La sonnerie retentit annonçant l'heure du déjeuner. Tout le monde saute de joie pour rejoindre la cafétéria. Ces ventres affamés n'imaginent même pas ce que Zoé peut ressentir à cet instant présent. Ce gars elle le voit, pas de chance il participe aux mêmes cours qu'elle. Il se lève. Rigole avec ses copains. Lui sourit même, avant de tourner le dos et de suivre les autres. Quel enfoiré. Est-il au moins conscient de la merde dans laquelle il a peut-être mis la jeune lycéenne ? Sans doute pas. Ce jour-là elle avait un peu trop bu. Un peu trop fumé aussi. Et puis depuis, elle n'a plus eu ses règles.

Elle se lève à son tour et attrape violemment son sac à dos qu'elle replace sur ses épaules. Son téléphone en main elle supplie sa meilleure amie de la rejoindre dans les toilettes. Celle du dernier étage, elle est sûre qu'il n'y aura personne à cette heure-ci. Ce matin elle est passée à la pharmacie, et depuis, ce test de grossesse la nargue dans le fond de son sac. Il est temps qu'elle le fasse. Il est temps qu'elle se confronte à la vérité. Mais pas seule. Elle n'en est pas capable. Zoé c'est la fille forte, qui n'a jamais peur de rien. Mais qui est encore bien trop jeune pour assumer le fait d'être enceinte. Dans ces moments-là elle n'a besoin que d'une personne. Sophie. Sa meilleure amie.

Cette fille, elle a de la chance de l'avoir. Elle s'est toujours demandé comment elle peut la supporter, et pourtant. C'est la seule qui croit en elle. C'est la seule qui essaie de la sortir de cette merde dans laquelle la vie l'a foutue dès son plus jeune âge.

Zoé arrive la première dans les wc, elle se poste face au miroir et ouvre le robinet. Après avoir regardé son reflet pendant quelques secondes, sans que la moindre pensée traverse son esprit - vide c'est ce q'elle est - elle s'arrose le visage avec un peu d'eau fraîche.

Les cours passent de plus en plus lentement. Enfin c’est bizarre elle a l’impression que le temps file et en même temps que les heures passées sur une chaise durent une éternité. Elle tente de se concentrer tant bien que mal mais rien à faire les phénomènes biologiques l’ennuient au plus haut point enfin il faut dire que son professeur n’a rien de passionnant. Ca se voit qu’il est blasé de son métier, d’enseigner tous les ans la même chose à des élèves qui pour la plupart se moquent éperdument de ce qu’il raconte. La passion qui devait se trouver dans sa voix lors de ses premières années d’enseignant s’est éteinte alors que cet homme se contente de faire cours attendant la retraite qui arrivera l’année prochaine. Il fait son travail ni plus ni moins et Sophie bien qu’elle éprouve un très grand respect envers ses professeurs ne peut s’empêcher d’être dans les premiers à sortir de la salle lorsque la sonnerie retentit.

Ses affaires de cours dans son sac à dos, elle monte les étages rapidement pour arriver au dernier étage. Ses pas rapides la mènent tout droit aux toilettes là où tu l’attends, elle a vu ton message alors qu’elle rangeait sa trousse dans son sac et aussitôt la voilà. Elle a un peu tardé vu qu’un monde fou dévalait les escaliers poussant alors la terminale qui elle allait en contre courant. Les élèves la poussent alors, ils l’empêchent de monter, ils forment comme une barrière entre vous deux et la grecque s’est débattue pour parvenir au troisième étage. Mais la voilà qui vient vers toi après avoir bravé une vague de lycéens affamés. Elle est là inquiète après ce message qui semblait rempli d’un sentiment d’urgence. Il lui faut peu pour s’inquiéter pour toi, elle a toujours peur qu’il t’arrive quand elle n’est pas là pour te protéger.

- Qu’est ce qu’il y a Zoé ?

Elle n’a pas pu venir à votre footing ce matin, sa mère ayant besoin d’aide pour une tâche ménagère alors c’est la première fois de la journée qu’elle te voit. Elle ignore tout des soucis qui te rongent pour l’instant mais elle sera pour toi, elle t’ouvrira grand les bras, elle te prêtera son épaule et elle t’épaulera dans cette galère comme toujours. Elle te montre qu’elle est là en te faisant un câlin. Elle te rappelle que les ennuis de l’une sont les ennuis de l’autre. Elle sera toujours là pour toi.

Elle est trop jeune pour être enceinte. Beaucoup trop jeune. Mais en même temps ça n'étonnerait personne qu'elle le soit. Ca n'étonnerait même pas qu'elle ait le SIDA vu ses conneries. Elle se passe de l'au sur le visage. Peut-être pour la nettoyer de tous ses pêchés ? Elle entend les lycéens bruyants de l'autre côté de la porte, dans le couloir, redoutant que l'un d'entre eux n'entre soudainement dans la pièce qu'elle s'est réservée. Elle n'attend qu'une seule personne. Sophie. Elle espère que personne d'autre n'osera rentrer.

Les minutes sont longues. Interminables. Jusqu'à ce que, finalement, la porte s'ouvre. Un regard désespéré envers cette dernière. Sophie entre. Elle semble inquiète et elle a toutes les raisons de l'être. Pour seule réponse Zoé se penche au-dessus de son sac à dos qu'elle ouvre et d'où elle sort la petite boite en carton contenant le fameux test qu'elle promène depuis ce matin. Ce test qui l'angoisse tant.

« J'ai acheté ça en venant ce matin. »

Elle sort le petit objet de son carton pour que Sophie comprenne peut-être un peu mieux de quoi elle parle.

« J'ai peur So... » sa main tremble, signe physique de la peur qu'elle éprouve réellement. Sa gorge et sa bouche son sèches. Elle a du mal à déglutir. Elle a même du mal à respirer. « Ca fait un mois que j'ai pas eu mes règles. Et il y a un mois... Tu sais le gars de mon cours de math dont je t'ai déjà parlé. Bah... »

Inutile d'en dire plus. Elle a honte Zoé. Elle n'a honte auprès e personne, mais auprès de sa meilleure amie si. Elle se déteste d'être comme ça, et surtout de ne pas réussir à être autrement. 

L’inquiétude se lit dans les yeux de la jeune lycéenne. Elle déteste ce sentiment qui lui serre le cœur et qui lui fait dire qu’elle a échoué à te protéger, toi sa meilleure amie. Elle a l’impression que le destin se joue d’elle et prend un malin plaisir à constater à quel point elle est impuissante. Mais elle décide de montrer son majeur au destin et est bien décidée à t’aider et à chasser l’inquiétude de ton corps. Elle s’est toujours promis de veiller sur toi du mieux qu’elle peut, toi à qui le passé n’a rien de joyeux.

- Oh.

C’est le seul mot qu’elle parvient à articuler en voyant le petit objet. Quand elle avait vu le carton, elle a cru que tu lui faisais une blague. Une mauvaise blague et qui n’aurait pas été drôle mais une blague quand même. Néanmoins le ton n’est pas à la plaisanterie et l’atmosphère semble s’être alourdie signe du sérieux qui règne dans cette pièce. Elle te laisse parler, elle te laisse t’expliquer et elle sent bien que l’heure n’est pas à une leçon de morale. La leçon de morale ça sera une fois que toutes les inquiétudes auront été dissipées. Néanmoins un petit rappel sur les contraceptions ne te ferait apparemment pas de mal. Elle est encore naïve Sophie, persuadée que les contraceptions empêchent à 100% le risque de tomber enceinte. Pourtant c’est bien connu que rien ne fonctionne à 100% et tu pourrais faire partie de ces 1% pour qui ça n’a pas marché.

- Je suis sûre que c’est une fausse alerte. Enfin le seul moyen d’en avoir le cœur net, c’est de le faire.

Une main dans ton dos, elle te guide vers un toilette. Elle évite soigneusement ceux où la lumière ne fonctionne pas, où la porte ne ferme pas bien et ceux où il n’y a jamais de papier toilette. Après trois ans passés dans ce lycée, elle sait éviter toutes ces petites choses.

- Je serais derrière la porte et t’inquiète pas je reste persuadée que c’est qu’une fausse alerte.

Elle ne sait pas qui c’est qu’elle essaie à tout prix de convaincre, si c’est toi ou bien elle. Bien sûr qu’elle te soutiendra si tu tombes enceinte mais elle se sentira aussi si impuissante parce qu’elle ne pourra rien faire pour ça.