ancré dans sa routine, iris se levait le matin sans réelle envie. traînant les pieds pour aller en cours, pour aller travailler, pour rentrer chez lui. il essayait de se donner de la motivation iris, mais il avait un coup de mou. c’est toujours un peu comme ça, quand la fin de l’été approche. quand il sait qu’une nouvelle année sans elle va se finir.

dans un état d’esprit sombre, il finit sa semaine. quatre jours de repos, quatre jours de paix. il ne peut qu’en être contente. la seule pensée de dîner avec la jeune femme ce soir lui arrachait des petits sourires durant ses services, alors qu’il servait des couples, des étudiants, un peu tout le monde. iris, il espérait simplement que ça se passerait mieux. marre d’avoir les joues rougies et le coeur alourdit.

la journée avant de voir la jeune femme, il l'a pense enfermée. il se repose, récupère de sa semaine, dort et regarde des films. les heures défilent et il se sent un peu stressé. il ne le montre pas, prend sa douche et s’habille convenablement : le restaurant est en bord de plage, mais il ne sait pas s’il est huppé ou si c’est un simple bouiboui. il verra bien sur place. il s'est bien habillé, juste au cas où. mieux vaut être trop habillé, que pas assez. (il a déjà enlevé sa veste, qu'il tient au bras, ayant trop chaud.)

il décide de se dégourdir les jambes et d’aller jusqu’à chez la jeune femme à pied. marre de prendre sa voiture. c’est donc avec ses lunettes de soleil sur le nez qu’il sort de chez lui, vérifiant dans chaque reflet que sa tenue est parfaite. comme s’il allait la rencontrer pour la première fois à nouveau, mais non.

c’est après de longues minutes de marche qu’il finit par arriver, voyant la jeune femme l’attendre devant son immeuble. enlevant ses lunettes, un sourire vint étirer ses lèvres alors qu’il regarde yura, plus que ravissante dans sa tenue. mais à en voir par sa timidité, il ne sait même plus s’il peut la complimenter. il attendra plus tard dans la soirée. “bonsoir. oui, ne t’en fais pas. google maps est un fidèle ami.” même s’il a un bon sens de l’orientation, internet n’est jamais de trop.

la galanterie ne tue pas, bien au contraire. alors après qu’elle lui montre le chemin du restaurant, après qu’il est acquiescé en ce qui concerne la chemise, il lui tend son bras. “si vous permettez, mademoiselle.” son sourire ne le quitte pas, toujours aussi doux, alors qu’il regarde la jeune femme. il espère vraiment que cette soirée sera mieux que les autres.

c’est quand elle passe son bras sous celui d’iris qu’il se sent mieux. son coeur arrête de battre la chamade à cause du stress. c’est qu’un rythme calme qu’il sent dans sa poitrine. et un sourire sur ses lèvres, qui ne veut plus le quitter. sa veste et ses lunettes de soleil à son autre bras, il garde yura près de lui avec celui qu’elle tient. bien sûr, il se met du côté de la route : une femme en talon trop proche d’un trottoir reste un risque. et vu les jours précédents qu’ils ont eu ensemble, c’est un risque qu’il ne préfère pas prendre. cette soirée va bien se passer. il y croit. “merci bien mademoiselle. et vous êtes magnifique. encore plus que d’habitude.”

son regard reste sur elle, afin de lui montrer qu’il est sincère. iris la pensait magnifique habituellement, à son travail, toujours bien habillé. mais ce soir, avec cette robe, elle n’est que plus jolie encore. il ne sait pas comment ses yeux ne se retrouvent pas sur sa silhouette plus souvent. mais ce sont des pensées pour d’autres moments. pour quand l’alcool aura infiltré son sang, quand la soirée sera plus avancée. alors après ce bref instant sentiment, son regard se tourne sur le paysage face à eux, alors qu’il se laisse guider vers un endroit inconnu.

“oui. excellente même. j’ai pu me reposer, regarder des films… traîner dans mon appartement pour me ressourcer.” un petit rire passe la barrière de ses lèvres alors qu’il hausse les épaules. “comment était ta journée ?” il lui lance un regard, un sourire. chose qu’il ne peut s’arrêter de faire, ses lèvres constamment étirées. il se sent bien, il se sent respirer ce soir. comme libre. ça lui manquait.

en plus d’être ravissante, elle est adorable. iris ne sait pas comment il a fait jusqu’ici pour ne pas la prendre dans ses bras. “je suis pas compliqué niveau restaurant, ne t’en fais pas. puis le temps qu’on passe une bonne soirée, c’est tout ce qui compte.” des compliments, encore des compliments. il ne sait pas s’il reste dans la galanterie ou s’il frôle la beaufferie. tant pis, elle l’a déjà entendu dire pire.

l’amulette. iris aurait presque oublié cette histoire. ce soir, elle n’est pas dans sa poche comme à son habitude. il l’a laissé sur sa table de chevet. “je pense ? du moins, rien cette semaine. donc ça doit être bon. encore merci.” pas de migraines comme la semaine dernière. pas de sensations étranges. rien. le calme plat.

se laissant toujours guider par la jeune femme, il regarde le restaurant sous toutes ses coutures avant d’y entrer. finalement, sa tenue passera très bien. parfait. une seule phrase plus tard, les voilà guidés vers leurs tables. un espace tranquille. ne sentant plus de pression sur son bras, il suit quand même la jeune femme et lui tire sa chaise. gentleman jusqu’au bout. “mademoiselle.” un nouveau sourire plus tard et il s’installe à son tour, regardant autour de lui. ça semble bien, il y apprécie déjà l’ambiance.

en cette chaude soirée d’été, on aurait pu pensé que les rues seraient emplis de monde. les enfants courant vers la plage, les couples de sortie dans une envie de passer une soirée romantique. pourtant, ils étaient seuls dans la rue, sur le chemin du restaurant. plus aisé pour écouter les paroles de la jeune femme. il les buvait comme si elle lui racontait une histoire. les yeux posés sur les mouvements de ses lèvres pulpeuses. toujours en train de l’observer, de l’admirer.

“si la fatigue te prends, n’hésite pas à le dire. on pourra toujours se voir une autre fois.” iris n’avait pas envie de la voir partir. mais il ne voulait pas non plus la voir épuisée. ce n’était qu’un repas, mais il était avenant. toujours trop bienveillant, toujours à penser à l’autre avant.

un sourcil qui se hausse, mais ses lèvres toujours étirées. “on ne peut jamais être trop galant. puis j’appelle plus ça être poli qu’autre chose.” beau parleur ? non, sincère. jamais n’avait-il laissé une femme tirer sa chaise au restaurant. par pur respect, par envie de faire plaisir. une petite attention qui ne fait jamais du mal.

ses mains remontent les manches de sa chemise, sa veste sur le dos de la chaise, alors qu’il observe les lieux. puis ses yeux reviennent sur sa charmante compagnie. “moi aussi je suis content. pas une seule migraine lié à ça depuis que je l’ai. tu devrais croire en tes produits, on dirait qu’ils fonctionnent bien.” un petit sourire en coin, une légère blague.

il s’empare du menu et ses yeux le scan rapidement, passant sur les prix. iris choisit toujours ses plats suivant les prix. l’argent ne coule pas à flot malgré ses nombreux boulots. il trouve rapidement un plat dans ses prix et ne cherche pas à savoir plus : il n’a pas le palais difficile. les pages du menu sont refermés. puis son sourire revient.

“des spaghettis aux fruits de mer. une de mes grandes faiblesses, la cuisine européenne. tu prends quoi ?” il a également choisi le moins cher pour que yura puisse se faire plaisir. l'appétit d’iris n’a jamais été bien grand depuis le décès d’eunha. “ce n’est qu’une période” qu’il pensait, mais non. maintenant trois ans et impossible de manger plus qu’un plat. “prends ce que tu veux, c’est moi qui offre.”

ses coudes viennent se poser sur la table, sa main remonte sur son avant bras. “je suis pas doué pour parler de moi.” il rigole légèrement, ses yeux devenant des croissants de lunes. “dis moi tout ce que tu veux savoir, j’y répondrais.”

“tu remarqueras rapidement que j’ai assez souvent raison.”

lèvres étirées en un petit sourire taquin, ses yeux portés sur la jeune femme face à lui. iris, il aime les choses jolies. alors avec yura devant elle, il ne peut s’empêcher de l’observer. pas avec ces yeux de pervers, comme s’il avait faim. non, ses yeux, c’est comme une caresse sur le corps de la jeune femme. un regard doux, un regard tendre. comme s’il apprenait à connaître sa peau avant même de réellement l'apercevoir.

un petit rire au gargouillement du ventre de la jeune femme. puis il est surpris par le choix de son plat. “tu penses qu’un seul plat te suffira ?” lui, il n’a pas un grand appétit. il n’arrive plus à en avoir un. mais il n’a pas non plus envie que yura se prive, bien au contraire. iris, il aime voir les gens apprécier ce qu’il ne peut plus apprécier.

“oui, j’adore la cuisine européenne. ma mère avait l’habitude d’en faire, elle a vécu une partie de sa vie en france quand elle était plus jeune.” sa gorge un peu noué, il se racle la gorge. ça faisait combien de temps qu’il n’avait plus mentionné sa famille ? iris ne sait même plus. mais il n’a pas envie que ses souvenirs partent sur cette route maintenant. il va finir le repas en larmes si ça continue.

“t’es sûre de toi ? tu sais que ça ne me dérange pas de t’inviter, au contraire.” iris, il est pas enfermé dans cette idée que c’est toujours l’homme qui doit inviter la femme. sa masculinité est intact, même si elle paye. alors il préfère juste lui demander s’il est sûr. la prochaine sortie, ça sera lui qui la payera, c’est tout. faut pas chercher midi à quatorze heure avec iris.

après une gorgée d’eau pour se rafraîchir, il se racle la gorge une nouvelle fois. ses doigts viennent jouer avec sa serviette sur la table alors qu’il se met à parler. “j’ai toujours vécu à jeju, fils unique et dans une petite famille. j’ai repris les études que j’avais arrêté, des études de lettre, pour devenir professeur de littérature en lycée. j’adore tout ce qui est roman fantastique et j’aimerais bien transmettre aux nouvelles générations une passion pour la lecture.” un peu gêné, ses joues rougissent alors qu’il toussotte un peu. il se frotte le front avec une main, ayant un léger mal de crâne qui survient. “du coup pour payer les études j’fais des petits boulots. serveur et barman. et non, j’ai pas vraiment de passion dans la vie. j’écris de temps en temps, mais ça ne va jamais plus loin. j’ai pas envie de publier ou quoi que ce soit.” une nouvelle fois, il lui fait un petit sourire. “et toi ? je sais juste que tu travailles dans une boutique de souvenirs...parle-moi de toi aussi.”

c’est la première fois qu’il raconte autant sur sa personne. yura à tendance à lui délier la langue.

c’est un sourcil qui se hausse face à ces paroles. “avec moi t’as pas besoin de ne manger qu’un plat pour paraître bien en public, j’espère que tu le sais ça ?” iris n’est pas de ces hommes qui s’attendent à voir une femme se retenir de manger pour lui faire plaisir. c’est le contraire vraiment. il a même à trouver ça sexy, une femme qui mange bien. à croire qu’il a un kink food quelque part enfermé en lui. ça ne l’étonnerait pas.

le serveur revient avec les plats et rien que le bruit de la vaisselle sur la table vrille les tympans d’iris. soudainement, c’est une douleur sourde qui lui prend au niveau du front. ses sourcils se froncent rapidement, il fait comme si de rien était et essaye d’écouter comme il peut les paroles de yura. ses poings se resserrent sur la table, il prend une grande inspiration par le nez. ça va passer. ce n’est qu’un mauvais moment. ça ira mieux dans quelques secondes. ce n’est rien. ça arrive, ça doit être la fatigue. ce n’est rien, ce n’est rien.

ça passe l’espace d’un instant, après qu’il ait bu un peu d’eau. rien n’arrivera ce soir. “elle m’a appris à en cuisiner, si tu veux que je te fasse à manger un soir.” un petit sourire envers elle. il espère qu’elle ne refusera pas. s’il n’aime pas cuisiner pour lui, iris aime bien cuisiner pour les autres. “oui, je lis beaucoup quand j’ai le temps ou quand j’arrive pas à dormir. et merci, j’espère que j’arriverais à faire un bon professeur.” un rouge vient légèrement teinté ses joues, car ce compliment le touche vraiment. c’est quelque chose qu’il a toujours souhaité faire, enseigner. son mal de crâne moins présent, il en profite pour manger un peu, reprendre des forces. si ce n’est pas qu’une simple migraine, il sait que plus tard il en aura besoin. il espère juste que ça n’arrivera pas avant qu’il ne rentre chez lui. de quoi gâcher une si belle soirée.

cette fois-ci, quand il tente de sourire, après avoir écouté yura parler, c’est plus une légère grimace qu’il fait. son mal de tête est revenu et sa vue se trouble un peu. iris se reprends assez vite, ne veut rien laisser transparaître. pourtant, dans quelques instants, il sait ce qu’il va voir. son mal de crâne s’est dissipé, ce n’est maintenant qu’un constant bourdonnement dans ses oreilles. il aurait voulu prononcé quelques mots, mais les paroles de yura le perturbent. comme si son sang n’avait fait qu’un tour dans ses veines. il se refuse à tourner à la tête, sachant très bien ce qui l’attends : une image de sa fille, la peau pâle et les cheveux mouillés, le regard vide et les lèvres bleues. sa voix tremble quand il tente de parler mais il se décide bien à l’ignorer. “t-tu aimes te b-balader sur…?”

des sueurs froides perles sur son front alors que ce bourdonnement s'amplifie. il sent les doigts gelés de sa fille venir se poser sur sa main et il ferme les yeux, tourne la tête dans la direction opposé. il sait très bien ce qu’elle veut, qu’il l’a regarde. sa respiration s’accélère alors que ses yeux s’humidifient, paupières qu’il garde fermés et poing serré à s’en faire blanchir les jointures. iris veut partir mais il est tétanisé, pris d’une crise de panique qu’il ne peut pas contrôler, de tremblement qui le secoue de la tête aux pieds.