let me see you [ 16 juin 1994, Helsinki ]— Mes bébés ! crie-t-elle.
Les médecins avaient beau lui demander de se calmer, ce n’était pas possible. Il était bien trop tôt pour qu’elle donne naissance à ses jumeaux. Trente-cinq semaines. Ce qui devait être l’un des plus beaux jours de sa vie s’était transformé en cauchemar. Qui plus est, elle se retrouve à des milliers de kilomètres de sa famille. Elle est seule dans cette situation effrayante, dans une pièce rempli d’inconnus qui lui parlent trop peu. La soirée est bien avancée et les pronostiques ne sont pas bons.
Les heures passent. Nous sommes à présent le 17 juin 1994. Un premier bébé nait et le silence. Pas de cris, de pleurs à pleins poumons pour dire « je suis là, et je vis ». Pourtant le temps presse. Il y a un deuxième bébé. Le premier bébé, qui semble léthargique est confié aux mains expertes de sage-femmes qui sont dans la pièce.
4h31. Les cris du nouveau-né emplissent la pièce. Minhyuk est enfin là. Mais maman se lamente sur la petite Soomin qui n’a pas survécu. Sa mort est certainement ce qui a prématuré son accouchement.
La vie peut être difficilement célébrée dans la mort. L’anniversaire de Minhyuk restera longtemps celui de la mort de Soomin.
[ 20 août 2013, Los Angeles]Leurs yeux se croisent et se toisent un long moment. Des lèvres salées s’entrechoquent. Cela fait des semaines qu’ils se tournent autour, sans qu’il ne se passe rien entre eux alors que pourtant, une certaine alchimie existe. Les doigts de la jeune fille s’égare dans la chevelure ébène de son amant. C’est là que tout a commencé.
[ 3 mars 2016, Séoul ]I wanna see you. Minhyuk n’avait pas eu de nouvelles d’elle depuis des années. Elle était venue le voir, avait voulu rompre sans réelle explication. Il était terriblement amoureux, lui. Et puis alors qu’il avait voulu la revoir, elle avait tout simplement disparu. Elle n’était plus venu en cours, avait déserté sa chambre étudiante. Il ne l’avait véritablement plus jamais revue. Elle était devenue une amourette qui n’avait duré que quelques mois.
Pourtant, il l’avait tant aimée qu’il n’avait pu refuser de la revoir quand elle lui avait envoyé un message pour la première fois depuis deux ans. D’autant plus quand il avait su qu’elle avait fait des milliers de kilomètres pour le voir. Et il avait fait le voyage jusqu’à Séoul pour pouvoir la rencontrer. Il était loin de se douter de ce qui l’attendait. Il était même à mille lieues de l’imaginer.
La surprise le laissait totalement silencieux. Il était même presque intimidé par la créature surplombant les genoux de l’étrangère. C’est elle qui prend la parole en premier :
— Tu es surpris ? Elle s’appelle Maya. Le regard du jeune homme fait des allers-retours entre la jeune femme et l’enfant.
— Elle a 2 ans. Minhyuk reste silencieux. Il ne sait pas trop quoi dire. L’enfant ne ressemble pas du tout à sa mère. Celle-ci a les cheveux châtains, les yeux gris, assez foncés finalement. La petite fille a les yeux noisettes, les cheveux bruns clairs. Elle semble très calme, si ce n’est qu’elle tend les bras pour s’amuser avec les pailles plantées dans les gobelets face à eux. La mère les éloigne d’un geste de la main, elle semble las. Elle semble hésiter un instant.
— C’est ta fille.
— Quoi ? il murmure, alors que ses yeux s’agrandissent.
La jeune femme semble de plus en plus nerveuse. Elle poursuit :
— J’ai un service à te demander…
— Quoi ? demande-t-il innocemment
— J’aurais besoin que tu gardes Maya une heure ou deux. Je dois passer un entretien d’embauche pas loin d’ici. Minhyuk accepte d’un hochement de tête. Il a été si naïf. L’amour rend véritablement aveugle, il faut le dire. La jeune femme a déposé la petite sur les genoux de sa connaissance. L’homme, lui, ne semble pas savoir quoi faire de sa vie. Il reste immobile, sous le regard de sa bien-aimée.
— Je te laisse quelques affaires au cas où. Elle aura peut-être besoin que tu lui changes sa couche, ou elle aura peut-être soif. Occupe-toi bien d’elle, je te la confie. Et elle disparaît sans demander son reste, devant un Minhyuk perdu, qui ne comprend rien de ce qu’il est en train de se passer actuellement. Les heures passent, beaucoup plus que ce que la mère avait annoncé initialement. La nuit finit même par tomber. Il essaye de contacter son ex, en vain. Elle n’est jamais venu chercher sa fille. Le coréen est resté hébété toute l’après-midi à sa table de café, à s’occuper d’une petite fille dont il serait le père, mais dont il vient d’apprendre l’existence. Etait-ce un canular ?
Deux jours plus tard, il reçoit un message de cette femme.
« Désolée Minhyuk. Tu dois certainement me détester pour tout un tas de raison. Désolée de t’avoir caché que tu étais papa. Désolée d’être partie sans rien dire, de n’avoir rien expliqué. J’ai quitté la Corée juste après être venue au café. Je ne peux plus m’occuper de Maya. C’est trop dur. Veille sur elle à ma place, s’il te plaît. »
C’était déjà la pagaille quand il a ramené la morveuse chez lui, chez ses parents, où il vit encore. Alors quand il va devoir dire que la maman s’est barrée sans son enfant… Ca va être une autre histoire. Sa mère était déjà devenue hystérique à le voir avec un bambin dans les bras, alors devoir lui annoncer qu’il en était potentiellement le père et qu’il en aurait la garde, ça allait être une autre paire de manche.
L’amour s’était joué de lui.
[ 10 mars 2016, Jeju ]Ils sont quatre dans le bureau du médecin. Cinq même, en comptant la présence de la petite qui est assise innocemment sur ses genoux. Le médecin dispose un feuillet face à lui, qu’il pousse vers la famille. Minhyuk ne s’est jamais vraiment senti angoissé de toute sa vie, pourtant, en ce moment, il ressent ce qui s’en rapproche le plus. Le docteur prend alors la parole :
— Les résultats sont formels. Ils sont positif. Maya est bien votre fille. Le silence se fait dans la salle. Jusqu’à que la main de la mère s’abatte contre le crâne de son fils. Celle-ci semble très contrariée. Il faut dire que la famille est plutôt traditionaliste. Un enfant avant le mariage… quel humiliation pour eux. Quel honte. Mais la petite est là maintenant, il ne savait pas non plus.
« Tu te marieras » avait-elle dit. Depuis, il s’efforce de retarder l’échéance, en se disant que peut-être, il trouvera la bonne.
Mais la seule chose à laquelle il pense, c’est de protéger l’enfant. La mère ne touchera plus son enfant après l’avoir abandonnée. La première étape est de reconnaître cet enfant. Et ensuite de réclamer la nationalité sud-coréenne si cela est possible. Il y a tant à faire.
Et la nouvelle ne tarde pas à faire la une des média.
[ 19 janvier 2019, Jeju ]« Nous assistons aujourd’hui à l’investiture du nouveau président du groupe X. Âgé de presque 25 ans, il sucre la place à sa soeur aînée de 32 ans. L’ancien président souhaiterait-il un vent de renouveau dans son entreprise ? L’investiture du président Minhyuk n’est-elle pas prématurée ? Seul l’avenir nous le dira. Cependant, l’ancien président semble enthousiaste, ayant témoigné d’une bonne efficacité et d’une volonté de progresser dans la hiérarchie. Le scandale avec sa fille ne l’aura donc pas handicapé dans la compétition. »C’est donc ce qu’il disait sur lui quelques minutes avant la cérémonie. Les contrats avait déjà été signés, son père lui offrant ses parts de la société. Ca n’allait pas être facile mais il ferait tout pour être à la hauteur des attentes de son père. Il était encore jeune, c’est vrai, mais si son père a considéré qu’il était le plus à même de gérer cette entreprise avec une petite fille dans les bras, c’est qu’il y a une raison.