Allongé sur le sol, au beau milieu de cette pièce vide mais pas moins lumineuse, se trouvait Min Yeol et sa toute dernière acquisition en date. Il ne s’agissait pas d’une nouvelle moto ou du dernier smartphone en vogue. Cette fois-ci, il avait vraiment agit sur un coup de tête... Mais à quoi bon réfléchir, alors qu’il pouvait tout s’offrir ? Entre son côté dépensier et son trouble obsessionnel - pouvant le pousser à dérober tout ce qui lui appartenait pas - rien n’était jamais en mesure de le dissuader de le faire ! D’une part, parce qu’il en avait les moyens. Mais aussi, parce qu’il était incapable de se contenir. Entre les deux options qui s’offraient à lui, Min Yeol préférait bien évidemment la seconde. Voler les biens d’autrui était un délire qu’il ne s’expliquait pas. Il savait mieux que quiconque que c’était mal, mais cela ne l’empêchait jamais de continuer… Même si face à certaines personnes, ou certaines situations, le jeune homme se sentait désolé et honteux avant même de commettre le délit.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, sa famille avait toujours appartenu « la haute bourgeoisie ». Son père, tout comme sa défunte mère. Un milieu social qui comportait bien des avantages, mais aussi de terribles inconvénients, souvent d’ordre professionnelle. Posséder un empire impliquait aussi de lourdes responsabilités… Et sur ce point, c’était son frère aîné qui devait le plus morfler. C’était lui, le bel héritier que tout le monde admirait… mais que Min Yeol plaignait. Sa position de petit dernier avait semble t-il joué en sa faveur, car à sa place, il n’aurait jamais supporté un tel fardeau et voir sa vie dictée par des règles et des obligations. Min Yeol était ce vilain petit canard, méprisé par une grande partie des siens… On lui avait collé l’étiquette du bon à rien qui passait ses journées à part flâner et à se prendre en selfie. Exposer son bonheur, ainsi que sa richesse à la vue de tous… Tout cela était en partie vraie, et pourtant… Malgré les apparences, le coréen n’était jamais totalement satisfait. Il avait beau détester ceux de son milieu et agir comme bon lui semblait… Il était au final la représentation de ce que ces gens disaient de lui. Même en étant plein aux as et suivi par les plus talentueux médecins, Min Yeol restait instable à bien des niveaux…

Sa vie devenait un peu n'importe quoi. Entre ses sentiments pour sa demi-frangine, ses conflits perpétuels avec son père, son frère aîné… Et puis, il y avait l’anniversaire de la mort de sa mère qui approchait… Etait-ce la raison qui l’avait poussé à acheter un local vide, en plein cœur de Seongsan ? Une belle folie qui ne lui servait strictement à rien, puisque dans les faits, il n’avait jamais eu pour ambition d’ouvrir un commerce. Pour cela, il faudrait déjà qu’il se décide à faire réellement quelque chose de ses journées… Qu’importe le rang dans lequel on appartenait, la galère restait la même. Et il se souvenait seulement maintenant que sa mère avait toujours rêvée d’ouvrir un petit café sur Seongsan. C’était différent de Seogwipo. Le charme du traditionnel était présent à chaque coin de rue… Si elle n’avait pas été contrainte de n’être que l’épouse d’un puissant dirigeant, sûrement aurait-elle pu réaliser ce rêve… Au moins, elle en avait eu un.

Citation :

SMS: J’peux pas t’obliger à sortir… Mais tu sais que j’ai pas bougé depuis le texto de ce matin ? J’vais bientôt mourir de déshydratation si tu viens pas… Allez Taek, ramène-toi ! Faut vraiment que j’te montre un truc… Puis t’as vu le temps qu’il fait dehors ? Allume ton GPS et viens à l’adresse que je t’ai envoyé ! Tu le regretteras pas… Ah. Et prends un truc à boire, et à manger ;)

Depuis plusieurs minutes, le jeune homme tentait d’amadouer ce cher ami avec tout l’humour et le culot qui le caractérisait si bien ! Il s’était souvenu qu’ils ne s’étaient pas parlé depuis un moment. Depuis son départ pour Berlin, justement. Et même s’il ignorait pourquoi il l’embêtait lui, plus qu’un autre, le fait est qu’il avait énormément envie de voir Hyuntaek ! Et lorsque Min Yeol désirait quelque chose, il l’obtenait toujours. En achetant, en dérobant, ou en se la jouant subtilement attachiant.

C’était si facile pour lui, de se lier aux autres. Encore plus facile lorsque l’on a connaissance de son compte en banque. L’argent pousse sur la sympathie, sur l’hypocrisie… L’argent, en somme, est dangereux. Et c’est bien pour cela que Minyeol ne l’évoque ô grand jamais. Il omet bien souvent de le préciser mais il ne le cache pas non plus, notamment lorsqu’un caprice se fait ressentir. Avec Hyuntaek, ce n’était pas bien compliqué. Il ne lui avait jamais caché son statut social mais il ne s’était pas non plus présenté comme étant le fils d’un PDG. Son père n’avait strictement rien eu à voir avec l’atelier culinaire. Au lieu d’une jolie fille, il avait fait la rencontre de ce hyung au caractère très opposé au sien. Une différence d’âge qui ne les avaient pas non plus empêché de former un binôme – certes très médiocre – mais un binôme quand même, en plus d’échanger de francs moments de rigolades !

Pour sur, si la cuisine ne faisait pas des merveilles avec tout le monde, elle avait au moins le mérite de rapprocher les gens ! Et il n’en fallait pas non plus énormément pour Minyeol, pour apprécier une personne. S’il donnait bien souvent l’impression de s’attacher vite, il n’accordait en réalité sa confiance qu’à une poignée de personne. Dans le cas de Hyuntaek, il était encore bien tôt pour se prononcer, et il ne se posait pas franchement la question. Advienne que pourra. La seule chose qu’il pouvait attendre de lui était un signe, une réponse qu’il espérait positive, quant à sa présence plus au moins imminente. Mais d’après les minutes qui ne cessaient de défiler, il était plutôt bien parti pour périr seul, au milieu de cette pièce vide… Et la chaleur des premiers beaux jours ne manquerait pas non plus de le faire délirer ! A part penser à des choses stupides, le jeune homme n’avait rien d'autre à faire !

Et lorsque les premiers coups retentirent dans l’habitacle, il lui fallut bien un léger temps de réaction avant de rouler le long du sol – sans raison précise – mais dans une sorte de cri de délivrance, puisque cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Se tournant à plusieurs reprises pour recouvrir sa place initiale, le coréen se hissa du sol dans un mouvement las. L’air de rien, avec un sourire un peu con sur le visage, il se rua en direction de la porte d’entrée et se révéla d’autant plus surprit de retrouver le plus âgé avec le nécessaire vital à leurs survis, bien qu’il l’ait suggéré… Il ne s’était pas imaginé que Hyuntaek l’aurait vraiment fait. Et le voir en chair et en os lui fit doublement plus plaisir alors qu’il osait un rapide coup d’œil à l’intérieur du sac pour en jauger l’exactitude de sa contenance, l’estomac encore plus sur les talons. D’un air satisfait, le blondinet lui adressa une tape amicale au moment de se pousser pour le laisser entrer. « Ohh génial ! Ça excuse bien l’attente. Allez, ramène-toi à l’intérieur. » s’exclama t-il sans plus de cérémonie. Il fallait dire qu’il était plutôt fier de sa trouvaille malgré le manque d’information, qui ne tarderait pas à venir…

Pour l’heure, manger semblait une priorité, malgré l’absence d’une table et de couverts… « Bon, euh. A la guerre comme à la guerre. Faudra qu’on mange par terre... » C’était idiot mais il n’avait absolument pas pensé à ce détail ! Mais quel crétin il faisait… Et pour autant, le rire qu’il déploya le conduisit à se saisir des provisions que Hyuntaek détenait encore, pour les disposer à même le sol. A la bonne franquette ! Il pouvait surtout remercier son ami d’avoir pris à emporter, avec tout le nécessaire pour manger un minimum décemment sans en foutre partout. Nourritures et boissons dispatchés devant eux, le jeune homme croisa ses jambes en tailleur avant de se saisir de l’une des canettes qu’il tendit à son ami. Son sourire ne l’avait jusqu’alors, pas encore quitté. « Alors, plutôt cool comme endroit non ? Je viens tout juste de l’acheter, mais je sais pas encore à quoi il va me servir… T’aurais une idée ? » Non, la question n’était en rien anormale venant de lui. Si telle était le cas, Hyuntaek s’y habituerait bien assez vite, parce qu’il était du genre à foncer et à réfléchir seulement après ! « T’avais pas envie d’ouvrir un commerce ? Franchement, si le local te plais, je te le donne. » Offre dignement stipulée, comme s’il s’agissait de la pluie et du beau temps. L’air de rien, le coréen croqua dans un morceau de son poulet frit.