i wanna play with you.

à l'arcade,


Elle entend leur petit rire sournois et mesquin. Elle sent leur regard jugeant et moqueur. Mais elle ne dit rien. Elle se tait. Parce que c’est plus facile et mieux ainsi. Même si au fond, elle aimerait se révolter, elle aimerait leur dire d’arrêter. Oui elle aimerait, mais elle n’y arrive pas. Ce n’est pas qu’elle soit faible, impuissante, ou même soumise, c’est juste qu’elle préfère le silence à la confrontation car de toute manière le résultat va être le même. Et puis elle ne veut pas être blessée. Pas encore. Elle est bien trop lassée pour souffrir davantage. Elle a bien trop subi pour subir encore. Elle prend ses écouteurs et les place dans son oreille, posant son front contre la vitre du bus, pour oublier. Oublier ce monde. Oublier tout ça. Elle ferme les yeux et s’en va ailleurs, créant sa bulle réconfortante et apaisante. Son cœur se fait plus léger, son âme aussi. Elle est en paix, ou du moins, elle tente de l’être, du mieux qu’elle peut. Les minutes passent et la musique la berce, mais son esprit, lui, reste malgré tout en alerte, son sac serré contre son ventre. Elle ne sait pas ce qui peut arriver. Elle ne sait pas ce qu’ils peuvent lui faire. Et puis elle arrive, enfin, à destination, sortant rapidement du bus, par crainte de se faire suivre. Elle se retourne rapidement, vérifiant par réflexe s’ils ne sont pas là, mais il n’y a personne. Et elle se décrispe. C’est dur d’être en perpétuelle alerte. C’est dur de vivre ainsi.

La journée passe, avec les mêmes regards rivés sur elle, et quelques bousculades, maladroites, il parait. En fin d’après-midi, elle ressent le besoin soudain d’extérioriser toute cette frustration. De se défouler, pour mieux oublier. Alors elle s’en va rejoindre la seule personne qui peut la comprendre. La seule qui n’a besoin que d’un regard sans forcément parler. Xue. Son fidèle ami. Ce garçon qui subit les mêmes choses, dans le plus grand des silences. Comme elle. Mais lui subit bien plus qu’elle, parce que désormais elle est à l’université et que ça change. Les personnes deviennent plus matures, mais pas toutes et pas toujours. Elle part donc le rejoindre, après lui avoir envoyé un message pour savoir où il était, se sentant déjà apaisée quand elle voit sa silhouette, au loin. « Xue ! » elle s’approche doucement, sourire aux lèvres, sa tête penchée en avant pour croiser son regard alors qu’il est assis. «  Tu veux pas te défouler Xue ? » dit-elle d’une voix hésitante.

i wanna play with you.

à l'arcade,



Ils se sont encore croisés aujourd'hui. L'angoisse a alors entouré les entrailles du Chinois, les assiégeant jusqu'à qu'il se sente mal. Il a vu son regard le transpercer et senti son esprit le battre avec vigueur. Mais Xue a sourit à son assaillant, encore une fois, un rictus qui ne peut plus s'empêcher d'apparaître. Et quand la menace s'est approchée de lui, il l'a accueillit avec une chaleur feinte, un effroi dissimulé, une... perturbation étrange. On ne l'a pas frappé aujourd'hui, mais c'est à son mental qu'on s'en est prit, on l'a suivi, injurié, on s'est moqué et comme d'habitude, Xue a fermé son esprit pour s'empêcher d'entendre. En cours, le brun n'a rien écouté, trop sensible, il avait tenté de garder un visage simple et ne reflétant aucune émotion. Il avait joué avec la pointe aiguisée de son crayon, oubliant le temps d'un instant qu'il avait été entouré d'autres jeunes. La pointe, il l'avait enfoncé au plus profond qu'il avait pu à l'intérieur de sa main. Douce violence, lente douleur, souffrance lancinante. Il s'était senti un peu mieux après.

Maintenant, il attend, ce même crayon en main, mais la pointe malmène la feuille blanche de son carnet à croquis cette fois. Il reproduit la scène qui se déroule face à lui ; des jeunes qui s'énervent contre ces machines perfides où il faut dépenser des mille et des cent pour attraper une peluche. Il oublie le temps et sursaute quand son... amie, oui son amie Boyeong vient le saluer. Le brun redresse le visage vers elle et lui offre un sincère sourire quand il la voit. « Oui, beaucoup ! » Il range son carnet dans son sac à dos et se redresse avant de plonger ses longues mains dans ses poches. Ils entrent dans une salle où plusieurs console de retrogaming n'attendent qu'eux pour jouer. « Street fighter ? » propose-t-il avant de s'installer devant une machine, insérant une pièce avant de prendre son côté de Joystick entre ses mains. « Je suis fort à ce jeu. » ment-il, mais il a toujours voulu essayer de se vanter, juste pour rigoler, parce qu'il a cru voir que c'est ce que font les amis quand ils s'amusent ensemble.

i wanna play with you.

à l'arcade,


Elle est contente. Contente parce qu’il accepte de la suivre pour se libérer, lui aussi, de toute cette tension sociétale qui pèse sur les pauvres épaules si frêles. Ils n’ont pas de chance tous les deux car ils sont un peu comme les déchets de la société. Une société qui ne désire pas d’eux, ou du moins qui les malmène pour leur faire comprendre qu’ils ne sont pas les bienvenus sur cette terre. Bo Yeong se surprend encore, parfois, à se dire qu’elle n’a jamais tenté. Tenté de mettre fin à sa vie, définitivement. Mais elle est forte Bo Yeong, du moins elle essaye. Et puis pourquoi gâcher sa vie pour des personnes si insignifiantes qui ont juste besoin d’être rassurés, en passant par la persécution. «  Yah ! » s’exclame-t-elle soudainement, sortant de ses pensées obscures. «  Ce n’est pas juste si on joue à un jeu où tu es fort. C’est un mauvais équilibre de compétence », elle fait mine de faire la tête, avec une petite mine boudeuse, mais se reprend rapidement. A vrai dire elle est heureuse de pouvoir partager ce moment avec lui. Qu’il soit fort ou non à ce jeu, l’essentiel est que tous les deux en profitent et puis, ça a l’air d’être un jeu de combat, ce qui est certainement un excellent choix au vu de leurs situations respectives. « Testons alors il a l’air marrant ». Elle se place à ses côtés, la manette en main, prête à tout défoncer. Et dès la première partie la jeune fille se déchaîne, donnant des coups abrupts contre la manette, s’énervant presque contre la technologie. «  Vas-y que je me décharge totalement », elle se met presque à crier, poussant des petits cris, surprise parfois par les attaques de son adversaire. Dès le premier tour il la bat. «  De toute manière je suis nulle pour me battre », elle s’est défoulée, certes sur des personnes virtuelles mais au moins elle peut reporter toute sa frustration sur autre chose. «  Je demande une seconde partie pour me venger ». Elle lui fait un sourire et sans attendre sa réponse met les pièces à l’intérieur, débutant le second tour. «  Ta journée s’est bien passée ? », question banale dont elle connait la réponse. Même s’il lui dit que oui, elle sait que non, mais c’est juste une formule entre eux. Une formule magique qui en dit beaucoup plus.