Don't quit. You're already in pain. You're already hurt. Get a reward from it.
Un midi ordinaire, midi ordinaire d'un jour d'été d'autant plus banal, le soleil et la chaleur au rendez-vous, les rires d'enfants emplissant la piscine non-couverte sur le côté du manoir, éloigné de cet autre côté, où une dizaine d'adultes portant tous le même nom de famille à sonorité typiquement japonaise trinquent joyeusement de leur cristal contenant le doux breuvage qui les conduira certainement à l'euphorie désirée sous cette température de braise. Sans brise aucune. Une réunion de famille quelconque, un jour d'été banal, un midi ordinaire.

Le nez penché dans ses dossiers, Haru n'entend pas les petites mains rencontrer le bois acajou de la porte de son bureau. Il n'entend pas non plus le bâtant grincer alors que les doigts fins ont tendrement saisi la poignée dorée luxueuse. Ni voit cette bouille adorable sortir de l'entrebâillement.  Du moins jusqu'à ce que la dite bouille ne vienne poser son menton au dessus des divers dossiers posés sur l'immense bureau en bois de rose de son grand demi-frère. Un sourire espiègle aux lèvres.

Haru tourne la tête vers elle et lui sourit. Il sait qu'elle est fière de venir le déranger pendant son travail, mais il sait aussi qu'elle agit ainsi par manque d'attention de sa part. Sans colère aucune, le jeune homme retire ses lunettes et les pose près du stylo de son père, et, avec toute l'affection qu'il lui porte, lui intime d'un mouvement de tête de se rapprocher de lui. Ce qu'elle fait sans qu'il ne lui propose une deuxième fois.

- Onii-san, je n'arrive pas à faire ma tresse. Vous pourriez la faire pour moi? Fait-elle en lui tendant son élastique rose étincelant d'un geste autant mignon que gracieux.

La tête penchée sur le côté, le directeur ne peut s'empêcher de trouver sa jeune demi-sœur adorable alors qu'il prend l'objet tendu entre ses doigts.

- Madame Yamada ne serait-elle pas plus disposée que moi à vous faire une jolie coiffure jeune fille?

Mirai rigole, et les deux savent déjà qui a le dernier mot. Enfin, le résultat était déjà prévisible dès lors la demoiselle en avait décidé ainsi.


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Lentement, le jeune homme relâche la pression qu'il exerce sur ses poumons, la fumée de sa gorge rencontrant fatalement l'oxygène qu'il souille depuis maintenant deux minutes. Alors que la cendre de sa clope Vogue se consume à la lenteur d'un bourriquet, Ha Ru a le regard posé sur son téléphone Huawei Mate X, dernier smartphone en vogue de la marque, donné à sa famille pour test, ou en guise d'assurance sans doute. Alors que la guerre contre l'Amérique bat son plein, la marque cherche forcément des appuis, des arrières forts et riches pour la maintenir.

D'un mouvement de pouce, Ha Ru parvient au dossier photos. Assis sur l'herbe, face à la demeure qui l'avait vu grandir, il attend que sa Porsche Carrera GT ne lui soit remise, seule voiture de sa collection qu'il avait pu emporter avec lui, et seule voiture de son père que sa famille avait bien voulu conserver. Il n'a plus les clefs qui déverrouilleraient la serrure du portail, alors, assis sur cette herbe en dehors du domaine qui avait accueilli ses rires comme ses pleurs, il l'attend, prend une énième taffe et son doigt appuie douloureusement sur supprimer. Trois sourires s'effacent.[/font]



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- Kento, Aoi? Que dirait mère si elle vous savez ici au lieu de réviser vos cours de piano hum?

Un sourcil relevé, Haru est plus amusé par la situation qu'énervé, parce qu'il sait que ses frères sont encore jeunes et plein d'énergie, et que, même s'ils sont plus âgés que Mirai, cela ne les empêche pas d'avoir envie de s'amuser. Alors une énième fois, il délaisse ses dossiers, se dit qu'une nuit blanche supplémentaire ne le tuera pas, et commence à courser les deux jeunes garçons aux allures d'aristocrates dans son bureau. Il ne lui faut pas longtemps pour attraper Aoi, le plus jeune, de le chatouiller avant de l'embarquer sur son épaule, le faisant tournoyer au passage. Et c'est sans compter sur l'autre frère que ce dernier s'approche, petits poings sortis, mitigés entre l'envie de délivrer son cadet et l'envie d'être à sa place. Perceptible uniquement entre eux, Kento relève rapidement son visage vers son aîné, avant même que ses doigts ne se posent sur le tissu du bas de sa chemise de coton blanc Dior, comme pour lui demander l'autorisation d'amorcer de lui-même le contact. Jamais Haru ne les a rouspétés ou même repoussés, mais les trois plus jeunes ont toujours senti cette peur, cette crainte chez le demi grand-frère.

Il sourit, et c'est avec joie que Kento enchaîne à la manière d'un Luffy les petits coups, sous les rires innocents des trois.



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Le soleil tape et Ha Ru retrousse les manches de son haut à la marque imprononçable. Cela fait maintenant trente minutes que le nouveau responsable temporaire des clefs aurait dû être arrivé. Trente minutes de retard et une dizaine de cigarettes consumées. De par ordinaire, le jeune homme n'est pas un grand fumeur. Une ou deux dans la journée lui suffisent amplement. Mais de par ordinaire, il n'a pas à attendre aussi longtemps. Alors la consommation de tabac s'avère être une grande amie quand l'ennuie le guette. Une nouvelle fois, son doigt rencontre l'information "êtes-vous sûr de vouloir supprimer tout le dossier?".

Quand l'ennuie le guette et que sa gorge se noue.  



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La nuit est installée mais le marchand de sable s'est rhabillé. Haru, assis dans son fauteuil d'appoint bleu marine, faufile tendrement ses doigts dans les cheveux soyeux de sa jeune demi-sœur assoupie. Du haut de ses six ans, la jeune demoiselle peut encore se permettre de s'allonger sur le corps du directeur sans pour autant chavirer. La lumière est tamisée, la cheminée rayonnante et l'air chaleureux. Les deux jeunes demi-frères dessinent sur des livres de coloriage que Haru avait expressément rangés dans sa bibliothèque personnelle. Parce qu'il savait. Kento, Aoi et Mirai étaient venus naturellement s'installer auprès de cette petite table créée par les soins du grand Georges Nakashima, se posant sur les trois petits coussins rembourrés prévus également pour eux. Parce que Haru savait.

Et que eux, savaient aussi.



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"Dossier vide"

Ha Ru jette son dernier mégot au sol, se débarrasse de son regard voilé et plonge ses iris dans ceux de l'inconnu lui faisant désormais face. Sincèrement, il lui sourit, alors que l'homme d'âge mûr se plie en milles excuses suite au retard inexcusable de son abrutis de bagnole impardonnable à la vitesse tout autant condamnable. Alors, Ha Ru rigole, ses dents se dévoilent et sa main se pose, non sans stress, sur l'épaule charnue. Il ne ressent aucun picotement, aucun afflux et aucune sensation ne s'empare de son être. Sa chaleur corporelle est toujours la même et rien ne s'est manifesté autour d'eux. Intérieurement, il soupire de soulagement. Extérieurement, il presse un peu plus cette épaule et le remercie chaleureusement de lui avoir ramené son bébé, même à coup d'épisodes à la Olive et Tom.

Les clefs récupérées, l'ancien directeur se glisse dans l'habitacle et caresse le cuir du volant tant manqué. Les secondes qui suivent laissent la place au moteur vrombissant de toute sa puissance et Ha Ru sourit. Il est bien, là. Il fait bon. Ni trop chaud, ni trop venteux. Il oublie un instant la présence de son ancien chez lui, qui, dans les jours à suivre, deviendra un tas de ruine pour laisser place à d'autres habitations plus modestes, peut-être même d'un hôpital ou d'un petit quartier résidentiel. Il oublie un instant que les briques font leur deuil des rires aux sonorités japonaises. Il oublie momentanément, que plus personne ne viendra visiter ce domaine secondaire, que plus personne n'y viendrait pour le sortir un instant de la solitude continuelle qu'il pouvait y ressentir, parsemée de majordomes et de servantes, pendant la période des vacances scolaires. Il oublie momentanément, les échanges espiègles avec madame Yamada lorsque le jeune maître décidait de faire le mur pour sortir durant ses années étudiantes. Il oublie, à mesure que le manoir ne devient qu'un souvenir minuscule au fond du paysage.

Il ne connait quasi personne. Mais du monde, il y en a, ici, sur l'île de Jeju. Un peu plus de 630 000 habitants, de quoi faire une fête de folie dans sa nouvelle villa. L'ancien directeur Kim passe ses doigts fins entre les mailles de son collier, s'attaque à sa chaîne et vient se loger entre les deux petites plaques.




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- Nii-san, penses-tu qu'en grandissant, Aoi et moi on deviendra grand comme toi?

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- Onii-san, pour mon anniversaire, pourrais-tu m'offrir les mêmes étoiles que tu m'as offertes pour mon anniversaire? De cette manière, je pourrais te rendre les tiennes pour toi la nuit.

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- Haru Onii-san! Quand je serais grande, je me marierai avec vous!


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Ha Ru suffoque. Mais Ha Ru arrive à dégoupiller son précieux.




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- Haru Onii-san joyeux anniversaire! Nous vous aimons fort! Grand comme… grand comme ça!



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La voiture est déjà loin, laissant derrière elle, au sol, la jolie plaque argentée offerte il y a maintenant un an déjà. Trois noms y sont gravés. Trois noms aux sonorités plus que japonaises.