décidément vega t'es un fainéant. t'avais encore trop dormi aujourd'hui et tu avais oublié quel jour on était ; ça t'avais vraiment échappé de la tête. idiot bête. tu t'étais alors levé de ton lit comme une furie, enfilé les premiers vêtements à portée de main, passé négligemment par la case cuisine pour voler un morceau de brioche au chocolat avant de courir dehors. tes grandes jambes foulent le sol et tu prends le raccourci par la forêt pour arriver au village le plus rapidement possible et sans te faire repérer. manque de bol, tu descends trop vite et la manche de ta chemise se prend dans une ronce et se déchire, t'arrachant un petit gémissement de douleur. bah bravo te voilà encore blessé. tu soupirais mais tu étais finalement arrivé au début des festivité. tu regardes avec un air étrange la plupart des stands, semblant visiblement contenir au fond de toi le gamin qui voulait sauter partout en hurlant. malgré tout tes efforts, tu ne te faisais pas discret, ni malin, avec les brindilles dans tes cheveux.

trainer des pieds dans la poussière. planter ses dents à même ses lèvres pour en dévorer la chair, morceau par morceau, en attendant qu'elle se pointe, sans trop en avoir l'air. l'attendre, en silence, l'air de rien, comme si c'était normal de se pointer là en début de soirée, à fixer tantôt la rue bondée de gosses tantôt les stands croulants sous bibelots et sucreries. comme s'il était mu par quelque source de motivation qui ne rimât pas avec iseul. iseul, muse éternelle, tendre nymphe aux lèvres acérées qu'il s'évertue à éviter ces derniers temps. finalement, c'est un gamin échevelé qui retient l'attention du guitariste ; vega, yeux rieurs et mine réjouie, n'a pas l'air de remarquer la présence de son aîné. et shin se glisse dans son dos, sourire en coin, pour donner une pichenette sur la nuque du garçon. « on se promène ? » voix sarcasme et yeux ravis. tout à coup, on a l'air un peu moins con, un peu moins seul, un peu moins désespéré.

le même festival que chaque année. la même ambiance effrénée. sauf que pour une fois, ce n’était pas au bras de nomi qu’elle se trimbalait. pour une fois, ce n’était pas la poche des passants qu’elle visait. assagie sans vraiment l’être, ayant juste envie de profiter. de s’amuser. la belle slalomait entre les allées, cherchant quelque chose à acheter. jetant finalement son dévolu sur la confiserie écarlate, ses lippes se referment sur le fruit défendu caramélisé avec une satisfaction non contenue. mais bien vite, son attention est happée par un autre objet de désir, et la succube se met en marche, sourire cancer et orbes flambantes. longtemps qu’elle ne l’avait pas vu. presqu’assez pour qu’elle se languisse de lui. presque. pourtant ce ne sera pas non plus aujourd’hui qu’elle lui donnera quelconque satisfaction, bien trop occupée à rattraper le temps perdu. avide de ses iris incendiaires et de ses mots tranchants. voulant lire dans ses gestes, ce que sa raison brisée lui empêche de faire. tirant sur les fils sensibles et se repaissant d’émotions sincères. elle se savait mauvaise, iseul. ça lui plaisait. alors arrivée face à l’idiot ayant retenu son attention, ses lippes s’étirent, sourire déraison, tandis qu’elle jauge le pauvre ayant atterri entre ses griffes. « je ne te conseillerai pas de traîner avec lui, mon joli. tu risquerais de t’ennuyer. » car il n’y avait qu’elle pour réussir à le faire sortir de ses gonds. qu’elle capable de réveiller la bête d’un simple coup de griffes.

Des morceaux de glaces pilés qui coulent sur votre menton. Des lampions qui dodelinent. Des attractions intemporelles et une nature morte de festival qui se perpétue saison après saison. Le décor est planté, incessamment exploré. Au milieu de la foule, Hani slalome entre les passants en glissant  un morceau de bâtonnet de poisson entre ses dents. Il y avait quelque chose d'infernal dans cette boucle qui ne se renouvelaient pas, quelque chose d'incroyable dans le plaisir que les habitants de Jeju en tiraient à chaque fois. Comme s'ils n'étaient tous qu'un engrenage perdu au milieu d'un cycle qui n'admettait rien si ce n'était l'expression de sa seul et unique règle, celle qui disposait que l'île vivait au rythme de ses fêtes. Rappels de ces traditions qui s'atténuaient peu à peu au fil du temps. Alors, on feuillette à quatre mains un livre de conte négligemment oublié, on se régale de sucreries qui donnent envie de se lécher les doigts, et sans crier gare, on se laisse happer par cette ambiance festive et légèrement ivre jusqu'aux bout de la nuit. « sois pas désagréable Yeon. » Hani, elle passe à côté de sa cadette sans s'arrêter, lui jette un coup d'oeil par dessus son épaule dans un sourire moqueurs avant de s'en détourner, favorisant un stand de porte bonheur qu'elle balaye du regard d'un air un rien distrait. A offrir à un être cher, peut être.

tu flânes et ton esprit s'égare. tes mains sur les hanches, tu t'arrêtes pour lorgner sur un petit homme qui vient de te toucher la nuque. normalement c'est pas quelque chose que tu aimes, le contact physique, mais avec ce type c'était un peu différent. disons qu'il était toujours comme ça, à te frapper avec gentillesse ; tu n'en tenais pas rigueur. ah hyung, c'est toi? toi aussi, t'es venu ici tout seul?, disais-tu alors que de ta hauteur, tu pouvais voir facilement tout autour de toi. tu t'attardais alors sur une silhouette que tu connais bien et qui s'approche. c'est cette fille qui était avec toi à l'orphelinat, mais que tu considères comme ton ange gardien. la seule qui mérite que tu te souvienne d'elle, cette époque oubliée étant trop douloureuse. ah ! iseul, toi aussi t'es là, disais-tu en posant tes pupilles sur sa friandise. sans vraiment te prier, et par habitude, tu te penches et tu y croques un petit bout avant de lui sourire comme un enfant. le colorant ça rend bien sur tes lèvres, on dirait une sorcière disais-tu avec une honnêteté sans pareille. avec cette fille c'était simple, facile, agréable, tu te sentais à l'aise. tu croque le caramel entre ses lèvres puis tu te remets à scruter, repérant un peu mieux les lieux. on devrait aller chercher nos bracelets ensemble, ça vous dit?, disais-tu en attrapant sans gêne les mains des deux idiots en face de toi, les tirant déjà. en te retournant tu bouscules deux personnes sans faire exprès, alors tu te penches en avant et tu t'excuses, sans même savoir de qui il s'agit.

il enfouit ses mains dans ses poches avec un rire. « en fait j'attends quel... » les mots crèvent contre la barrière des lèvres gercées ; vega ne fait déjà plus attention à lui, et shin fait volte-face au moment même où le gamin prononce le nom de sa source de distraction. iseul. souffle court, joues brûlante, le voilà qui affronte son regard sans même s'y être préparé. il voulait la voir venir, l'observer de loin, comme à son habitude, la dévorer des yeux jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse à l'horizon, oubliant dans sa fuite l'écho de son rire et les effluves de son parfum. il était encore trop tôt pour lui adresser la parole comme s'il ne s'était jamais rien passé, comme s'il n'avait jamais fui face à ses regards sulfureux et ses lèvres tentatrices. il était trop tôt, ou trop tard. mais il se heurte à ses orbes brûlants, à son sourire carnassier et sa voix de sirène, il se cogne à la courbe de sa joue et à l'éclat de ses incisives diamantines plantées dans une sucrerie. c'est une pomme d'amour qu'elle tient entre ses mains, comme une énième plaisanterie de mauvais goût ; car il y voit son cœur qu'elle consume depuis des années, palpitant trop longtemps pris dans la toile de ses risettes. les yeux ronds, les bras ballants, shin n'est plus que témoin de leurs retrouvailles impromptues, tout juste bon à regarder vega se pencher sans gêne sur la confiserie pour en arracher un morceau. et c'est comme si le gosse avait volé un éclat de son amour, comme si, sans le savoir, il émiettait encore les résidus de sa passion rabrouée. mal à l'aise, le jeune homme se contente d'hocher la tête à la proposition de vega et de détourner le regard, fixer ses pieds de peur de se perdre dans la contemplation de son enfer.

c’était flagrant, la différence entre les deux. l’attitude qu’ils dégageaient face à l’apparition de pareille beauté. l’un totalement à l’aise, venant même voler un bout de son dîner. l’autre complètement à l’ouest, comme perdu dans un rêve dont il n’aurait pas envie de se réveiller. et ça la faisait rire, iseul. ça lui chatouillait ce sourire qui s’étalait divinement sur ses lippes sanguines. ça lui donnait envie d’aller plus loin, de chercher à réveiller l’idiot envoûté par un simple regard lancé. « heureux de me voir ? » pas vraiment une question. plus une affirmation dont elle voulait pourtant la réponse, afin de s’en délecter. « une sorcière ? tu n’avais pas compliment plus flatteur ? » pourtant le rire suit, cristallin et sincère tandis qu’elle lui envoie un clin d’oeil. « dans ce cas nous sommes assortis, on partage le même rouge à lèvres. » secret silencieux, baiser jamais partagé, simplement victime de la même sucrerie. ses orbes s’embrasent lorsqu’elle dévisage shin du coin de l’oeil, pauvre éploré n’ayant même pas osé parler, tandis qu’elle revient vers vega, le regard plus doux, le geste plus affectueux. « fais gaffe, je pourrais te les enlever tous, tu ne t’en rendrais même pas compte. » voleuse des plus douées, elle aurait même pu en arracher un à chacun. mais ça ne la tentait pas. elle préférait taquiner le jeune homme, encore plus si elle trouvait bracelet intéressant à son poignet. et puis, s’ils y allaient tous, le bel idiot devenu muet par sa simple présence en aurait aussi à subtiliser. un bon moyen de rester avec lui une partie de la soirée. un bruit sourd la surprend avant qu’elle ne voit vega s’excuser, soupirant et l’attrapant par le poignet, le tournant face à elle et vérifiant s’il ne s’était pas blessé. « t’es vraiment pas doué je te jure… » ses lèvres s’étirent, et une fois rassurée elle le relâche avant de continuer, abandonnant les inconnus du stand de pêche pour demander ses bracelets à celui d’à côté.