjour dit-elle; aimable politesse.
 

son regard se perd dans le fond de son verre où le paracétamol se dissout, tournoyant dans le récipient à la cadence de ses mouvements de cuillère. "tu peux rentrer chez toi si ça ne va pas, tu sais ?" un haussement d'épaules, un sourire forcé et fier. "ça va au top, y'a pas de bille à s'faire. après tout, c'est qu'un maux de tête." qu'un maux de tête. hm. les migraines se font de plus en plus récurrentes, tout de même. ce n'est pas, ou plutôt plus, négligeable. à croire que le cerveau de la jeune femme a une sérieuse attirance pour tous ces sons stridents qui font crisser des dents. dain semble s'y focaliser, s'en préoccuper, y faire attention plus qu'elle ne le devrait et plus qu'elle ne l'a jamais fait. quelque chose dans ses habitudes a changé. elle ne saurait dire quoi, sa concentration ou peut-être son audition en elle-même?, tout ce qu'elle peut affirmer c'est que ça commence à la gonfler. "j'en ai marre d'avoir la tête comme une bombe prête à exploser, mais, ça va aller." renchérit-elle à l'égard de sa collègue, inquiète pour sa santé. "après tout, un mal de crâne ça n'a jamais tué." sûre d'elle, elle boit son médicament d'une traite, se masse brièvement les tempes, se craque la nuque comme si cela allait lui apporter un quelconque courage et s'en retourne aux tâches de son métier. soit feindre une amabilité sans faille au contact d'une clientèle à fidéliser.

retrouvant son poste en caisse, l'employée est à peine installée qu'elle voit une silhouette arriver. avant de voir le visage, son regard détail brièvement la tenue portée. un petit jeu de jugement vestimentaire qu'elle a pris l'habitude de faire. ça passe le temps et c'est marrant. car, certaines personnes s'habillent, sans vouloir être méchante, réellement comme des sacs. mais, pour le coup, ce n'est pas le cas du tout. une moue fend ses lèvres l'espace d'une seconde. 'not bad' semble-t-elle dire. 'enfin quelqu'un avec du style' traverse son esprit. le genre de pantalon que dain approuve et porte, en dehors du travail, en dehors de cette tenue d'usage d'un sobre soporifique, d'un sombre neurasthénique. "jolie tenue." finit-elle par lâcher à voix haute. c'est un peu familier de faire une remarque à une cliente, que le commentaire soit positif ou non. mais bon. dain aime briser les codes de la relation client. et puis, flatter l'égo d'un acheteur c'est lui donner une envie de revenir. stratégie marketing. n'en oubliant pas pour autant sa politesse, l'étudiante répond au bonjour de l'inconnue. c'est alors qu'elle daigne enfin relever le menton et plonger son regard dans celui de la personne de l'autre côté du comptoir.

une seconde d'étonnement.
une autre de doute.
une dernière de révélation.
"... nan ? mais j'hallucine ?"
pas d'erreur possible, l'ancienne adolescente fan la reconnaîtrait entre mille. mais c'est si peu plausible... est-ce la migraine qui joue les créatrices de mirages, comme les oasis du désert ? se rendant subitement compte de son expression de merlan frit, couplé à son manque de professionnalisme, dain s'empresse de s'éclaircir la voix et reprendre ses esprits. scannant les articles (non sans froncer les sourcils à chaque biiip strident) avant d'énoncer le montant. "ahem... ç-ça sera par carte ou par cash ?"  

(outfits)Cette caissière avait le mérite d'avoir du goût. C'est ce que Subin pensa immédiatement après que sa tenue fut complimentée par l'experte mode. Bon, dire experte était un tantinet exagéré; mais puisqu'elle travaillait pour une enseigne de prêt-à-porter, et qu'elle avait perçu la qualité stylistique qu’émanait du look de Subin, on ne pouvait dénier les compétences de cette jeune fille. Alors, si elle n'était pas encore experte, elle ne saurait tarder de le devenir. Oui, Subin était capable d'avoir une haute estime pour les inconnus - seulement lorsque ces derniers flattaient son ego comme il le fallait.
Et alors que Subin se sentait déjà pousser des ailes; elle s'envola vers le septième ciel quand la caissière poussa finalement une exclamation surprise. Elle l'avait reconnue! Enfin quelqu'un dans ce bas monde qui savait encore qui était Topaz Sky! Un sourire fier se dessina sur les lèvres de l'ex-idole. Elle ne pouvait cacher cet air à la fois conquis et conquérant. Elle aimait soudainement cette gamine qui la regardait avec des yeux de merlans-frits comme s'il s'agissait de la chair de sa chair. Et tandis qu'elle scannait chaque article avec précaution, Subin la regardait faire avec fierté, dodelinant instinctivement la tête à plusieurs reprises comme pour dire: t'es une vraie toi.
Mais quand elle eut fini de faire son travail, et qu'elle lui annonça le prix de ses achats, Subin se sentit prise de court. Est-ce que toutes ces fringues valaient vraiment autant? Elle pinça ses lèvres et tendit à contre-cœur sa carte de crédit. Par carte, s'il-te-plaît.  Un goût amer se mit à lacérer sa forge, Subin sentait déjà la douille arriver. Elle savait pertinemment qu'elle n'avait pas assez d'argent sur son compte en banque. Cependant sa stupide fierté l'empêchait de rebrousser chemin. Elle voulait impressionner cette petite, étaler sa richesse (inexistante) à cette ancienne fan. Alors elle tapa son code avec détermination. Valida cette requête avec force et honneur; et puis... Paiement refusé. Un ticket criblé de rouge sortit de la caisse, et Subin feint la surprise. Je peux réessayer? Pourtant, elle savait bien que c'était inutile.

dès lors que l'employée fit sa gaffe, le visage de la cliente s'illumina. au moins, s'il y avait encore une part d'hésitation, celle-ci est désormais envolée loin, très loin de là. plus aucun doute possible : dain est en face de cette femme dont la voix à bercer son adolescence et dont elle imitait maladroitement, devant le miroir de sa chambre, les danses. kang subin, connue sous le nom de topaz sky du groupe diam♢nd. la plus jeune en est toute gênée. elle ne l'avait jamais vu d'aussi près. et, même si elle n'est plus dans l'industrie de la kpop, cela reste assez impressionnant. impressionnant de se dire qu'à une époque, elle n'aurait même pas pu l'approcher à une si petite distance sans mille et un gardes de sécurité. alors, c'est intimidée qu'elle scanne les articles. sentant le poids du regard de l'ancienne idole peser sur elle. balbutiant le moyen de paiement avec hébétement, c'est une réponse d'un ton bien plus assuré que le sien qui lui parvient. par carte. le jeune femme tourne alors la machine dans la direction de la cliente, l'invitant à entrer son code pendant qu'elle plie les vêtements pour les glisser dans un sachet.

c'est alors que la machine lâche un biiip bien trop fort à ton goût. si tu ne cherchais pas à avoir un minimum de professionnalisme, le bruit t'aurait fait flancher. commence déjà le jeu des regards intrigués et agacés des gens de la file d'attente, derrière. étrange attirance qu'ont les hommes envers l'imprévu, le problème, le drame. après s'être ressaisi des tiraillements dans son crâne, dain acquiesce. oui, bien sûr, allez-y. dit-elle en guise de réponse. mais, là encore, un échec cuisant. alors que sa boss s'en mêle, dain se masse péniblement le crâne. "il va falloir partir sans les articles, madame." a-t-elle cru entendre à travers sa migraine. "quant à toi, rentre. tu es blanche comme un cachet d'aspirine. je prends le relais." un message lui étant directement adressé tandis que la patronne prend d'ores et déjà sa place à la caisse. voilà qui ne laisse pas trop le choix... sourire navré en direction de l'ex-idole, l'employée s'en va en arrière boutique pour quitter sa tenue de service. flemme intense de se balader avec le logo de la boutique sur une chemise.

désormais à l'entrée, elle retrouve la pierre précieuse dépitée. un faible rire lui échappe alors qu'elle fait une remarque gentiment taquine, comme pour alléger la situation. un "c'est pas grave" à sa drôle de façon. le diamant a perdu ses carats, hm ?
(outfit)

(outfits)C’était ce qu’on pouvait appeler la débandade. A vouloir faire la maline, Subin se tapait finalement la honte. Son paiement ne cessait d’être refusé, et les tickets criblés de rouge étaient débectés par la caisse enregistreuse en un cycle sans fin. A un moment donné, il lui fallut baisser les bras et déclarer forfait. Mais ce fut l'arrivée de la responsable qui lui força la main, l’ancienne idole avait fait perdre bien trop de temps à tout le monde,.
Cette enfilade d’événements furent une claque pour Subin ; elle avait échoué à impressionner davantage son ancienne fan. Pour qui devait-elle la prendre maintenant ? Pour une pauvre fille criblée de dettes, certainement.
Subin resta tant fixée sur son échec, qu’elle ne remarqua même pas à quel point le visage de la caissière avait pâli. Elle était blanche comme un linge, et elle paraissait malade, si bien que la responsable l’autorisa à prendre une journée de congé. Subin ne s’en inquiéta pas davantage, elle ne regarda qu’avec un air ahuri la responsable scannant un à un ses articles pour les remettre en rayon. Un soupir lui échappa ; c’était bel et bien la honte intersidérale.
Dépitée, certes, mais arrogante avant tout, Subin prit le chemin de la sorti en se promettant de ne plus jamais remettre les pieds dans cette boutique. A la porte, elle rencontra à nouveau la caissière qui semblait avoir repris des couleurs. Elle se permit même de lui lancer une remarque acariâtre sur les récents événements. La vie de star n’est plus ce qu’elle était, déclara Subin en haussant les épaules. Cela ne lui servait à rien de se couvrir d’un masque de pseudo-richesse après la comédie qu’elle avait fait à la caisse. Elle pouvait être certaine, qu’après ça, cette fan ne l’oubliera jamais. Tu connais des endroits sympas où je pourrais me fringuer pour pas cher ? Quitte à se taper la honte, autant aller jusqu’au bout. Au moins, cette histoire aura servi à quelque chose.

(outfit) dain ne peut pas prétendre savoir ce qu'il s'est passé, mais, par déduction, elle semble pouvoir dire que les comptes en banque ne sont plus aussi renfloués qu'à la belle époque où la jeune femme brillait sur scène. tous les hauts connaissent les bas. même les célébrités n'y réchappent pas. j'vois ça, se contente-t-elle de répondre face aux mots de l'ancienne idole. mais, vous savez... c'est pas si grave. si l'étudiante à, d'ordinaire, cette fâcheuse habitude de rapidement se montrer familière, elle ne peut s'y résoudre devant une personne qu'elle a un jour fortement admiré. cela serait déplacé, non ? peu importe. elle hausse les épaules en souriant malicieusement, détendant l'atmosphère. c'est pas grave, car, vous voilà juste dans le fabuleux monde des citoyens lambda. vous voyez ? ceux qui doivent vérifier leurs économies pour être sûrs de finir le mois. ça fait peur comme ça, mais, on s'y adapte. elle taquine, elle taquine, mais, elle ne sait même pas si la pierre précieuse est du genre à se vexer. elle le verra, sûrement, bien assez vite.

avant toute chose, dain lui tend une main cordiale, sans perdre de son sourire. je me rends compte que je n'ai pas pris la peine de me présenter. et, si je connais votre nom, je n'suis quant à moi qu'un point dans la foule. im da in. enchantée. se passant une main dans les cheveux, comme si cela allait l'aider à réfléchir suite à la question de son aînée, elle rit en faisant un vague geste dans le vide. si je connais des endroits où se fringuer pour pas cher ? bien sûr que oui ! j'suis étudiante, vous pensez que mon porte-monnaie me permet quoi à part des imitations laides de sacs louis vuitton et des marques à prix discount ? rire aux bords des lèvres, elle se met doucement à marcher, jetant un coup d’œil derrière elle pour voir si la dame suit. je connais une friperie sympa. on y trouve des perles, parfois. suffit d'avoir du flair. le nez en l'air, à regarder le ciel, dain ne sait pas trop quoi dire. au final, elle est assez intimidée. bien qu'elle préférait mourir que de l'avouer. hm... dîtes-moi, si c'est pas indiscret ? que fait topaz sky sur une île paumée au sud de la corée ? j'ai jamais été c'genre de fan bizarre, qui sait tout des idoles. j'ai jamais vraiment su pourquoi votre carrière s'est terminée si soudainement, du coup.