C'était toujours gênant, ce genre de situations. Et c'était toujours tellement délicat... Parce qu'il ne savait jamais, Jihan, s'il ne faisait qu'abuser ou s'il avait raison. Sa tête lui disait qu'il en faisait trop, que personne n'avait rien contre lui. Pas pour le moment du moins. Tandis que sa peur lui susurrait tendrement toutes ces choses affreuses qui lui faisaient perdre la tête. Il était comme ça, Jihan. Il suivait bien trop sa peur pour être raisonnable, pour se raisonner. Il se noyait bien trop dans sa peur, et c'était elle, qui en abusait.
Arquant finement un sourcil, il ne commenta pas, restant muet. Si cela ne l'effrayait pas lui, tant mieux. Il pouvait aller et venir convenablement où bon lui semblait. Il en était ravi pour lui, Jihan, sans aucune ironie. Sauf qu'à son contraire, le mannequin était effrayé quand on le suivait depuis un peu trop longtemps. Si effrayé qu'il avait tendance à accuser la personne d'un peu tout et n'importe quoi en espérant qu'elle fasse demi-tour ou qu'elle change de trottoir en partant loin devant. Se pinçant férocement les lèvres, il grimaça, refusant d'admettre qu'il avait certainement un peu raison, dans le fond. Mais en même temps, n'était-ce pas ce qu'un homme mauvais chercherait à lui faire croire ? N'était-ce pas ce qu'on voudrait lui faire croire ? Soufflant doucement, il passa rapidement sa main sur son visage, exaspéré, paumé. «
Mais... », commença-t-il, presque désespéré. Et s'il était encore en âge de le faire, il taperait certainement des pieds en pleurant. Hors il ne pouvait pas, Jihan. Il avait une image à tenir, et surtout il était un adulte – on aurait pu le prévenir, d'ailleurs, que c'était ça être adulte... Parce que ça craignait, jusque là. Et il n'y comprenait pas grand chose, honnêtement.
«
Vu mon état ? Ca veut dire quoi ? », il fronça les sourcils, les lèvres pincées, comme s'il essayait de regagner une quelconque autorité, une quelconque once de méchanceté, pour effrayer. Mais à part effrayer son ombre, il effrayait, Jihan. A nouveau, il plissa les yeux, dubitatif. C'était normal de douter de la parole d'un inconnu, non ? A force il ne savait plus trop qui croire cela dit...
Sursautant faiblement, il recula, observant le jeune homme dans un moue sceptique et totalement paumée, ne comprenant absolument pas ce qu'il était en train de faire. Il étalait ses objets sur le sol, ça Jihan le voyait bien, mais pourquoi ? Il le fixa, longuement, sans rien dire, attendant les explications et les écoutant attentivement. Ses iris détaillèrent chaque objet sur le sol, comme s'il essayait de les ancrer dans sa mémoire. «
Pourquoi tu traînes dehors si t'es malade ? Faut te remettre au lit », et c'était qui qui le retenait de le faire, hein ? Et pourquoi il l'engueulait ? C'était un personnage à part, Jihan. Très à part. «
... je suis super crédible... », marmonna-t-il, les mains accrochées à son pull, une mine un brin boudeuse au visage. Il essayait de se convaincre mais ça ne fonctionnait pas – il n'essayerait pas de convaincre son interlocuteur, il n'allait pas se donner cette peine ça ne marchera pas il le savait. «
J'ai... », souffla-t-il, quelque peu déconcerté par la question, ne s'y attendant pas vraiment. Il le regarda à nouveau, clignant des paupières, bougeant les lèvres sans qu'aucun son n'en sorte. Il remua quelque peu le visage de gauche à droite, comme un gamin perdu. «
Je ne sais pas », dit-il, relevant les yeux vers lui. Peu importait ce que l'autre pouvait lui dire, lui montrer, il doutera forcément toujours, Jihan. « Je crois que je douterais tout le temps », qu'il ajouta dans un bref mouvement d'épaules. Il pointa les objets sur le sol. «
Tu devrais tout ramasser avant qu'on te pique un truc et... rentrer te coucher... si t'es malade ? », il grimaça quelque peu, reculant encore, se calant contre un mur comme pour se sentir un peu plus en sécurité. «
Vas-y », il indiqua vaguement la rue.
Il le laissait partir, rentrer chez lui. Ca ne servait à rien de le garder là. Sa peur ne serait pas calmée de toute façon. Il allait attendre ici que ça passe, qu'il se calme, que sa respiration soit moins bruyante. Et... il prendrait un autre chemin pour rentrer, du coup.