Noir. Silence. Vide. Un pas résonne dans la salle, lent, contrôlé, penseur. La lumière s'alluma, révélant un studio bien vide, même si la lumière était, il n'y avait pas d'âme dans cet endroit. Juste le jeune Chinois, errant dans la salle, marchant lentement en ligne droite. Il se regardait dans ce miroir en face de lui, continuant ses pas. Un par un. Puis. Stop. Au centre de la salle. Il se tourne vers le miroir pour se regarder droit dans les yeux. Qu'es-tu devenu Liu Mingjun ? Adam. Tu es devenu Adam y a deux ans. Adieu la vie de luxe, la richesse, la vue de haut sur ce monde de pathétiques péquenauds. Aussi triste que ça peut paraître, tu as dit Adieu aux études que tu ne voulais pas faire pour rester sur ta passion : la danse, et c'est l'important. Il ne te restait presque que ça de ton ancienne vie après tout. Il n'y avait plus ta famille, ce prénom maudit, cette demeure qui t'ennuyait... Les yeux regardant autour de la salle, cherchant une présence humaine, mais rien. Rien d'autre que lui. Seul. Certaines choses ne changent pas. Il avait très souvent été seul. Il se sera encore aujourd'hui. Les autres ? Un était parti de l'île, l'autre avait réussi à atteindre son rêve. Lui cherchait encore sa voie. Briller seul comme il le veut, ou briller juste par sa danse, mais par tous les moyens possibles. Il ne savait pas encore. Était-il encore digne de briller seul sur scène ? Et comment pourrait-il faire ça ? Chorégraphe c'était bien, mais personne d'autres le verrait, et s'il rejoignait un crew, il serait mélangé à d'autres, il ne brillerait pas seul. Il était là. Seul. Indécis de ce qu'il voulait faire.
C'était l'un des plus grands problèmes du jeune homme récemment. Il l'avait rarement était, mais aujourd'hui il ne pouvait pas se décider sur ce qu'il voulait réellement. Peut-être aurait-il dû suivre les conseils de sa mère en allant prendre de grandes études au lieu de la danse, il aurait pu se sécuriser un métier plus sûr et mieux payer que ce pour quoi il cherchait. Mais non, têtu comme une mule depuis sa naissance. C'était une autre chose qui n'avait pas changé. Il voulait danser, il allait danser, point final. Veste enlevée, jeter dans un coin de la salle comme à son habitude, quelques étirements, sans musique, sans rien, seulement grâce au pouvoir de son imagination. S'imaginer une scène, seul, avec des lumières, un public et une musique qu'il aimait, à faire ce qu'il fait de mieux, danser. Et le voilà qui dansait dans le plus grand des silences, comme si sa vie en dépendait. Chaque pas était calculé aux millimètres près, des pieds au bout des doigts, grâce et énergie, émotions et précision, il était dans son élément. Il se demandait comment il avait vécu tout ce temps sans la danse, bien qu'il ait commencé plutôt tôt dans sa vie, mais comment auparavant faisait-il. Qu'est-ce qui le tenait en vie ? S'occuper de son petit frère ? L'amour de sa mère ? Être le petit roi partout où il allait ? Devoir être parfait ? Il n'en avait aucune idée. Mais quand il pensait à son enfance, ce garçon hautain, mais protecteur malgré tout des plus faibles, il avait bien changé de ce côté. Aujourd'hui, c'était la loi du plus fort, tuer ou être tué, la chaîne non pas alimentaire, mais de la vie. Il pouvait voir quelqu'un au sol, s'il l'aidait, il en connaissait les conséquences. Tout allait se retourner contre lui, encore. Il en avait eu assez d'être le bon parmi les cons, il avait mis un stop, même si ça voulait dire qu'il deviendrait une personne sans le moindre cœur.
Un pas de travers, il s'arrêta automatiquement. C'était ça le problème. Il n'était pas encore parfait. Tout le monde autour de lui avait réussi, mais pas lui, parce qu'il n'était pas parfait. Il était comme tout le monde. Pitoyable. Un bon à rien qui se plaint des autres alors qu'il n'était pas mieux qu'eux. Il se laissa tomber au sol, les yeux rivés au plafond, et regrettait directement ce geste, mais c'était trop tard. Il aura un autre hématome au dos et voilà. Qu'est-ce qu'il manquait, pourquoi avait-il pas trouvé son bonheur ? Le silence fut rompu par autre chose que ses propres gestes, un frappement à la porte. Il n'eut aucune envie d'ouvrir, alors il resta au sol, à fixer la porte, soufflant tous ses poumons. Il ne pouvait pas être tranquille une fois dans sa vie ? Il fallait que quelqu'un le fasse chier. Mais il fallait être un minimum... Présentable. Il s'assit en tailleur au sol avant de dire haut et fort pour qu'on l'entende à travers la porte : « C'est ouvert. » De la voix la plus enjouée possible comme d'habitude. Les intrus l'énervent, ce n'était pas nouveau.