Famille Yeom, sa famille biologique




31 octobre 1991,
> 15h58 Premiers cris poussés par Yeom Ah Ra. Parents heureux, soupirs de soulagement, rires. Bref, tout ce qui ressemble à un accouchement réussi. Ah Ra ne se souvient évidemment pas de ce jour, mais l’amour de ses parents pour leurs enfants, elle l’a ressenti tous les jours qu’elle passait avec eux. En revanche, pour ce qu’il en était de l’amour entre son père et sa mère, Ah Ra n’en n’était pas aussi sure.


12 novembre 1994,
> 16h32 L’heure du goûter. Maman avait préparé des pancakes spécialement pour Jae Joon et Ah Ra. Ils se chamaillaient tout le temps, son frère et elle, mais ils étaient au moins d’accord sur le fait que ce moment était réservé à apprécier les douceurs de maman. Assis sagement l’un en face de l’autre, ils attendaient que leur gourmandise soit satisfaite par ces crêpes épaisses. Maman était dos à eux, elle finissait de déposer les fraises qui formaient les yeux du pancake, laissant les enfants impatients de déguster leur goûter. C’est à ce moment-là que la cadette ressentit une gêne au niveau de sa vue, comme si un stroboscope venait lui agresser les yeux. Elle ferma fort les yeux, les rouvrit, mais la lumière intermittente qui s’imposait à elle ne la quittait pas. Ses yeux restèrent alors grand ouverts pendant plusieurs secondes, fixés vers la table, elle-même ne bougeant pas. Elle crut discerner parmi cette lumière, maman et papa ? FLASH. Un couteau. FLASH. Jae Joon. FLASH. Une maison. Puis plus rien. Son regard se remit à bouger, croisant celui de son frère, qui la dévisageait avec étonnement. Ah Ra se frotta les yeux, ne comprenant pas bien ce qu’il venait de se passer, mais ses questionnements furent vite arrêtés, maman avait enfin fini de préparer leur goûter, et très vite les cellules nasales de la gamine furent happées par l’odeur sucrée.

> 21h19 Tout le monde était au lit. Ah Ra détestait ce moment où il fallait aller dormir. La petite veilleuse que ses parents avaient mise dans sa chambre l’aidait à lutter contre sa peur du noir, mais elle n’empêchait pas ses oreilles d’entendre les disputes de ses parents. Ce soir, c’était une très grosse dispute. Elle avait un peu plus peur que d’habitude, parce que ses parents criaient et claquaient les portes des placards. Elle avait essayé de faire comme son frère lui avait dit, serrer son doudou et lui confier ses peurs, mais ce soir-là ça n’avait pas marché. Elle s’était alors dirigée vers la chambre de Jae Joon, et il l’avait autorisée à venir dans son lit en attendant que la dispute s’arrête.

> 21h58 La dispute était de plus en plus forte, et maman menaçait papa de prendre les enfants pour partir de la maison. Papa essayait de la calmer, mais ça ne marchait pas trop, et ni Ah Ra ni Jae Joon ne voulaient partir de là, surtout qu’il faisait déjà nuit dehors. L’aîné décida alors d’aller voir les parents, pour essayer de calmer le jeu, parce qu’il était grand quand même et que peut-être que maman l’écouterait. Il ordonna à Ah Ra de rester dans sa chambre jusqu’à ce qu’il revienne, de l’attendre ici parce qu’elle était trop petite pour aller voir. C’est toujours le même argument qu’il ressortait, soi-disant elle était trop petite, mais elle ne l’entendait pas comme ça. Elle avait un petit frère, et maintenant ce n’était plus la petite de la famille, elle était grande maintenant. Dès que son grand frère sortit de la chambre, elle le suivit sans faire de bruit. FLASH. La lumière du stroboscope lui revenait. Elle sentait que quelque chose de mauvais allait arriver. FLASH. Sans savoir comment, elle se retrouva dans la chambre de Joon Ho. Elle le prit dans ses bras et courut vers la porte d’entrée. Elle était pieds nus, elle ne savait pas où elle irait, mais elle savait qu’elle devait partir d'ici, le plus vite possible.

> 22h06 Ah Ra sonna à la porte de cette grande maison. C’était la maison qu’elle avait vue quand la lumière l’avait aveuglée tout à l’heure au goûter. Le couple qui lui ouvrit l’avait laissée rentrer avec son frère dans ses bras, en même temps, ils ne pouvaient pas faire grand-chose d’autre. Elle leur avait expliqué qu’elle et son frère étaient en danger, que son grand frère, lui, était toujours dans la maison et qu’il fallait absolument aller le chercher. C’est seulement quand les flics ont débarqué chez ce fameux couple qu’Ah Ra sût que du haut de ses trois ans, elle avait sauvé la vie de son petit frère. Elle avait aussi laissé son grand frère tout seul là-bas, et maintenant il était mort, et papa aussi était mort, parce que maman les avait tués. C’était sa faute s’ils était morts, et c’était sa faute aussi si elle devenait la grande sœur maintenant. Alors quand on lui a proposé que le couple garde le bébé, tandis qu’elle devrait partir dans une autre famille pour protéger son frère, elle a dû être forte et accepter. Pour son frère.

Famille Park, sa famille adoptive




TW VIOL

6 juin 2008
> 17h45 Son rythme cardiaque s’était accéléré quand leur peau nue étaient entrées en contact, quand il l’embrassait si tendrement et qu’il plongeait ses yeux dans les siens avec amour. Elle avait envie d’aller plus loin. C'était son premier vrai copain, le premier de qui elle était réellement tombée amoureuse. Elle en avait envie, elle avait envie que sa première fois soit avec lui, mais elle ne pouvait pas. BORDEL. Passe au-dessus Ah Ra, ça fait six ans maintenant que c’est fini, remets-toi avant qu’il ne se lasse de toi et te quitte. « Arrête s’il te plait » souffla-t-elle. Na Jun releva la tête pour mieux la voir, mais Ah Ra ne pouvait soutenir son regard. Il laissa son corps retomber sur celui de la jeune femme, raidi, posa sa tête sur l’épaule d’Ah Ra et soupira « Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai fait quelque chose de mal ? » Elle tenta de le pousser sur le côté, mais il était trop lourd. Elle le sentait tout près d’elle, elle sentait qu’il en avait envie, elle sentait qu’il pourrait lui faire ce qu’il voulait s’il le souhaitait. Elle n’avait pas envie de le rassurer lui à ce moment-là, tout ce dont elle avait besoin elle c’était qu’il parte. Son corps se mit à trembler, elle se revoyait dans cette même position, trop petite pour s’échapper. « Enlève toi putain tu m’étouffes » cria-t-elle en le frappant sur ses bras. Surpris par une telle violence, Na Jun roula rapidement sur le côté. « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Parle-moi s’il te plait ». Elle n’avait pas envie d’en parler, elle avait juste besoin qu’il s’en aille, que sa peau nue soit à nouveau étouffée dans ses vêtements, que ses récepteurs cutanés ne sentent plus la chaleur de son partenaire. Qu’elle soit seule dans son lit, seule dans sa chambre, seule. « Rentre chez toi s’il te plait, je t’appelle plus tard »

> 21h30 Roulée dans ses draps en regardant Friends sur Netflix, Ah Ra se changeait les idées comme elle pouvait. Elle n’avait pas envie d’y repenser, ni de s’expliquer auprès de Na Jun. Elle lui avait simplement envoyé un sms pour lui dire qu’elle était désolée et que ça ne se reproduirait plus, puis avait éteint son téléphone, sachant pertinemment qu’il ne se contenterait pas de ce message. Elle verrait plus tard quelle excuse elle lui sortira une fois le weekend passé quand ils se verront au lycée. Sans grand étonnement, elle n’avait pas mangé avec ses parents, leur sortant pour excuse qu’elle avait la gastro. Casque sur les oreilles, elle se plongeait dans sa série en espérant pouvoir chasser les mauvais souvenirs. Vers 21h45, elle entendit ses parents parler dans le couloir. Bizarre, ils ne recevaient jamais personne à cette heure-ci habituellement. Elle enleva son casque et tendit l’oreille. Ah Ra reconnut directement à qui appartenait la voix. Ses poils se hérissèrent, sa gorge se noua, laissant difficilement passer sa salive, et les larmes qu’elle avait retenues jusque-là lui montèrent aux yeux. Elle se mordit la lèvre inférieure, gratta ses ongles nerveusement, et pria pour qu’il ne rentre pas dans sa chambre. Apparemment, son frère adoptif était rentré pour le weekend, faisant une surprise à ses parents. Habituellement, elle se débrouillait toujours pour ne pas être chez ses parents quand il rentrait, mais il en avait décidé autrement. De toute façon, il ne lui a jamais demandé son avis avant quand il venait dans sa chambre pour « jouer avec elle », ce n’est pas maintenant que ça changera.

Aujourd'hui




Assise dans sa chaise longue sur son grand balcon, Ah Ra sirotait un Martini avec pour fond le bruit des vagues. La pleine lune de ce soir éclairait fortement la plage sur laquelle elle avait une vue directe depuis là-haut, et le reflet du satellite dans l’immensité de l’océan l’hypnotisait. Ca lui rappelait également à quel point elle se sentait seule sur ce grand balcon, seule dans cet appartement trop luxueux. L’héritage qu’elle avait touché de son père biologique lui avait permis d’investir rapidement, et par conséquent de faire gonfler son compte en banque. Elle le remerciait pour ça, mais elle était attristée de ne le partager avec personne. Joon Ho… La jeune femme prit son téléphone, mais se força à ne pas aller le stalker sur les réseaux sociaux. Elle regarda dans sa messagerie pour voir si elle n’avait rien reçu de ses conquêtes de la semaine, mais elle ne fût pas étonnée de n’avoir eu aucun message. La blonde balança son téléphone sur la table où trônait la bouteille de Martini, et se força pour ne pas s’en resservir un quatrième verre.

Elle reprit finalement son téléphone, et entra dans la barre de recherche Yeom Joon Ho. Toujours les mêmes articles qui dataient de 1994, sur le nourrisson perdu et non retrouvé. Elle était l’une des seules à savoir ce qui s’était réellement passé, et qu’il s’appelait désormais Han Li Wei. Sans doute était-ce l’alcool, mais elle s’autorisera à aller regarder sur son compte Instagram pour la première fois en trois ans. Elle n’avait pas le droit de rentrer en contact avec lui, c’était dans les règles qui avaient été définies, et pourtant elle en mourait d’envie. Elle voulait qu’il sache qu’elle était là, qu’elle l’a toujours aimé et qu’elle ne l’avait jamais oublié. Les larmes lui montèrent aux yeux. Certainement que la solitude et l’alcool n’aident pas pour ce genre de choses. Ah Ra finit par laisser ses émotions l’envahir. Sa respiration était devenue saccadée, son cœur avait accéléré, sa mâchoire s’était resserrée, et les sanglots vinrent la surprendre plus vite que ce qu’elle n’avait pensé. Elle resta sur son balcon pendant plusieurs minutes, à pleurer pour tout ce qui lui faisait mal sur le coup, et elle finit par s’endormir sous les étoiles, yeux bouffis. Ce n’était pas ce soir qu’elle contacterait son frère.