Le carmin avait fini par dévorer les fibres immaculées, il ne restait plus vraiment de zones dénuées de la moindre souillure. La vitae qui avait jusqu’à présent été détenue précieusement dans ces tubes imperceptibles, s’extrayait à présent au travers de mon épiderme à l’image d’un tableau d’art moderne. Et moi qui avais pensé qu’il ne s’agissait que d’une égratignure, que je serais capable de traiter moi-même, me rendait à présent compte, bon gré, malgré, qu’il n’en était rien en réalité. Je n’avais rien vu venir, je n’avais rien ressenti, tout, c’était déroulé en un éclair. En un battement de cils, je me retrouvais à présent de nouveau dans ce lieu, celui que j’avais appris à détester au fil de mon existence. J’avais la sensation d’avoir beaucoup trop visité cet endroit, que cela soit avec ou sans mon consentement, que cela soit à cause d’une “mauvaise chute”, lorsque j’étais enfant ou alors de la recherche d’une solution afin de quitter cette île. Il n’en résultait pourtant que la même réponse, aucune. Jamais cet endroit ne m’avait aidé à trouver de quelconque réponse, une paix quelle qu'elle soit. L’odeur me rendait nauséeuse, les expressions torturées me rendaient nerveuse, l’incertitude me donnait envie de tourner les talons et m’en aller, mais c’était impossible, pas avec mon meilleur ami à mes côtés, qui en bon témoin de ce qui s’était passé, me gardait à l’égale d’un Cerbère.

Lorsque vint mon tour et que j’ai pénétré dans cette pièce isolée, où une table d’analyse trônait, j’ai sentis ma nervosité grimper d’un cran. J’ai néanmoins gardé la tête froide, alors que je grimpais sur cette dernière, avant de défaire lentement le bandage de fortune qui entourait mon bras. Le sang ne coulait plus, mais la chair rouge et meurtrie de cette blessure fraîche et somme toute assez profonde, qui s’étendait du creux de mon coude à la naissance de mon poignet, m’attestait que c’était bien plus qu’une simple éraflure. Je fus tentée d’appuyer, résolument plus effrayée par la perspective de souiller mon jean clair, que celle de souffrir. Lorsque la porte de la petite pièce s'est ouverte sur lui, je l’ai observé avec une certaine surprise. Cela faisait plusieurs mois après tout.

-”Vous êtes le type aux aiguilles…. Celui qui me faisait mes piqûres… Que faites-vous là ?”

Sans y faire attention, j'ai rapproché mon bras de ma personne en signe de protection, méfiante. Je détestais les aiguilles en dépit de mes nombreux tatouages.