Le vide intersidéral. Rien ne voulait sortir, rien ne semblait m’aider à retrouver ce que j’avais perdu. Mon inspiration. J’ai poussé un long soupir de frustration, alors que j’étendais mes jambes interminables sur mon bureau, les faufilant entre des piles gigantesques de papier et mon ordinateur, dont le ventilateur faisait un bruit monstrueux. Il fallait dire que je l’avais remarquablement traumatisé en ce jour. Entre mes jurons à son encontre, mon incapacité à rester sur ce logiciel d’écriture plus d’une dizaine de minutes et la chaleur accablante qui régnait dans ma chambre, c’était un miracle qu’il n’est pas rendu l’âme. J’ai posé mon front contre le verre de mon bureau, gémissant sous la sensation de fraîcheur qui éloigna légèrement le mal de tête qui menaçait de me saisir à la gorge. J’avais besoin d’un verre, peut-être même de plusieurs et je n’avais curieusement pas envie de vider mon propre bar. Ce fut donc tout naturellement, qu’après une longue douche réconfortante, j’ai enfourché ma précieuse voiture, avant de partir en quête de précieux breuvages.

Lorsqu’en arrivant devant mon bar favoris, j’ai remarqué une queue immense pour accéder au précieux Graal, j’ai fait une tronche de dix pieds de long, ne prenant même pas la peine de retenir le grondement qui remontait du fond de ma gorge. Je n’avais véritablement aucune envie d’attendre, je sentais mon niveau d'alcoolémie me hurler qu’il me fallait de quoi survivre et patienter ne faisait pas partie de ce qui allait m’aider à palier à ce besoin. Heureusement, étant pleine de ressources et surtout assoiffée, je n’ai pas manqué l’occasion de me glisser parmi un groupe de personnes, pour entrer plus rapidement, un grand sourire aux lèvres. Je ne suis pas resté longtemps avec ces derniers, je me suis rapidement éloigné dans un crissement du cuir de mes chaussures, lorsque l’un d’eux essaya de m’adresser la parole. Ce sale caractère n’était pas prêt à s’effacer.

J’ai épousé la salle de mon regard, avant que ce dernier ne se pose sur une figure connue, qui semblait si contrarié, qu’il aurait été aisé de lui de deviner, une aura sombre autour de sa silhouette intimidante. Néanmoins, je le connaissais assez pour ne pas être totalement intimidé et pour m’approcher du bar. D’un mouvement agile, je me suis perché à ces côtés au niveau du bar, avant de lancer au barman d’une voix ferme et quelque peu enjouée.

“Deux verres de whisky, un pour moi et l’autre pour mon ami au bord du génocide.”

Lorsque son attention s'est portée sur moi, j’ai légèrement levé mon verre, avant de le vider d’un trait en poussant un soupir de satisfaction. Je l’ai longuement observé, avant de caler ma main sous ma mâchoire et de regarder ailleurs, satisfaite lorsque le barman, qui me connaissait peut-être trop bien, me fit glisser un carrément glisser une bouteille. Sans rire, j’aurais dû le prendre comme une sorte d’avertissement, si mon don ne me tuait pas de terreur dans mon sommeil, ce serait certainement la cirrhose qui aurait raison de moi. J’observais les alentours sans les voir, avant de souffler d’une voix lointaine, mais néanmoins soucieuse.

“ Pourquoi tu tires une tronche de trois kilomètres de long ? On dirait que quelqu’un est mort… Ou alors, n’est ce pas encore arrivé ?”

J’ai esquissé un sourire, avant de me servir un verre, reportant alors mon attention sur lui, attendant visiblement une réponse de sa part.

J’avais quelque part, attendu cette réponse, venant de sa personne et ayant eut diverses occasions de me frotter à l’animal, j’avais su déceler quelques-unes de ces mimiques, de ce qui le caractérisait quelque part. Pourtant, j’étais loin, très loin d’avoir fait le tour de sa personne, j’en esquissais à peine les contours et ma curiosité s’en retrouvait attisée. J’ai laissé échapper un petit rire, à sa phrase, sans qu’il ne soit vraiment destiné à marquer mon amusement, davantage une ironie marquée, comme pour illustrer plus encore mes propos teintés d’un humour tenté d’une certaine innocence.

-  “Ne t’en fais pas, dis toi que tu joues les bons samaritains en acceptant. Tu me sauveras d’un verre et ainsi, je détruirais beaucoup moins mon pauvre foie…”  

Je n’avais pas vraiment besoin d’un garde-fou, en réalité, je me contrôlais très bien toute seule. Ces situations, ces envies, je les provoquais, je les cherchais, il n’y avait aucuns doutes là-dessus et j’étais même plus douée pour tenir ces envies en laisse, pour résister à ce poison terrible. Ainsi, quand il me fit sa proposition, j’ai esquissé un sourire joueur.

- “Deal. Je te suis. Je t’avertis juste que je suis assez résistante, alors prépare ma récompense.”

Il n’y avait là aucun mensonge, j’étais sans nul doute possible l’une des meilleurs de ma catégorie, si tant est qu’il soit possible de se vanter d’un tel… Talent. J’étais souvent la dernière debout en soirée, en dépit de mon rythme et de ma descente. J’observais le barman à l’œuvre, alors qu’il disposait devant nous des cocktails dont les couleurs n’avaient d’égale que leur nom complexes. J’étais ravie et impatiente, la soirée promettait d’être véritablement intéressante.