Ca faisait si peu de temps. Si peu de temps que sa mère avait mis la clé sous la porte et qu’elle s’était envolée pour la Corée. L’île ne semblait plus lui suffire, elle était sûrement passé sur tous les hommes qui habitaient dessus où n’étaient que de passage ici. Ou alors, elle en avait simplement marre d’assumer une jeune adolescente, peut-être un peu compliquée, mais surtout belle et bien handicapée. Hana soupirait, les yeux clos, incapable de virer sa génitrice de ses pensées. Il fallait qu’elle se change les idées, autrement, elle allait passer une nouvelle journée à se noyer sous ses larmes. La jeune blonde se détestait d’être dans ces états-là, elle qui faisait toujours son maximum pour être la plus forte possible.

A bout de bras, elle poussait les grosses roues qui supportait trop facilement son poids-plume, en direction du centre-ville. D’aussi loin qu’elle était, elle entendait trop bien la musique pour ne pas être piquée par la curiosité de s’y rendre et voir ce qu’il s’y passait. Sur le chemin, elle croisait de nombreuses affiches prévenant d’une fête foraine qui serait installée en ce début de mois de juillet de l’année 2015. C’était donc cela. Ça faisait bien trop longtemps qu’elle ne s’était pas rendue à ce genre d’évènement, c’est donc pleine d’entrain qu’elle s’y était rendue, bien assez rapidement. Une fois là-bas, les yeux de la jeune coréenne ne savaient plus du tout où se poser. Il y avait bien trop de chose à regarder ; les nombreuses attractions, les visages des gens amusés, les forains en pleine activité ainsi que trop d’odeurs à sentir ; les nombreuses sucreries cuisinées sur places, les odeurs de fumées qui sortaient des armes en plastiques. Elle se sentait bien trop petite, sur sa chaise, au milieu de tant de gens. Heureusement qu’elle n’était pas agoraphobe, autrement elle serait partie avant même d’y avoir mis une roue.

Naturellement, ses roues la guidaient vers un petit bassin dans lequel flottait quelques petits canards. Autour, de nombreux enfants tenaient des cannes à pêche pour essayer d’attraper un maximum de ces petits animaux en plastique. Sans s’en rendre compte, ses yeux se mettaient à briller à l’idée qu’elle aussi, pouvait se trouver à leur place. Rapidement, sa tête se remit sur ses épaules, et, bougeant la tête de gauche à droite, elle essayait de changer d’idée : elle était bien trop âgée maintenant. Ils n’ont même pas une dizaine d’années alors qu’elle était déjà à la moitié de son adolescence. Le regard triste, les observer s’amuser lui suffisait tout de même.

Elle ignorait combien de temps elle était restée là à contempler les nombreux lots se vider, peut-être trop longtemps, alors, elle décidait de bouger. Doucement, elle retira le frein de sa chaise et se remit en route vers les autres attractions, celles qu’elle ne pourrait pas faire parce qu’elle est invalide ou, puisqu’elle est toute seule et, sans s’en rendre compte, Hana rentra dans les jambes d’un jeune homme, qui, à première vue, semblait avoir son âge, plus ou moins. « Oh », prononçait-elle doucement, une fois qu’elle avait réalisé la situation. « Mon dieu, je suis tellement désolée. » elle recula, de manière à laisser circuler l’inconnu. « Je ne vous ai pas fait mal, j’espère ? » son regard se posait sur son jean, heureusement que la collision n’était pas si forte. « Je suis tellement maladroite, j’aurais dû faire plus attention, tout est de ma faute. » elle soupire, en tendant la seule chose qui pouvait aider le jeune homme à aller mieux : sa bouteille d’eau encore fermée et toute fraîche. « Je n’ai que ça à vous offrir en guise de dédommagement... » elle affiche une mine vraiment désolée, mais essaye du mieux possible à sourire au jeune homme encore face à elle, visiblement il n’a pas fui : heureusement.

Elle s’attendant à, comme d’habitude, de nombreux reproches. C’est pour cette raison-là qu’elle avait préféré s’excuser pour éviter toute tension de la part de la personne blessée. Doucement, elle avait relevé le visage, ses yeux dévisageaient l’inconnu qui se trouvait juste en face d’elle. Son sourire suffisait pour l’apaiser. Elle soupire discrètement quand elle remarque qu’il n’est pas tant blessé que ça, et pose sa bouteille d’eau sur ses genoux. « Ça me rassure alors. » soupire-t-elle, doucement. Ses doigts se perdent dans ses cheveux ; mauvaise habitude lorsqu’elle est un peu trop gênée. Elle l’écoute attentivement, elle n’avait même pas pensé au fait qu’elle aurait pu se blesser aussi. « Oh, oui, c’est vrai, mhm… non je n’ai mal nulle part. » à vrai dire, ça aurait été compliqué pour elle de sentir quoi que ce soit : ses jambes ne peuvent rien ressentir : ni douleur, ni autre sensation. Sauf cas exceptionnel. « Merci de t’en inquiéter… » elle se permet de le tutoyer, après avoir remarqué que lui le fait naturellement. Finalement, c’est plutôt normal : ils semblent être de la même année. Pour répondre à sa question, elle regarde simplement à droite, puis à gauche, et affiche un petit sourire un peu forcé. « Oui, personne n’était disponible pour venir avec moi aujourd’hui… » Hana se sent coupable de mentir de cette manière, elle n’avait tout simplement personne avec qui venir. Mais elle ne voulait en aucun cas se faire passer pour une victime, ou une jeune fille très ennuyante, alors elle préférait modifier la vérité. « Et toi ? » elle regarde derrière lui, pour voir si une petite famille ne l’attendait pas en retrait, ou une bande de jeunes amis. Elle ne dit rien, mais pense que c’est à peu près la même chose pour lui : il semble être venu seul. « Ça tombe bien, c’est notre jour de chance. » dit-elle, presque amusée de cette situation. Il vaut mieux en rire selon elle. « Est-ce que tu as du temps de libre devant toi ? » sa tête se penche sur le côté, alors que son regard s’encre dans celui de l’inconnu. « Si ça te dit, eh bien… on pourrait passer un petit bout de notre après-midi tous les deux ? » gênée, elle pose cette question se demandant en même temps où elle puise le courage pour s’adresser de cette manière pour dire ce genre de chose à un inconnu. Rapidement, elle revient à elle et se rend compte d’une chose. « Oh, j’y pense, je ne connais même pas ton prénom… » quel manque de politesse..

C’était adorable de sa part de s’inquiéter pour la petite blonde, elle trouvait ça très touchant, mais préférait le garder pour elle. Elle n’avait qu’une pensée : profiter de cette journée qui n’avait pas commencé si bien que ça. Les choses peuvent changer, tout peut devenir plaisant, voire amusant à vivre. Maintenant qu’elle avait rencontré So Yun, il n’y avait aucune raison pour que cela n’arrive pas. « Je te remercie… » elle avait peur qu’il le prenne mal : qu’un inconnu lui demande de passer son après-midi avec elle, ça peut porter la confusion. Loin d’elle une quelconque envie de l’embêter ou même de flirter avec lui : de toute façon, elle était très nulle à ça. « Enchantée So Yun, je suis Hana. Song Hana, mais tu peux m’appeler par mon prénom aussi. » Elle s’est secrètement dit que le prénom de son nouveau-futur-potentiel-ami allait lui rester en tête : elle ne voulait pas l’oublier. « Oh, bonne question… » elle se laisse pousser, en regardant les attractions qui se trouvent tout autour d’eux. Rapidement, une petite chose lui revient à l’esprit. « Dis, j’ai quelques bons gratuits pour les attractions. Voyons-voir… » elle les sort de sa poche. « La grande roue, deux places. Les tire à la carabines, deux bons aussi. C’est déjà bien, on a de quoi faire ! » Elle sourit doucement, en repensant au jour où la boulangère de son quartier les lui a donnés. Une jeune française à l'accent très charmant qui a quitté son pays pour l’Île de Jeju. Elle a toujours été là pour elle, dès le jour de la disparition de sa mère. Cette femme, Hana la respecte énormément, elle l’admire vraiment beaucoup et attend le bon moment, et surtout d’avoir les moyens, pour lui rendre tout ce qu’elle lui a apporté de bon dans sa vie. « On commence par la grande roue ? C’est par là-bas ! » Elle indique le manège qui surplombe la fête foraine, elle est si grande qu’on la voit de tellement loin. Elle se retourne pour regarder le visage de So Yun, dans l’espoir qu’il ne grimace pas à l’idée de monter dans ce genre d’attraction. Conquise, elle pense remarquer que ça lui va. « Est-ce que tu as une envie spéciale, toi ? Je veux pas non plus qu’on ne fasse que ce que je souhaite… » c’est toujours donnant-donnant avec Hana.