When tears of depression fall like rain, not even an umbrella could save me // @Na Insik ※※※ C’est la culpabilité qui fait frissonner Hyuntaek alors que son regard tombe sur les poings serrés de son ami sur la table. Ill avait compris rapidement quand il était jeune qu’Insik n’était pas du genre à montrer ses sentiments. Casse-cou, premier à défendre Hyuntaek à coups de poing et à punir ses assaillants, il s’était toujours donné le rôle du garde du corps, de celui qui serait prêt à s’abandonner pour l’autre. Hyuntaek ne l’avait pas réalisé, jeune, car les concepts étaient beaucoup trop vagues, les sentiments et les actions non interprétables. Difficile de comprendre ce qu’est l’abandon de soi, la loyauté, ou encore le bien et le mal lorsqu’on est haut comme trois pommes. Pour le jeune Hyuntaek, Insik n’était rien d’autre que son meilleur ami, et son héros à la fois. Un jour, Insik était rentré dans sa vie tel un super héros et il n’avait plus quitté ses côtés, n’ayant de cesse de le protéger et de le soutenir. Alors rapidement, Hyuntaek avait pris l’habitude de l’avoir à ses côtés, de se dire qu’il n’était plus seul. Il y avait toujours eu ces yeux admiratifs, cette tendance à se reposer sur lui, en permanence. A
trop le prendre pour acquis.
Adolescent, Hyuntaek avait commencé à le sentir. A essayer de changer la donne et d’essayer, lui aussi, d’être utile à son ami. Mais comment pourrait-il repayer les nombreuses fois où son sauveur l’avait extirpé de cette pluie de coups, de ces injures chuchotées à son attention au détour d’un couloir, de ces regards insistants et plein de moralité qui donnaient envie à Hyuntaek de se cacher dans un placard et de ne plus jamais en ressortir ? Alors quand le frère d’Insik était mort, il avait redoublé d’effort pour être à la hauteur de l’ami admirable qu’Insik avait toujours été pour lui. Il ne pouvait pas prendre des coups pour lui, n’était pas assez bon pour en donner, mais l’empathie, il savait faire. Et très rapidement, il avait su déceler comment interpréter les plus petits gestes, les petits écarts dans le contrôle de soi de son ami. Les signes qui traduisaient les émotions qu’il ne s’autorisait jamais à formuler.
Les questions ricochent dans son esprit, les mots froids d’Insik, ceux qui traversent toujours ses lippes, viennent frapper ses oreilles, ses interrogations, son esprit. Hyuntaek hausse les épaules à toutes les questions, il ne sait pas trop. Il ne regardait plus les notifications de son téléphone, ne répondait plus aux appels, passait le clair de son temps à dormir, ou à pleurer, donc il n’avait aucune idée de si quelqu’un de l’hôpital avait cherché à le joindre. Comptait-il démissionner, à ça non plus il ne savait répondre, lui-même était perdu. Il savait juste une chose. Dès lors qu’il repensait à la douleur perpétuelle et l’incapacité de pouvoir sauver toutes les vies qu’il voulait – qu’il aurait pu sauver, si seulement il avait été un peu mieux que ce qu’il était aujourd’hui - qui l’avaient animé tous ces derniers mois avant son gros malaise, il ne se sentait pas à la hauteur de retourner. Comme s’il avait commis un crime malgré lui, et n’osait plus revenir sur les lieux. Incriminé de faiblesse, il y doublait sa peine en y rajoutant la lâcheté et l’incompétence. Il n’était qu’un moins que rien et le fait que l’idée même, risible vu sa condition, de pouvoir aider les gens lui ai un jour traversé l’esprit suffisait déjà comme cause d’incrimination. Alors oui, probablement, il n’y retournerait plus jamais. Son regard fuit celui de son ami, honteux d’abandonner, honteux de se faire une raison, honteux de ne pas avoir la force de continuer et de se sacrifier pour les autres, comme ce dernier avait fait toutes ces années pour lui. Honteux de répéter, après tant d’années, ce qu’il avait déjà fait à son ami en l’abandonnant lorsqu’il avait le plus besoin de son ami, lorsqu’il avait perdu non seulement son frère mais aussi sa mère puis son père.
« Tu sais, je sais que je passe pour un lâche qui abandonne facilement, juste pour son bien-être mais je ne pense pas que je pourrais continuer. Je n’en suis pas capable, je n’ai pas les épaules pour. »Une voix qui se brise dans les graves, une respiration qui se retient, qui ne se relâche plus pendant quelques secondes. Jusqu’à ce que les tempes lui fassent mal et l’obligent à expirer.
Lâcheté ignoble, égoïsme salvateur, était-ce ces sentiments aussi qui avaient poussé son géniteur à l’abandonner après avoir violenté et mis enceinte sa mère ? Une nausée le prend. Après tout, il n’est qu’une ordure, incapable de prendre soin de lui-même, incapable de prendre soin des autres, incapable de pouvoir même essayer d’aider les gens, de laisser un impact dans leurs vies. Une personne sans intérêt, sans projets, sans ligne directrice. Sans envie ni volonté de se battre, voilà ce qu’il était après tout.
Une main qui lui attrape les doigts, les serre doucement puis plus fort, comme pour le ramener à la réalité, freiner le galop incessant de son esprit qui se projette dans tous les sens et l’emprisonne dans un tourbillon de dépréciation de soi. Il a essayé de construire une armure, de se battre par lui-même, de pouvoir se pourfendre de ses assaillants. Il y arrive la majorité du temps, mais il ne peut se sentir soulagé que lorsqu’il sait qu’il a son héros avec lui.
Sentiment égoïste qu’Insik sera toujours là pour lui, pour le protéger, même de lui-même.
A son tour, il sert, fort, ramène sa deuxième main et continuer à serrer. Il le regarde dans les yeux, des prunelles qui sont froides au premier abord mais qui ont toujours su refléter, selon Hyuntaek, la douceur profonde de l’âme de Insik, celle cachée derrière l’armure scintillante. Il sourit, hoche la tête à nouveau.
« Oui, ça va, je vais un peu mieux. » Un silence, avant qu’un rire un peu chaotique le secoue.
« Au final, je n’ai fait que dormir depuis tu sais. » Ses yeux glissent sur le visage de son ami pour l’observer en silence et essayer de capter les moindres palpitations qui pourraient lui donner une vision de ce qu’il ressent. Rien ne passe sur son visage, alors Hyuntaek lui adresse un sourire triste, sans pour autant lâcher ses mains.
« Je m’en sortirais. Je me suis sortie de choses plus grave qu’un changement de carrière. » Son regard glisse vers le bol encore à moitié rempli de son ami.
« Mange, ça va être froid. »Les mains se séparent, pour laisser l’un l’autre manger. Une cuillère, puis deux. La nausée passe un peu, il s’efforce de ne pas penser à cette comparaison, cette ressemblance avec son géniteur. Mettre la tête dans le sol et faire l’autruche, encore une fois. Il essaie de profiter un peu de sa nourriture, mais son palais est brûlé par la précipitation des premières cuillères, son sens du goût affadi par toutes les confessions qu’il vient de faire. Doucement, il repose sa cuillère contre le bord de son bol encore tiède.
« Insik… » souffle-t-il en le regardant fixement.
« Merci d’être toujours là pour moi. »