La pluie tombe. C’est un déluge qui tombe sur mes épaules, sur ma tête, sur mon visage. Mon parapluie est tombé sur le sol car je suis incapable de le tenir convenablement dans ma main. Debout devant une pierre tombale, je suis entièrement trempée. Mes larmes se mélangent à la pluie. Des larmes de chagrins, de colère. Toutes sortes d’émotions se mélangent en moi et sortent malgré moi. Mes yeux parcourent sans cesse les inscriptions sur cette dite pierre. Lin Kibum. Son nom sonne en écho dans ma tête comme si je ne réalise pas encore qu’il s’est éteint il y a peu me laissant une fois de plus seule, me laissant dans une saleté de merde : les dettes. Je ne lui en veux pas pour cela, mais je lui en veux pour certaines raisons. Pourquoi il a fallu qu’il décède comme ça sous mes yeux sans m’avoir parlé de sa maladie? Pourquoi il a fallu qu’il ne dise rien pour qu’on puisse intervenir ensemble sur sa santé? Pourquoi il a fallu qu’il se laisse aller rapidement alors que dans le fond il avait tout. Une femme auprès de lui, dont moi, qui s’occupe de lui et de l’appartement. Des amis qui tiennent à lui. Pourquoi il a fallu qu’il disparaisse comme ça sans se battre? Pourquoi?
«Jisu?» un son qui m’est venu à mon oreille tel un vent qui souffle. Je tourne ma tête légèrement vers ce prénom qui est le mien pour remarquer un homme vêtu de noir. Constatant également que la pluie a cessé de tomber sur moi. Un parapluie de couleur sombre me protégeant contre cette eau froide qui m’engourdit la peau. Je retourne mon attention vers cette pierre tombale en face de moi. Kibum, tu es un mec stupide pour avoir laissé des amis, une nana que tu as demandé en mariage, seuls. Un imbécile qui ne pense rien qu’à lui. Sauf que tu restes un homme sournois qui cache la vérité. Est-ce que tu as au moins dit à tes amis que tu es quelqu’un de violent? Que si on ne sert pas dans tes intérêts personnels nous sommes traités comme de la merde? Non, n’est-ce pas? Tu as caché ton côté impulsif, violent. Tu as caché parce que tu savais qu’ils me protégeraient et t’abandonneraient. Bum, si tu savais que j’ai appris à t’aimer. Malgré tous tes défauts, malgré tes mauvaises manies, tes demandes étranges à vouloir que je couche avec d’autres hommes pour de l’argent. J’ai appris à t’aimer et accepter ton mauvais côté. Me disant que tout cela n’était pas par choix. Nous vivions dans des moments difficiles et du fait quelqu’un te menaçait? Si jamais c’était seulement ça, je l’aurais beaucoup mieux pris. Enfin, peut-être.
J’ai été orpheline depuis que je suis enfant. J’ai vieilli à l’orphelinat jusqu’à l’adolescence avant de me faire adopter par des parents beaucoup trop absents. Je n’ai jamais connu l’amour parental, je n’ai jamais su ce que s’était vivre comme une famille. J’étais la gamine qui s’occupait de la maisonnée avec une certaine femme que j’entrecroisais pour voir si tout allait bien. Bien souvent, j’allais vivre chez mes voisins pour ne pas être seule. Dire que dans ce temps-là, j’ai vieilli rapidement, j’ai mûri. Appris à être seule et de me débrouiller. Toi, Kibum, tu m’as sauvé pendant que je revenais de mes achats pour le repas. On m’a accosté et toi, tu m’as sauvé. On s’est croisé par la suite au Lycée que tu m’as fait rencontrer ton groupe d’amis. Sur le coup, j’étais timide, mais on m’a rapidement intégré. J’ai découvert des sentiments grâce à toi en ayant un coup de foudre pour un de tes potes. J’ai découvert ce que s’était s’intéressée à quelqu’un puisqu’il était un vrai mystère à mes yeux. Je les considérais comme ma famille. Je ne souhaitais qu’être auprès d’eux et sourire, être heureuse, vivre. Même si j’étais la plus jeune, même si vous me reprochiez certaines choses que je faisais parce que vous le faisiez et vous ne vouliez pas que je les fasse. Cela a été la plus belle période de ma vie. Dès que tu t’es déclaré à moi. Pardonne-moi d’avoir ri parce qu’honnêtement je ne m’y attendais pas la moindre. Sauf que j’ai accepté par gentillesse. J’ai accepté de sortir avec toi, même si je ne t’aimais pas au même stade que toi. J’ai appris. Aimer, c’est apprendre à aimer, non?
Tu m’as toujours dit que si j’étais utile, tu seras doux avec moi. Comment ça se fait que je recevais plus de coups, plus de violence que de l’attention? Qu’est-ce que je faisais pour te mettre dans ses états? Qu’est-ce que je faisais pour que tu me reproches sans cesse? Pourquoi il faut que je mérite les caresses? C’est donc ça l’amour? Mériter les caresses. Mériter les baisers. Il a fallu que je te demande plusieurs fois de vouloir m’embrasser sinon ça t’agaçait de recevoir cela par surprise. Tu sais, Kibum, on dirait que tu m’as traité comme un chien, comme une moins que rien, mais je me disais que c’était normal car tu l’affirmais justement. Me disant que c’était ta façon d’aimer une personne. Je l’ai cru. Pourquoi suis-je si naïve? J’ai tout fait pour toi. J’ai même ouvert un atelier de tatous pour être digne de ton respect. Non. Pourquoi autant de reproche? Tu sais, je ne t’ai jamais détesté par tes gestes. Au contraire, par amour que j’ai appris pour toi, je cachais ce que tu faisais à nos amis. Par amour pour toi, j’étais prête à encaisser tous les douleurs du monde pour te voir être fier de moi. Te voir réellement m’aimer et être gentil, te voir me regarder que moi et être attentionné. Non… Après ces quelques années de vie commune, j’étais à deux doigts de te laisser, mais au lieu de ça, tu m’as demandé en mariage.
J’ai été vraiment sotte. Je savais que c’était de la manipulation, mais je me voilais le visage espérant quelque chose d’aimable de ta part. Ta demande m’a surprise et comme une idiote j’ai accepté. Ainsi coincée dans tes filets, je ne pouvais retourner en arrière. Pour moi, c’était un point d’un non-retour. Tu m’as de plus en plus brisé, mais je ne te laissais rien paraître car justement j’avais une impression que c’était ce que tu voulais. Néanmoins, ça n’a pas fait en sorte que je t’aime moins. Mon amour, étais-je stupide à vouloir essayer de te faire changer? Étais-je idiote pour me dire que le mauvais est passé? La maladie t’a attrapé. Et sur ton lit d’hôpital, je te voyais dépérir à vue d’œil. Tu m’as rien dit. Au lieu de ça tu m’as tout simplement demandé de t’embrasser. Déposant mes lippes contre les siennes, j’ai senti ton dernier souffle. J’ai entendu un bruit de cassure dans mon cœur. Comment ne pas être traumatisée après tout ça? One, ton meilleur ami, a été présent avec nous. Il a été fortement présent. Tu sais qu’en ce moment il est à mes côtés devant la pierre tombale avec moi? Aussi stoïque que d’habitude? Est-ce que tu sais comment j’ai souffert depuis que tu es parti? J’ai les mains meurtries, j’ai des idées plus ou moins flous dans ma tête. Puis toi, tu dors paisiblement? Tss… Me pardonneras-tu si jamais je tourne la page? Que je fasse mon deuil sur notre passé sombre, que je recommence à vivre une vie plus saine? Pardonne-moi si jamais je réussis. Ça seulement le temps nous le dira.