Ironie du sort, à peine que je suis arrivée à mon lieu de travail. Mon père, le directeur de l’hôpital, m’a demandé de remplacer un médecin. Trop occupé pour soigner tous ses patients. Trop occupé à vouloir faire la fête et batifoler avec les employées. Trop occupé à prendre ce travail au sérieux, car ce qu’on fait c’est de sauver des vies. Des vies si précieuses qui peuvent être facilement enlevée. Des vies qui peuvent également être entièrement changée. Sauf que monsieur le médecin a préféré demander un jour de repos à la dernière. Ainsi, il fallait quelqu’un pour le remplacer. Pourquoi m’a-t-on demandé alors que je suis une simple pédiatre qui s’occupe des enfants malades ou blessés? Parce que j’ai une mémoire phénoménale. Une mémoire qui n’oublie rien telle est ma malédiction quand on m’a transplanté un cœur qui ne m’était pas destiné. Pourquoi ai-je donc hérité de cette haine et d’être maudite? Je n’ai aucune idée, je n’ai pas la moindre réponse, car à chaque fois que je m’approche à une hypothèse propice, c’est compliqué. Mon côté rationnel prend fortement le dessus même si j’ai un esprit très ouvert. À ce sujet, ça me dépasse.

Ainsi, j’arrive au bureau de ce médecin. Feuilletant ses dossiers et ses propices rendez-vous de la journée. M’informant davantage, en mémorisant chaque détail, chaque problème, chaque situation. On m’a apporté un café pendant que j’ouvre un autre dossier pour le regarder également comme les autres. Toutefois, on m’a cessé mon élan pour décidément dire que le premier patient est arrivé. Lequel? Les dossiers ne sont donc pas en ordre? Je soupire de découragement en déposant ma tasse pour retrouver ce dite-patient. Yu? J’ouvre doucement pour finalement reconnaître cette personne. Yu Se Han. Ce nom ne m’est pas venu à l’esprit depuis un moment. Disons qu’on s’est perdu de vue depuis que nos pères ont essayés de nous mettre ensemble et qu’on a refusé par intérêt commun. Depuis que j’ai sorti avec un autre mec, depuis que j’ai eu ma grosse opération. Depuis bien longtemps. Ou peut-être c’était récemment et que j’ai perdu la notion du temps? Je ne sais plus. Je me lève pour franchir la porte du bureau. Qu’est-ce qui a à me révéler depuis le temps ce bel et vieil ami?

Me dirigeant vers sa direction, je profite également pour lire son dossier. Ex-militaire éclopé dû à sa jambe mal en point. Elle doit lui faire souffrir et j’imagine que ses antidouleurs ne font pas effet? Oh, son genou est en piteux état si je constate sur les radiographies prisent il y a un moment. Il ne s’est pas amélioré avec le temps, c’est prévisible si on ne lui avait pas donné les soins adéquats. Le contenu de ses feuilles est intéressant, au point que je manque presque de tomber sur les cuisses d’un patient en chaise roulant qui se retrouve par hasard sur mon chemin. Je me suis excusée en riant, en ayant le cœur net que je n’ai échappé aucun document et je continue à avancer vers ma destination. Comment mon petit Se Han va réagir en me voyant au lieu de son médecin? On va constater cela puisque j’ouvre justement la porte qui nous séparait. En entrant, je lui offris mon plus beau sourire en déposant les feuillées non loin sur le pupitre qui a été dédié pour le docteur, c’est-à-dire temporairement moi. Je m’approche du blesser en me croisant les bras. Pourquoi cette bouille désagréable qu’il m’offre? Il n’est content, même pas un peu, de me revoir? « Je devine : Tu ne vas rien me dire alors que je sais clairement que c’est ta jambe qui souffre. Du fait, on t’a forcé la main pour venir ici, ai-je tort?» fis-je en lui pinçant légèrement la joue pour qu’il puisse enlever ce moue. Ça ne prenait pas un génie pour remarquer sa canne non loin et de cette expression froide qui puisse me lancer. Je ne suis pas sotte, seulement observatrice. Puis aussi, que je l’ai connu autrefois quand nous étions gamins.

Le passé, que je me rappelle comme si c’était hier. Je nous vois encore confus à propos du mariage arrangé que nos pères nous ont déballés comme par hasard. Je vois leur sourire affiché à leur visage en nous disant ça alors qu’on s’est regardé avec incrédulité. J’étais et je suis encore légèrement plus vieille que lui et en âge de me rebeller pendant que lui n’était qu’un jeune garçon qui venait tout juste de muer. Sur le coup, ça nous avait figés et puis faites rire. Sauf qu’en apercevant l’état grave, on s’était tous les deux dit que nous étions dans la merde. C’était à cette époque que j’ai commencé à fréquenter quelqu’un en secret et seulement Sehan était au courant puisqu’il m’a surpris avec lui quand nous étions au même lycée. Nos deux avaient refusé ce mariage et qui voudrait avoir un mariage arrangé de nos jours, hein? Ce n’Est pas les sentiments qui comptent? Non, il faut toujours que ce soit le géniteur qui puisse décider la vie de ses enfants surtout celle de sa fille. Toutefois cela a été un non catégorique. Entretemps j’ai sorti avec un jeune homme de mon âge, pas en guise de châtiment, mais parce que je l’aimais. Mon ami d’enfance est plutôt un bel homme aujourd’hui, mais il ne m’a jamais attiré plus que ça même étant enfants. Deux têtes bornées ne vont habituellement pas ensemble, non? Une qui a toujours raison et l’autre qui ne veut rien entendre, vous comprenez? Sauf malgré nos embrouilles par le passé, ça ne m’a pas empêché de toujours apprécier l’ex-militaire. Il reste, pour moi en tout cas, un très bon ami sur qui je pourrais me fier. C’est quelqu’un de confiance, mais il faut tout simplement lui tordre le bras quand c’est pour lui faire entendre raison, comme dans ce cas-ci.

Ainsi, j’ai raison. Si je me rappelle encore de ses radios. Je ne comprends pas pourquoi mon collègue n’a pas fait quelque chose pour son genou. La technologie de nos jours est fascinante. Il pourrait faire de grande chose et peut-être même réparer sa rotule qui a éclaté à cause d’un morceau d’obus. Puis ses quelques muscles manquants… On peut faire des miracles avec la science, on trouverait une solution pour ne pas qu’il ait besoin de cette canne. Bon, au début oui, mais avec le temps il pourrait gambader dans un champ. Je déconne. Toutefois, en écoutant le ton de sa voix ainsi que sa main qui serre sa cuisse. Je persuade qu’il souffre. Je n’ai pas besoin de le constater qu’il a mal puisque sa blessure de guerre qui n’a pas été réparé correctement doit certainement faire des siennes. Puis un jour ou l’autre, les antidouleurs ne feront plus effets. Mon sourire a quelque peu perdu à son éclat, mais cela est dû à mon empathie à son égard. Je n’ai jamais apprécié qu’un seul de mes petits patients souffre et je ferai tout en mon pouvoir pour que ça soit de moins en moins le calvaire pour eux. Cela dit pour le policier, il n’est pas mon patient, mais je ferai tout mon possible pour lui venir en aide. Après tout, c’est mon devoir et également mon ami, non?

Quand pourra-t-il partir? « Cela dépend de Monsieur Yu.» fis-je en m’approchant de lui. Examinant ses traits ainsi que ses expressions. Mémorisant chaque fait et gestes. Faire un examen de routine sans plus ou moins viser sa jambe endolorie. En ce moment, c’est comme si je le narguais. Son orgueil souffre tout autant de cette foutue blessure. Il ne veut qu’une chose : s’en aller. Je le sais. Ce n’est pas pour rien que je lui été promise à l’époque. On aurait pu avoir un merveilleux mariage. Moi vêtue de blanc qui marche devant tout le monde en rejoignant le bras de mon futur époux. Cela aurait pu se passer comme ça si nous n’avions pas eu un accord commun. On aurait été marié aujourd’hui et qui sait peut-être que nous aurons des enfants? La vie a décidé autrement, je ne suis pourtant pas malheureuse de l’avoir choisi celle-ci plus que l’autre. J’ai cependant plus de liberté contrairement à l’autre. J’imagine qu’il a pensé comme moi. Nous avions choisi la liberté que les chaînes.

«Perdre mon temps? Aucunement, Se Han!» Cette fois, j’ai légèrement pesé sur la zone qui tente de masser pour dissiper la douleur. Je m’attends à une belle réaction de sa part. « Dommage qu’on se revoit dans de tel circonstance… désolée si je te fais mal.» soupirais-je avant de tâter délicatement sa rotule. Sentant entre mes doigts la forme unique de ce genou. Je fronce légèrement les sourcils remarquant également les anomalies. Touchant également plus haut vers la cuisse vers ses muscles. J’évalue, j’examine. Même s’il souffre le martyr, il faut bien que je fasse mon propre verdict sans utiliser le jugement de mon collègue, n’est-ce pas? Je veux faire mon propre opinion et ainsi donner mon point de vu à son vrai médecin. Lui suggérant peut-être des solutions à l’état du policier devant moi. « Sauf que tu pourrais être au moins davantage sympathique avec ton ex-fiancée… C’est curieux… Est-ce qu’il t’a proposé une opération ou fait une opération?» demandais-je à mon ami. Le pauvre, il doit avoir mal, mais je n’ai pas trop le choix?

Évaluant, tâtant, remarquant des tas petits détails. Contrairement à d’autre médecin; je me souviens. Je me rappelle de tout. Du contact, l’odeur, la vue, l’ouïe comme du goût. Tout est mémorisé comme dans ce cas-ci. Voyant ses réactions face à la douleur que lui seul puisse ressentir. Sentant également une énorme venant de sa blessure. Je m’y attends justement. Un muscle manquant c’est les autres qui ne puissent pas subvenir à cette tâche. Sentant également la cicatrice épaisse. Touchant également sa rotule salement amochée. Combien de temps il souffre comme cela? Combien de temps il va cesser de faire semblant et d’avoir un caractère de merde? Quand va-t-il demander de l’aide pour soulager de ce fardeau qui doit lui peser sur son quotidien? Se Han, un jeune homme que j’ai connu autrefois. La même tête, le même caractère, mais davantage moins crispé et refoulé qu’aujourd’hui. Un ami d’enfance qui a pu être mon mari. Je n’ai jamais imaginé entreprendre une relation avec lui. On le sentait depuis le début; nous étions faits pour être ami. Nous étions faits pour vivre séparément chacun sur leur côté. Certes, j’ai eu un pincement au cœur quand j’ai su qu’il est devenu un soldat. Depuis ce temps-là, je n’ai plus ou moins de nouvelles de lui. Je n’ai jamais su s’il était mort ou vif jusqu’à temps que je le vois devant moi. Sa canne non loin de lui. Blessé à son orgueil, mais surtout souffrant. Toutefois, ça ne m’a pas empêché de deviner. On dirait que même si les années ont passé c’est comme si on ne s’était jamais quitté.

Sûrement qu’il a eu une vie palpitante depuis mon absence. Même si j’ai su par mon paternel qu’il est devenu un policier, il ne reste quoi de plus vulnérable sur le terrain avec son handicap. «Invite-moi davantage à diner comme ça, ça t’éviteras d’aller me voir à l’hôpital. Qu’est-ce que tu en penses?» fis-je en continuant mon évaluation même si je suis dorénavant dans mes pensées que physiquement. Je l’ai même toisé du regard lorsque j’ai légèrement pressé où qu’il y a le muscle manquant. J’ai regardé sa réaction. Il n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort, il n’est surtout pas le genre à gueuler lorsqu’il a mal. Ainsi il me raconte que c’est le médecin militaire qui lui a prodigué les soins. Ce qui m’a fait tiquer quelque peu. Je hausse les sourcils quoi de plus surprise que mon collègue ne lui a rien suggéré pour sa jambe. Il aurait pu proposer des solutions comme dans les plus délicates jusqu’à les plus radicaux, non. Il lui a seulement prescrit des antidouleurs qui ne font certainement plus effet actuellement. Je l’ai certes remarqué quand je n’ai fait qu’effleurer sa peau. Est-ce qu’il a réellement cru qu’un militaire puisse soigner convenablement un blessé sans les équipements adéquats? Il a seulement rafistolé, c’est le mot exact. Ce que je remarque c’est de l’incompétence dû à un confrère de travail. Désormais les conséquences de son inactivité lui a sûrement causé de l’arthrite à sa rotule explosée, une douleur constante et une inflammation à ses muscles. Tout pour ne pas l’aider dans sa condition. «Décidément, tu as énormément de choses à me dire.» Oui, il a beaucoup de choses à me raconter concernant l’éclat d’obus qu’il a reçu.

Il retire ma main de sa cuisse. J’ai compris son message encore plus quand il s’est pris la jambe pour la masser. Je dépose mes yeux dans les siens. Il n’a donc besoin de rien? Est-ce qu’il sait ce qu’il dit sonne faux? Je recule quelques pas pour m’assoir sur la chaise non loin. Sortant de la poche de mon sarrau un flacon qui contienne des comprimés. Mes cachets, en fait, que tout le monde prétend sur leur but premier. Prenant une pilule le déposer sur le bureau pour ensuite la casser en deux avant de tendre le premier morceau à mon ami. «Ce sont des antidouleurs très puissants, des analgésiques morphiniques, ça pourrait t’aider à te soulager un peu pendant qu’on discute un peu sur ton cas.» dis-je sérieusement. De la morphine plus couramment appelée. Ce genre de médicaments n’est pas donné à n’importe qui. Et à part ceux qui ont le cancer, je suis bien la seule qui se promène avec cela en poche. Non, je ne suis pas malade ou une maladie incurable. J’ai de besoin pour justement éviter mes atroces migraines dû à ma malédiction concernant ma mémoire. À chaque soir et à chaque matin je dois prendre ce contenu pour éviter de me retrouver sur le sol. Une céphalée si brutale qui me fait perdre connaissance et après? Je n’ai aucune idée. Je me lève en me dirigeant vers lui toujours en tendant ma main vers lui. « Ça enlèvera ta douleur temporairement et t’en fais pas, c’est aucun danger surtout que je te donne la moitié.» Habituellement, je ne fais pas ce genre de chose. Suis-je en train de le prendre en pitié? Sans doute.

Si j’y tiens? Il a toujours été comme ça. Une réponse à la fois ni négative ni positive. C’est Sehan tout craché. Il ne me dira pas non pour ne pas me blesser, mais ça ne lui tente certainement pas. Suis-je si désagréable auprès de lui pour ne pas qu’il me côtoie? Je ne veux pas qu’on ait une quelconque relation intime entre nous. De toute façon, ça ne fonctionnera pas. On est semblable, mais à la fois différent. On a davantage d’incohérence dans notre chimie qu’on a restée à notre stade d’amitié. Je veux qu’il me voit comme une amie, comme un soutien. Il était sympathique avant que tout ne chamboule nos vies. Père ne cessait d’insister également le sien. On a tous les deux refusés sachant pertinemment que j’avais un copain à l’époque. Iryon, cet époque est si loin, mais à la fois non. Je me rappelle de son visage, de son sourire, de ses caresses. Chaque mot qu’il a pu me susurrer à l’oreille. Il a été auprès de moi quand j’ai eu ma greffe de cœur et que j’ai resté à l’hôpital sous observation dû à mes céphalées douloureuses. Il est resté tout le long jusqu’à temps qu’une lettre se retrouve entre mes doigts me dictant qu’il m’a largué. Je ris encore de cette situation. Je ris encore de cette méthode si honteuse qu’il a pu utiliser. Au lieu de dire en face ce qu’il récent; il a préféré de m’écrire une lettre et me dire que tout était fini entre nous. Ce n’est qu’un passé parmi tant d’autre, non? Tout comme la relation amicale que j’ai entretenu avec le policier devant moi. Néanmoins, j’aurais voulu qu’il prenne en considération que je suis là pour lui en cas de besoin. Pas parce qu’il est faible, mais parce qu’on a toujours de besoin d’une épaule ou quoique ce soit pour souffler un peu.

Il a pris le comprimé avant de le déposer. Je m’y attendais à ce refus. Un double refus venant de sa part. Je me suis mise à sourire pour me moquer de la situation en partie. Je veux lui offrir mon aide et on dirait qu’il ne fait seulement que cracher. Je sais que l’orgueil d’un homme joue beaucoup actuellement. Je sais que son entêtement penche la balance. Qu’il arrête d’être comme ça. D’être maussade, de mauvaises humeurs. Il a besoin de ses cachets pour justement diminuer ou disparaître temporairement sa souffrance qu’il supporte depuis un sacré moment. Ça va lui rendre fou, il va perdre les pédales, mais ça il s’en fiche, je crois. «Et tu crois que j’ai voulu avoir des cachets toute ma vie?» lui demandais-je doucement en sortant mes deux pots pour déposer sur le bureau. Un étant la morphine et l’autre les anti-rejets que je dois prendre quotidiennement à chaque fois, deux fois par jours. Je les garde continuellement sur moi au cas que je dépasserai l’heure que je dois absolument les prendre. « Tu ne seras pas addictif avec une seule consommation, Se han. Ça va seulement te soulager de ta douleur.»

Pourquoi il faut toujours encaisser et refouler à l’intérieur de soi ce qu’on ressent? Pourquoi il faut toujours feindre qu’on souffre et crier tout haut et fort qu’on va bien? Ce n’est pas de la faiblesse d’avoir de la peine et avoir le goût de pleurer. Ni d’ailleurs d’être un éclopé rendu là. Constatant également son air froid, je déduis qu’il se maudit d’avoir été touché par l’éclat de l’obus. J’aurais fait la même chose. J’aurais maudit également les soins qu’on n’a pas voulu me prodiguer, mais je ne connais pas entièrement l’histoire. Je ne peux que supposer. Je remets mes pots dans ma poche de mon sarrau peu de temps qu’il m’ait dit que je n’ai pas besoin de m’alarmer. M’alarmer? Je hausse les sourcils en le regardant droit dans les yeux. C’est qui en ce moment qui grince les dents et qui monte sur ses grands chevaux? C’est qui qui ne veut pas être à l’hôpital en ce moment sous la demande de son supérieur sans doute? «Ne me prends pas pour une idiote aveugle ni qui que ce soit d’autre, Yu Se Han. C’est flagrant comme un nez au beau milieu de ton visage. Si tu ne fais rien, la douleur va te rendre fou et je crois que c’est le cas, non? Tu n’as plus de tolérance. Arrête de cracher sur l’aide qu’on t’offre et accepte.» dis-je fermement sans moindrement garder mon calme et la douceur à mes yeux. Je veux qu’il sache et je serai prête à tout pour que ça lui rentre dans le crâne. Il n’aura pas le choix de prendre des antidouleurs toute sa vie à moins que la médecine évolue. Il n’aura pas le choix tout comme moi qui n’a pas eu le choix. Désormais, je dois prendre des comprimés matin et soir, tous les jours et ça toute ma foutue vie.

Je le vois qui se lève et du fait, j’ai voulu prendre la canne pour la lui tendre, mais il la reprend rapidement. Je soupire en fermant les yeux. Cette vision me brise horriblement le cœur. Cette vision, je ne l’apprécie pas du tout. Bon, tant qu’à être dans la confrontation. Bornée vs borné, qui va gagner? « Tu pourrais avoir une opération pour reconstruire entièrement ta rotule, qui disons-le, elle est en très mauvais état depuis le temps. Je pourrais te proposer des tests pour voir l’ampleur des dégâts. Oui, tu vas continuer de marcher avec une canne, mais tu vas avoir beaucoup moins mal qu’en ce moment. Sinon…» Je dépose ma main sur son épaule, pas pour ne pas arrêter son chemin, mais pour lui réconforter. Lui montrer que je suis là pour lui, même s’il n’en veut pas. « Sinon qu’on t’ampute. Comme ça, tu ne souffriras plus tellement du moins jusqu’à temps que tu ais la douleur du membre fantôme. Sauf que les prothèses existent, tu vas pouvoir marcher sans aide de la canne et avec de la réadaptation.» Mûrement réfléchi? Pas tout à fait, mais ce sont les deux options qui me sont venues à l’esprit pour son cas contrairement à mon collègue. C’est à lui de décider ou à moins qu’il préfère de s’en aller en souffrant et en maudissant sa jambe.

Les médicaments. Ce sont des plaies pour tout le monde. Une drogue. Un besoin pour certain et un fardeau pour d’autres. Personnellement, je m’en passerai. Je ne pensais pas que j’allais en prendre à partir de mes seize ans. Un pour la greffe et l’autre pour mes maux de têtes. Je ne peux pas vivre sans mes antirejets et je ne peux pas vivre sans ma morphine. Des personnes autant malades en prennent énormément pour leur mauvaise santé. D’autre en prenne seulement par peur d’attraper quoique ce soit. Ils ont mal, ils prennent un cachet, c’est instinctif. Toutefois, pour Se Han, je suis tout de même surprise qu’il refuse les antidouleurs que je lui offre et de son médecin qui lui en a offerts si je me fie aux informations de son dossier. C’est vrai qu’après un moment, on devient immunisé. Ça ne fait plus ou moins effet et on se décourage parce qu’aucun résultat se produit, puis l’abandon vient par la suite. Je comprends totalement ce genre de réflexe, mais dans ce cas-là – et c’est typique d’un médecin – il faut aller consulter. Sauf que d’après mon ami ici présent dans la cabine, je crois qu’il a d’autres chats à fouetter au lieu de perdre une journée de travail pour aller faire une petite visite chez le docteur. Je suis parfaitement consciente de cette façon de penser. Je ne suis pas empathique pour rien. Je suis à l’affût des commentaires désobligeants et des râlements que les patients font. Je n’oublie rien et j’en tiens compte. Je peux faire des erreurs, mais on ne peut que s’améliorer face à ça.

Je souris face à ses excuses. Cela dit ce n’est pas une victoire, mais bien qu’il constate ses propos. Cela aurait pu blesser d’autres personnes, mais tant mieux pour lui que ça soit tombé sur moi car je le connais. Je sais comment il est, je sais comment il a un mauvais caractère. Il est désagréable, mais sans être méchant. Ça, parce que je le connais personnellement, mais pour un étranger, les embrumes auraient suivi. C’est vrai que les antidouleurs n’effacent pas la douleur en claquant des doigts. Je suis également concernée. La dernière fois que j’ai oublié de prendre ma morphine, un ami a eu l’intelligence de me faire prendre le cachet alors que je tombais peu à peu dans les vapes. J’ai petit à petit repris mes esprits et j’ai tranquillement pris le contrôle de mon corps pour pouvoir fonctionner normalement. Le mal de tête? Toujours aussi présent, mais doucement il s’est en allé sans que je puisse demander son reste. C’est triste car on voulait instantané, mais ça n’existe pas à moins qu’on s’endorme sous sédatif.

Il fuit. C’est son dernier mot. Un affrontement ça ne dure jamais aussi longtemps avec moi car on finit bien souvent par quitter. J’ai toujours eu le dernier mot et j’ai toujours raison sans avoir la preuve du contraire. Néanmoins quand je sais que j’ai tort, je l’avoue sans problème, je n’ai aucune gêne face à cela. Les personnes qui me confrontent se piochent souvent à un énorme obstacle et se vantent parfois quand je me trompe ou que je suis mal informée sur un sujet en perspective. Dans ce cas-ci, j’aimerais creuser pour apprendre davantage sur cette anomalie que j’ai pu sentir envers son genou. La douleur de sa jambe reste toutefois explicable avec la cicatrisation et les dégâts que l’éclat d’obus a pu faire, plus la rotule en mauvais état. Tout cela s’explique. Sauf que je veux voir l’horreur qui se cache sous sa peau. L’arthrose en est-il la cause? Le temps? Une maladie? Des incompétents? Je l’ignore et j’aimerais découvrir pour mieux l’informer de la situation que de dire de pareilles conneries. Pourquoi j’ai dit amputation? C’est dans des cas extrêmes! Bon, si jamais je trouve quelque chose de bizarre dans cette jambe, cela reste une possibilité malgré tout. S’il veut devenir unijambiste, on va tâter les autres options avant de prendre une décision hâtive. En toute logique, ça me surprendrait énormément qu’il puisse choisir le dernier point.

« Deux à trois mois. La rééducation est dès le lendemain de l’intervention.» ai-je dit en plongeant mon regard sombre dans le sien. Une opération d’un peu plus d’une heure et le lendemain on lui prend la jambe pour lui faire faire une flexion ainsi qu’il puisse se lever. On ne peut pas jouer comme que l’on veut avec un membre qui se plie de la sorte. On doit davantage le stimuler pour ne pas qu’il ait la moindre raideur ou qu’il ait une complication envers la guérison. S’il veut de plus ample explication, je pourrais lui expliquer de a à z comment cela fonctionne, mais cela ça dépend de monsieur et ça dépend également si je ne trouve pas d’autres surprises. Si jamais monsieur Ye ne veut pas d’arrêt de travail? Il n’aura pas le choix. Je ne sais pas ce qu’il fait spécifiquement à son travail, mais tout dépendra. S’il fait du bureau c’est plus compliqué que s’il conduit ou qu’il soit un sportif. Un bureau, tu bouges moins ton genou contrairement aux deux autres points, mais ça, c’est à lui de nous informer. Oui, je ne serai pas celle qui opère. Je suis dans le monde de la pédiatrie et ce domaine, je réserve cela aux spécialistes. Je vais continuer de m’occuper de mes petits cocos et cocottes. Et si l’ex militaire a besoin de soutien? Je ne me trouve jamais loin d’une personne qui a besoin de moi. J’irai à sa rescousse. « Les exams, ça, c’est dès que tu le peux et veux, Se Han. C’est ton choix. Tu veux souffrir de plus en plus ou améliorer ton sort?» fis-je en replaçant son collet par reflexe. Si tout va bien, si je ne trouve rien d’étrange et qu’il décide de continuer avec l’opération, il aurait toujours la possibilité de marcher avec une canne, mais dans les premiers temps. Après? On verra rendu-là, n’est-ce pas?